La nationalité des marques. La vraie.
Certaines marques sèment délibérément le doute sur leur nationalité grâce au “foreign branding”, le fait de nommer une marque avec une consonance étrangère afin d’en améliorer les ventes. Sont-elles alors vraiment scandinaves ou américaines comme leurs noms l’indiquent ?
Tout porte à croire que la marque Häagen-Dazs a des origines scandinaves. Pourtant, c’est une marque new-yorkaise ! Lorsque Reuben et Rose Mattus, deux new-yorkais, ont créé leur marque de glace artisanale, ils ont souhaité lui donner un nom à consonance danoise pour profiter de la bonne réputation des produits danois aux États-Unis. Un nom qui leur permet également d’exploiter la renommée des produits artisanaux européens en général.
J.M. Weston sonne comme les talons des mocassins impeccablement cirés d’un gentleman en trench coat. Bref, J.M. Weston sonne comme une marque anglaise. Pourtant, la marque a été créée en 1891 à… Limoges ! Le fondateur de la marque, Edouard Blanchard, a volontairement choisi ce nom afin de profiter du prestige et du style “british”.
Jean Paul est une marque de vêtements qui porte le drapeau français dans son logotype et des panneaux de villes bretonnes sur son site internet. Pourtant Jean Paul est une marque…norvégienne. La plupart des norvégiens sont d’ailleurs persuadés qu’il s’agit d’une marque française et surtout en rapport avec le grand couturier Jean-Paul Gaultier !
Le grand Nord
Les produits scandinaves sont généralement reconnus pour leur qualité, leur fiabilité, leur sécurité et suscitent donc l’intérêt des marques. La réputation de Volvo (pourtant rachetée en 2010 par des chinois) et le succès des meubles Ikéa en sont la preuve.
Napapijri ce sont des vêtements chauds, un drapeau norvégien et un nom qui voudrait dire “Cercle Polaire Arctique” en finnois. Pourtant, Napapijri est une marque italienne. La vraie traduction finnoise est en fait “Napapiiri”. Napapiiri est aussi le nom du village du Père-Noël ! Mais à une lettre près et avec le drapeau norvégien, la marque entretient l’ambiguïté.
Mais ce n’est pas la seule marque qui revendique la nationalité norvégienne. La marque Neutrogena, du groupe américain Johnson & Johnson, a construit son succès grâce à sa “formule norvégienne”. Une formule inspirée des pêcheurs de l’Arctique dont les mains étaient protégées par l’huile de poissons qu’ils manipulaient toute la journée.
Le succès des noms scandinaves s’est aussi étendu… à notre table. Comme les produits biologiques Bjorg (français), les yaourts Fjord (français, de Danone), les desserts Gü et Frü (londoniens) et la bière Skoll (française).
Born in the USA
Les États Unis, avec leur image à la fois de puissance et de liberté, ont toujours fait rêver les consommateurs. Certaines marques n’hésitent donc pas à adopter des noms à consonance américaine et ainsi, profiter de leur influence. American Vintage, Eleven Paris, The Kooples, Eden Park, New Man, Teddy Smith semblent être des marques américaines. Pourtant, elles sont toutes françaises.
En matière de mode, la France n’a plus grand chose à prouver. Ses couturiers et ses marques sont en effet connus à travers le monde. Malgré cette reconnaissance assurée, ces marques ont décidé de ne pas mettre en avant leurs origines et d’adopter le style d’un autre continent, grâce à un nom spécifique. Pour accentuer encore sa fausse origine, la marque American Vintage nomme d’ailleurs ses collections avec des noms d’états ou de grandes villes des États Unis. On y trouve une gamme Mississipi (dédiée à la laine), Cleveland ou encore Massachussets.
En adoptant un nom aux consonances particulières, certaines marques s’approprient les codes et le style d’un pays. Tout en semant le doute, elles profitent de la crédibilité, du savoir-faire et de la réputation du pays en question.
Mais la position de ces marques qui se veulent d’ailleurs pourrait peut-être finir par leur être reprochée. Particulièrement au vu de l’engouement actuel des politiques et des consommateurs pour des produits “fabriqués ici”, favorisant l’emploi et l’économie locale.
Expresso
Les marques bousculent les codes, tous les coups sont permis jusqu’à semer le doute sur leurs origines et profiter d’une réputation sur laquelle elles n’ont pas naturellement de légitimité. En regard des besoins accrus de transparence (origine, tracabilité,..) exprimés de plus en plus par les consommateurs, ces procédés ne finiront-il pas par les lasser ?
Catherine Pipers / @LaPauseDesign
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