24 avril 2020

Temps de lecture : 3 min

Catherine Malaval, détective des mots mène l’enquête au sein du Covid-19

Docteur en histoire et présidente de Neotopics. Catherine Malaval nous offre un deuxième abécédaire du confinement. Analyse des usages qui transforment la société à la lumière des acquis théoriques des sciences sociales. Prendre de la hauteur en menant l'enquête.

Docteur en histoire et présidente de Neotopics. Catherine Malaval nous offre un nouvel abécédaire du confinement. Analyse des usages qui transforment la société à la lumière des acquis théoriques des sciences sociales, on lit avec plaisir.

Alcool — La consommation d’alcool a augmenté mais les accidents de voiture ont diminué. Hélas, les sorties de route sont de plus en plus domestiques… En cas d’urgence, composer le 3919.

Confiner — Deux définitions possibles. Transitif direct : « forcer à rester dans un espace limité ». Transitif indirect : « toucher aux limites ». Au terme de la cinquième semaine, la deuxième gagne du terrain.

Contact — Sans. Perte de sens.

Dé — Dé comme déconfiner. D comme système D ou Décathlon. D comme le disease de Covid. D comme déprime, décrochage et décompte des morts. D comme décroissance. On doit ce néologisme à André Gorz, co-fondateur du Nouvel Observateur, dont le dernier texte fut une lettre d’amour, une Lettre à D : « Nous aimerions chacun ne pas survivre à la mort de l’autre. Nous nous sommes souvent dit que si, par impossible, nous avions une seconde vie, nous voudrions la passer ensemble ».

Distance sociale — Paradoxal. Dehors, à plus d’un mètre au moins, prendre ses distances et finalement se parler à peine. Dedans, installé devant un écran, avoir rendez-vous dans son « intérieur », un salon, une cuisine, virtuellement si proche de son interlocuteur. On n’était pas préparé au confinement, on n’était pas préparé non plus à ce surgissement de l’intime. En psychologie, on appelle « proxémie » l’étude des distances sociales. Intime, personnelle, sociale ou publique, la distance est un marqueur culturel. Elle forge l’identité des individus. Au double sens du mot, elle s’apprécie. Ni la loi, ni la facilité d’un mode de communication, ne devraient imposer si facilement d’entrer dans la « vie des autres ».

French Kiss — Baisers volés, 400 coups. Haut les cœurs, il faut attendre.

Guerre — « Nous sommes en guerre ». Le 1er août 1914, quand fut décidée la mobilisation générale, les soldats pensaient être revenus pour les vendanges. Les plus pessimistes espéraient être en famille à Noël. Dans la seule journée du 22 août, 27000 sont morts. La guerre aura finalement duré quatre ans. « Mal nommer les choses, c’est ajouter aux malheurs du monde », jugeait Camus. Et si l’on parlait simplement de grave crise sanitaire?

Indispensables — Ou pas. Les librairies, les musées, les théâtres, les restaurants, les bistrots, tous ont dû baisser le rideau, décrétés, selon la formule publiée, « non indispensables à la vie de la Nation ». Terrible constat dont il faudra parler le jour d’après. Plus jamais ça, mais comment?

Météo — Chaque journal télévisé se termine par la présentation de la météo. En quoi savoir qu’il fait beau, et même très beau, fait-il partie des services indispensables? Dans les villes, en appartement, c’est un supplice quotidien. Dans un mois, aura-t-on aussi la température de l’eau?

Onze mai — Avec un peu de chance, les Français n’auront pas envie de sortir. Souvent, il fait froid ce jour-là, et les deux jours suivants aussi. On appelle ces trois jours les Saints de Glace : Saint Mamert, Saint Pancrace et Saint Servais. Comme dit le dicton « souvent tu en gardes la trace », mieux vaut attendre la Saint-Urbain, le 25 mai. Bref, ça laisse encore un peu de temps.

Potion magique — Les grands druides cherchent et se disputent. Vanitas, vanitatum. Et pendant ce temps-à, Uderzo est mort. Bref, la galère. Un grand banquet, par Toutatis, on en rêve. Restons irréductibles.

We’ll meet again — La valeur symbolique et si positive de cette phrase qui concluait le discours de la Reine d’Angleterre est un peu passée inaperçue de ce côté-ci de la Manche. Tous les Anglais la connaissent, leurs parents et tous les vétérans l’ont entendue à la radio pendant la Seconde Guerre mondiale, quand Vera Lynn, celle que les Anglais surnommèrent la fiancée des forces armées, leur chantait : « We’ll meet again someday, But all the sacrifices we must make before the end ». Un discours à clés, un modèle de communication de crise et de communion nationale.

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