4 décembre 2020

Temps de lecture : 5 min

Ces entreprises qui ont basculé en télétravail total

Opérer la bascule vers le travail à distance à marche forcée est passé de sport inconnu à compétition internationale en 2020. Mais rien de nouveau sous le soleil, car des entreprises avaient anticipé le mouvement, naviguant déjà en mode 100% à distance, sans bureaux. Des exemples édifiants quand seuls 7% des actifs français avaient éprouvé le télétravail avant le confinement (selon le ministère du Travail), c’est dire que les employeurs suffoquaient à l’évocation même de l’idée. Où l’on peut imaginer que le lien entre les collaborateurs soude une organisation mieux que des murs ? Inspiration.

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Opérer la bascule vers le travail à distance à marche forcée est passé de sport inconnu à compétition internationale en 2020. Mais rien de nouveau sous le soleil, car des entreprises avaient anticipé le mouvement, naviguant déjà en mode 100% à distance, sans bureaux. Des exemples édifiants quand seuls 7% des actifs français avaient éprouvé le télétravail avant le confinement (selon le ministère du Travail), c’est dire que les employeurs suffoquaient à l’évocation même de l’idée. Où l’on peut imaginer que le lien entre les collaborateurs soude une organisation mieux que des murs ? Inspiration.

Les boîtes Net Google, Facebook, Twitter ou même le constructeur automobile PSA ont fait leur petit effet en annonçant, dans la foulée de la crise sanitaire, des possibilités de télétravail permanent pour leurs salariés. Mais c’est sans compter avec les pionniers – il est vrai principalement dans le secteur de la tech – que sont les startups Zapier, Gitlab, Buffer ou Duckduckgo, qui gèrent depuis des années des centaines voire des milliers de salariés qui occupent leur poste… à la maison. Défiant les fuseaux horaires et les frontières, ces distributed companies (littéralement « entreprises dispersées ») ont fait du full remote (100% à distance) leur mode d’organisation : elles se sont construites autour du télétravail et de la collaboration en ligne grâce à une palette d’outils comme Slack, Trello ou Zoom. Dans ces entreprises, c’est l’ensemble des employés qui travaillent de chez eux ou depuis des espaces de co-working : elles ne possèdent aucun bureau.

Le poulpe

Victor Carreau, cofondateur de Comet Meetings, compare ce mode d’organisation à un poulpe – le seul animal à ne pas avoir un seul cerveau, mais neuf. « Dans ce modèle d’entreprise totalement décentralisé, il y a autant de bureaux que de domiciles », explique-t-il. Les arguments en faveur de ce concept et vision du travail ne manquent pas. Pour le média The Next Web, adopter cette configuration, avec des équipes de journalistes répartis à travers la planète, est un moyen d’être plus ouvert et réactif que ses concurrents de la Silicon Valley. Pour la startup Slite, créée par le Français Christophe Pasquier, s’affranchir des bureaux est un moyen de gagner en efficacité. Et pour tous les pionniers du télétravail total, ce mode d’organisation est un levier puissant pour recruter les meilleurs talents, où qu’ils soient dans le monde, en leur offrant un maximum de flexibilité. « L’intérêt principal pour l’entreprise est d’accéder à un bassin de talents bien plus étendu. C’est aussi un moyen d’offrir davantage de flexibilité aux employés : pouvoir gérer son propre emploi du temps rend plus productif et autonome. Et je pense qu’on s’attache davantage à l’entreprise », estime Élodie Bouneau, une Française installée à Toronto qui travaille depuis 2017 pour Human Made, une entreprise 100% décentralisée. Et d’ajouter : « L’autre avantage est d’avoir une meilleure couverture horaire, s’il y a besoin d’un service client 24/24h ou si l’entreprise doit couvrir différentes zones géographiques. Et tout cela sans que les employés aient à travailler de nuit. »
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Reste tout de même à réussir à faire travailler tout le monde ensemble, malgré la séparation physique… « C’est un modèle plus difficile pour l’apprentissage, particulièrement dans le cadre d’un stage ou d’un premier emploi. La transmission des bases de la vie d’entreprise est beaucoup plus difficile, admet la jeune femme. L’autre inconvénient majeur est un risque de perte de connexion entre les gens, souvent provoqué par l’isolement. C’est un problème difficile à diagnostiquer. »

