C’est une petite soupape jaune fixée à une canalisation de la même couleur à l’extrémité d’un enchevêtrement de tuyaux et de capteurs en tout genre. Pas peu fière d’elle, Petra Peterhänsel, la directrice de l’usine BMW de Leipzig, accompagnée pour l’occasion par le maire de la ville et par Milan Nedeljković, qui siège au conseil d’administration du constructeur bavarois, tourne la poignée en métal. Après quelques minutes de patience, une flamme bleue apparaît sur un écran de contrôle. Le premier brûleur au monde qui permet aux sécheurs de peinture de fonctionner à l’hydrogène vertvient d’être installé dans une usine automobile…
Cette innovation est encore en test. Pour bien fonctionner et être plus écolo, ce nouveau système devra être raccordé à un pipeline d’hydrogène vert que la région a déjà construit. « La durabilité est dans l’ADN de l’usine de Leipzig », se félicite Petra Peterhänsel. Cet énorme complexe de 229 hectares qui a déjà coûté plus de 3,3 milliards d’euros et dont le hall d’entrée a été dessinée par la célèbre architecte Zaha Hadid est entouré depuis 2013 de quatre éoliennes qui délivrent 10 MW de puissance. Cette année-là, la première station de ravitaillement d’hydrogène en Allemagne a été installée sur le site afin d’alimenter les chariots élévateurs et les trains de remorqueurs en intralogistique. Aujourd’hui, l’usine possède le plus grand parc du pays avec plus de 130 chariots élévateurs à pile à combustible qui peuvent « faire le plein » dans une des cinq stations d’hydrogène présentes sur les lieux. BMW investit beaucoup dans l’hydrogène.
Pour soutenir la décarbonisation de la logistique des transports hors de ses usines, le groupe est impliqué dans les projets de recherche H2HAUL et HyCET. Le premier travaille depuis 2019 au développement et au pilotage de 16 camions à pile à combustible à hydrogène et à l’installation de nouvelles stations-service de grande capacité en France, en Belgique, en Allemagne, et en Suisse. BMW Group dirige, par ailleurs, le programme HyCET qui cherche à faireavancer le développement et les essais de camions équipés de moteurs à combustion à hydrogène dans la logistique des transports. Si toutes les grandes marques automobiles cherchent aujourd’hui à commercialiser des modèles plus écolos, toutes ne font pas autant d’efforts pour réduire l’empreinte environnementale de leurs outils de production. Le géant munichois, lui, s’est donné des objectifs ambitieux dans ce domaine puisqu’il souhaite réduirede 80% ses émissions de C02 en production. La nouvelle BMW iFACTORY sera LEAN, GREEN etDIGITAL. Alors que la durabilité, l’utilisation optimale des ressources et la circularité, sont au coeur du GREEN, le terme LEAN est synonyme d’« efficacité » et se concentre sur une production très flexible et précise. Le DIGITAL renvoie, quant à lui, à l’utilisation efficace de la numérisation dans la science des données, l’intelligence artificielle et la virtualisation.Des premières étapes ont déjà été franchies dans ce sens.
Toute l’électricité achetée pour les usines du constructeur dans le monde est renouvelable depuis 2020. Certains sites produisent même leur propre courant vert (éolienne, hydroélectrique, biomasse..). L’usine de Debrecen en Hongrie, dont la pose de la première pierre s’est faite en juin, produira à partir de 2025 la « Neue Klasse », une nouvelle plateforme modulaire entièrement électrique qui sera lancée en 2025, sans émettre aucun CO2. L’économie circulaire va jouer un rôle de plus en plus essentiel à l’avenir. Aujourd’hui les BMW contiennent 30% de matériaux recyclés et donc moins émetteurs de CO2 et l’objectif est d’atteindre le cap des 50% le plus rapidement possible. Le constructeur souhaite aussi diminuer de 20% les émissions de CO2 de ses approvisionnements. Les contrats signés avec ses fournisseurs de cellules de batteries tels que Northvolt et CATL leur imposent d’utiliser uniquement des énergiesrenouvelables dès 2024. Afin de s’assurer des conditions d’exploitation environnementales mais aussi du respect des droits humains, la marque allemande a, par ailleurs, choisi de ne plus se fournir en cobalt au Congo mais en Australie et au Maroc. Un projet de mines coopératives au Congo vient toutefois d’être lancé pour soutenir les populations locales.
Toutes ces initiatives qui vont dans le bon sens ne seraient-elles toutefois pas quelques arbres qui cacheraient une forêt plus sombre ? BMW juge en effet que ses voitures électriques devraient représenter tout juste la moitié de ses ventes mondiales en 2030. Volkswagen espère atteindre ce cap la même année mais ses dirigeants affirment vouloir assembler presque uniquement des modèles électriques dix ans plus tard. Daimler souhaite, lui, devenir entièrement électrique dès 2030. Le constructeur munichois serait-il donc à la traine de ses rivaux allemands ?. « Vous savez le diable de cache souvent dans les détails, nous explique un expert. Les effets d’annonce sont nombreux dans ce secteur. BMW se contente seulement de ne pas promettre la lune comme ses rivaux. »