Pour relancer son économie, Pékin pourrait assouplir la législation sur les véhicules les plus polluants. Une mesure logique mais inquiétante.
Le répit risque de ne pas durer bien longtemps. Le confinement et la mise à l’arrêt de milliers de sites industriels aux quatre coins du monde a eu un effet positif sur la qualité de l’air que nous respirons. La pollution atmosphérique s’est fortement réduite. Dans la province de Hubei où se trouve la ville de Wuhan, le nombre de journées durant lesquelles les Chinois ont pu respirer à pleins poumons sans craindre d’inspirer des particules nocives a bondi de 21,5% par rapport à l’année précédente. Des images prises par des satellites de la NASA et de l’Agence spatiale européenne montrent également la disparition des principaux foyers de pollution au nord-est de la république populaire. Marshall Burke, un professeur adjoint du département des sciences du système terrestre de Stanford, estime que cette réduction des rejets de gaz dangereux dans l’atmosphère a probablement déjà sauvé entre 50.000 et 75.000 vies. Rappelons que chaque année, près de 7 millions de personnes meurent en raison de la présence de particules fines dans l’air, selon l’Organisation mondiale de la Santé. Le ciel bleu au-dessus de Pékin et de Shanghai risque toutefois de s’assombrir dans les tous prochains jours.
Les constructeurs automobiles au bord du gouffre
Le gouvernement chinois analyse actuellement la possibilité d’assouplir les restrictions sur la quantité de particules nocives que les véhicules sont autorisés à émettre. Cette mesure a un double objectif. Elle cherche tout d’abord à venir en aide aux automobilistes qui roulent dans de vieilles voitures polluantes. La crise économique provoquée par la pandémie actuelle va empêcher de nombreux particuliers à s’acheter un modèle plus récent et moins polluant. Un assouplissement de la législation leur permettra donc de rester mobiles sans risquer des amendes. Avec ce texte, Pékin souhaite aussi aider les constructeurs automobiles qui sont frappés de plein fouet par les mesures de confinement aux quatre coins de la planète. Renault, PSA, Fiat, BMW, Volkswagen, Audi, Mercedes, Ferrari, Lamborghini, Toyota, Honda, Ford, Volvo, Porsche, Bentley… Les grandes marques ont toutes stoppé leurs usines. Ces arrêts vont engendrer des pertes énormes pour ces entreprises qui ont pourtant besoin d’énormément de liquidités pour accélérer la sortie de motorisations moins polluantes. Les fabricants automobiles vont ainsi devoir investir 255… milliards de dollars dans les huit prochaines années pour lancer de nouveaux modèles électriques. Un assouplissement de la législation anti-pollution pourrait leur accorder un répit bienvenu. Mais cette « bouffée d’air frais » risque d’être très polluante pour le commun des mortels. La dernière crise financière l’a déjà prouvé.
Le passé n’est pas rassurant
En 2008, les autorités chinoises ont débloqué une enveloppe de 4000 milliards de yuans (570 milliards de dollars) pour financer un plan de relance en faveur notamment des industries très polluantes. La conséquence de cette décision a eu un impact direct et rapide sur l’environnement. À l’échelle mondiale, les émissions mondiales de CO2 provenant de la production de combustibles fossiles et de ciment ont augmenté de 5,9 % en 2010. Cette hausse était la plus forte enregistrée depuis 2003. Tout récemment, la Commission nationale du développement et de la réforme, l’agence de gestion macroéconomique de la Chine, a demandé que des mesures soient prises pour « minimiser l’impact de l’épidémie sur les grands projets et s’assurer que les investissements (dans les projets) ne soient pas interrompus ». De nouvelles subventions devraient donc accordées aux entreprises quelques soient leurs activités et leurs émissions de gaz nocifs. Les poumons des Terriens sont décidément mis à rude épreuve…