Nouer des liens

Pour limiter les risques de « décrochage », la startup Zapier, qui fait figure de modèle du genre, a institué de nombreux rituels, qui rythment la semaine de travail de ses 300 employés, répartis dans 28 pays, des États-Unis à l’Inde en passant par l’Australie ou la Thaïlande. Ces rituels prennent la forme de rendez-vous en visio hebdomadaires (présentation, interview, conférence technique, etc.), l’attribution aléatoire d’un nouveau pair buddy chaque semaine avec qui faire connaissance et échanger, ou encore la mise en place de points très réguliers avec le supérieur direct.

Le rituel le plus important reste cependant celui de la retreat, un séminaire annuel ou pluriannuel où toute l’entreprise se réunit, physiquement cette fois, pour travailler et socialiser dans un cadre souvent privilégié : une île paradisiaque, une station de sport d’hiver, un château à la campagne… L’absence de bureau permet de générer des économies qui sont réinvesties dans ces moments clés, et parce qu’ils sont rares, ces quelques jours en commun revêtent une importance stratégique.

Le travail au quotidien s’inscrit aussi dans un cadre bien établi. « Chez Human Made, le travail est basé principalement sur la culture de l’écrit, de la transparence et de la documentation, afin de faciliter l’accès de tous à l’information, explique Élodie Bouneau, directrice produits. Nous encourageons aussi le travail asynchrone : si vous recevez le message d’un collègue, vous n’êtes pas tenu d’y répondre immédiatement, vous pouvez vous concentrer sur votre travail et y répondre plus tard. »

Généraliser ?

Séduisant par certains aspects, ce modèle « 100% télétravail » reste cependant loin d’être généralisable à toutes les entreprises. Christophe Chartier, qui développe avec sa société Immersion des outils de collaboration pour les industriels depuis les années 1990, se montre sceptique : « Le fait d’avoir des collaborateurs qui se croisent dans les couloirs, qui prennent des cafés ensemble de façon informelle, tout cela ne peut pas être remplacé par une visioconférence. C’est le hasard qui permet l’innovation. On a besoin de se voir, et ce d’autant plus dans les moments critiques comme aujourd’hui. Néanmoins, il y aura de plus en plus de solutions hybrides, permettant la collaboration à distance, grâce à la réalité augmentée, la réalité mixte… mais ces outils resteront limités à des cas d’usage bien précis. »

Le P.D.G. et cofondateur de Zapier, Wade Foster, le reconnaît lui-même : travailler pour une entreprise sans bureau est loin d’être donné à tout le monde. Parmi les critères clés lors de l’embauche ? Savoir communiquer à l’écrit, être digne de confiance… et, plus important encore, savoir faire confiance. Un avis partagé par le fondateur de Comet Meetings, Victor Carreau : « Les entreprises “full remote” l’ont souvent été par design, dès le début. Ce sont principalement des entreprises avec un ADN tech extrêmement fort : elles sont en fait une somme de développeurs qui travaillent chacun sur leurs sujets et arrivent à le faire de façon asynchrone. »

Avec Comet Meetings, cet entrepreneur fait pourtant le pari que de plus en plus d’entreprises, sans basculer dans le télétravail total, vont réduire leur empreinte immobilière et limiter la présence au bureau de leurs collaborateurs, par souci d’efficacité. En contrepartie, elles auront besoin de lieux pour réunir les équipes et faire tout ce qui n’est pas possible en ligne : nouer des liens, créer, innover.

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