L’enquête annuelle d’Edelman sur la confiance des consommateurs montre à quel point les Français sont en colère. Inquiétant…
Si vous avez le moral dans les chaussettes, ne lisez surtout pas les lignes qui suivent. En revanche, si vous avez l’impression d’être le seul à rejeter la société dans laquelle vous (sur)vivez, cette enquête risque de vous redonner du baume à votre petit coeur flétri. Le tout dernier baromètre d’Edelman sur la confiance des consommateurs confirme, hélas, ce que de nombreux analystes prédisaient depuis plusieurs mois : les Français ont la bave au coin des lèvres.
De la peur à la colère
« 2019 est l’année où tout a basculé, confirme Marion Darrieutort, présidente d’Elan Edelman. On est passé d’une société de la peur à une société de la colère. Cette évolution ne m’a pas vraiment étonné. Le mouvement des gilets jaunes, les scandales divers et variés, la dégradation des services publics et les débats sur les retraites sont des reflets de ce que les gens ressentent dans leur quotidien. Aujourd’hui, seulement 19% des Français pensent que leur famille et eux-mêmes seront plus riches dans cinq ans. Seul le Japon (15%) affiche un pourcentage plus bas parmi les 28 pays que nous étudions». Les Allemands (23%), les Britanniques (27%) et les Italiens (29%) sont guère plus optimistes. Les Sud-Américains, les Asiatiques et les Africains sont nettement plus positifs. C’est particulièrement le cas en Colombie (77%), en Indonésie (80%) et au Kenya (90%).
Une société profondément divisée
Cette large enquête, qui a été effectuée entre le 19 octobre et le 18 novembre 2019 auprès de 34.000 personnes dans 28 pays, montre à quel point les divisions au sein de notre société continuent de se creuser d’année en année. Notre niveau de confiance dans nos institutions n’a pas vraiment évolué ces douze derniers mois. Il est stable concernant les entreprises (50%) mais il a légèrement augmenté pour les médias (+1 point à 37%) et les ONG (+2 points à 58%). Même notre défiance envers le gouvernement recule (-3% à 65%). Ces chiffres doivent toutefois être pris avec des pincettes car ils cachent une profonde scission entre les plus nantis et les citoyens dans le besoin. « La France est divisée, résume Marion Darrieutort. Les riches continuent de s’enrichir et les pauvres ont peur de s’appauvrir. Dans notre pays, on pensait que le système allait nous tirer vers le haut mais les gens n’y croient plus aujourd’hui et ils craignent d’être déclassés socialement ». 42% de la population « masse » (c’est le terme utilisé dans cette étude) ne fait confiance dans aucune institution alors que 63% des Français « informés » (cette catégorie inclue des personnes âgées de 25 à 64 ans qui ont fait des études supérieures, qui ont des revenus plutôt élevés et qui consomment plusieurs médias) font confiance à au moins d’eux d’entre elles (ONG, entreprises, gouvernement et médias). Cet écart de 21 points est le plus élevé au monde.
Même la baisse du chômage ne nous donne pas le sourire
Tout nous inquiète. 65% des sondés craignent qu’un freelance leur pique leur emploi. L’automatisation (55%), le manque de formation et de compétences (54%), la récession (54%) et les immigrés payés une bouchée de pain (52%) sont d’autres facteurs qui pourraient nous conduire au licenciement. La technologie nous effraie également. Une immense majorité des Français (65%) juge ainsi que le système ne fonctionne pas pour eux et ils sont 69% à accuser le capitalisme de tous les maux, un chiffre qui a bondi de… 13% en un an. Ils n’accordent, en outre, plus aucun crédit aux indicateurs économiques. « Notre confiance en l’avenir n’est plus liée à la croissance et ça, c’est nouveau, commente la CEO d’Elan Edelman qui a travaillé dans le passé pour Lancôme International, Coca-Cola, IBM, Masterfoods, Campbell et TBWA Corporate. Depuis quelques mois, le PIB progresse et le chômage recule mais notre peur des inégalités continue de grandir ».
Communautarisme, quand tu nous tiens…
Dans le climat actuel, seuls les entreprises et les experts scientifiques ont encore un peu de crédit auprès du grand public. « Les gens ont également tendance à faire confiance aux personnes qui leur ressemblent, constate Marion Darrieutort. Ils se tournent vers leurs voisins, leurs communautés ou ceux qui partagent la même religion et appartiennent au même milieu social ». Communautarisme, quand tu nous tiens… La colère actuelle ne devrait pas s’atténuer dans un avenir proche. « Je n’ai pas de raison de croire que la situation va s’améliorer en 2020 », conclue la présidente d’Elan Edelman. Quand on vous avait dit que la lecture de cet article n’allait pas vous remonter le moral…