La parole se resserre ? Le rapport aux mots serait en déclin, le fait des nouveaux moyens de communication, de l’influence angliciste mais aussi d’un goût moindre pour la discipline. Face à cette représentation, Le Robert nous propose de souligner les mots qui ont « marqué » l’année, au point de se faire une place dans le dictionnaire. C’est-à-dire des termes suffisamment populaires pour qu’ils témoignent de nouveaux usages. Alors que notre revue prête page aux Français, tour d’horizon des mots qui ont poussé sur le bout de la langue.
Tenez-vous bien, cette nouvelle année s’inspirera des « mots-vedettes » consacrés en 2017. Cette cuvée s’est achevée, avec son lot de chamboulements. Certains ont désormais une place dans le dictionnaire. Alors que les lexicographes (entendez scientifiques des mots) du Robert nous ont offert une sélection des termes qui ont frappé les consciences françaises, ce mois de janvier est le moment choisi pour se mettre « à la page ». Pour prendre la température de « ce qui s’est dit » pour mieux « dire » l’année qui vient. Que faut-il en retenir ?
Les Français ont été marqués par leur printemps. On aurait pu s’y attendre mais cela vient se vérifier dans les mots. En la personne du mot de l’année « perlimpinpin », mais pas seulement. Au-delà de la popularité immédiate de l’expression qui évoque le débat d’entre deux tours, il faut croire que le terme -poudre aux prétendument vertus merveilleuses- vient surtout consacrer cette campagne comme évènement de 2017. D’autres termes issus de cette saison électorale viennent renforcer cette idée. On pense évidemment au « dégagisme » (utilisé par Jean-Luc Mélenchon) qui, lui aussi, a dépassé le contexte des législatives pour exposer de façon générale le ras-le-bol des électeurs. Mais les autres termes sélectionnés confirment que la lignée politique a surnagé.
Une cuvée politique
Ainsi, flexitarien et féminisme ont aussi décroché une place de choix parmi les dix mots les plus marquants de l’année. Deux vocables qui méritent attention. Prenez un végétarien, ajoutez une pincée de flexibilité et vous avez peut-être la tendance culinaire de l’année. Le flexitarisme s’invite comme un régime plus accessible donc mais dans la lignée d’une même prise de conscience : l’animal doit être mieux considéré dans notre chaîne alimentaire. Le temps est à la conciliation et, il y a là, l’expression d’un « en même temps ». En effet, on relève, ici, un comportement qui navigue entre la lucidité vis-vis de l’industrie de la viande et l’aspect rigide et contraignant de la décision de s’en priver.
La langue française est-elle phallocentrique ? De façon plus flagrante, c’est le débat qu’est venu poser l’adjectif inclusif par le biais de l’écriture inclusive. La défense de l’égalité de représentation Homme-Femme s’inscrit désormais au cœur de plusieurs initiatives. Parmi celles-ci, la décision des éditions Hatier de publier le premier manuel scolaire de ce type. Tandis que l’agence Mots Clefs militait pour ce mouvement avec sa première dictée inclusive. Bien que ses détracteurs reprochent à cette forme d’écriture d’appauvrir la langue, on retiendra qu’on s’est intéressé, au cours des 12 derniers mois, au déterminisme linguistique. Signe, décidément, que 2017 a été parfumée au politique.
La langue française a un avenir
Inévitablement, la question de la portée de cet évènement se pose. Un rendez-vous commercial ? Une séquence culturelle ? Alors qu’était consacré « vivre ensemble » en 2016, ce rituel vient évidemment parler des tendances du jargon. Des mots aux « goûts de l’année » dirait-on autour d’une table. Seulement, et c’est peut-être le point le plus enthousiasmant, il vient aussi asseoir un autre fait : le caractère remuant de la langue. Alors qu’on a essentiellement l’image du dictionnaire comme un historien des mots, c’est l’occasion de voir, ici, sa capacité à être journaliste. C’est à dire non pas seulement, à la manière d’un livre sacré de « rendre état » du langage mais aussi de s’adapter et de le suivre.
Ainsi et parce que la parole a le pouvoir de faire advenir les choses, on se réjouit des mouvements de la langue. Pour notre plus grande fraîcheur, le dictionnaire bouge, tremble et se remue. En cela, il témoigne d’une société agissante, qui pour penser différemment s’emploie à redessiner, parfois, son langage. En 2018, rien n’est certain, sauf que le français s’agitera encore.
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