Et si une campagne en cachait une autre ? L’élection est aussi l’occasion pour les ONG de plaider en leur nom et de tester de nouvelles approches. Elles s’indignent en s’inspirant des codes digitaux jusqu’à tenter de donner un nouveau souffle à l’expression citoyenne.
Tous les cinq ans la campagne présidentielle offre l’opportunité médiatique aux associations et ONG françaises d’apporter de la visibilité à leur cause en l’inscrivant dans l’actualité. Elles veulent peser dans le programme du ou de la futur(e) président(e). Cette fenêtre est également l’occasion de réaffirmer leur ADN, à travers des manifestes parfois très sophistiqués. Puisque les grands mouvements humanitaires français sont nés de cette volonté de dénoncer et mobiliser à travers les discours, le plaidoyer est devenu tout un art. Quelles sont les tendances du grand cru 2017 ?
Aujourd’hui, les ONG s’indignent en prenant à partie chacun des candidats sur Twitter, comme le font l’Unicef et Médecins du Monde. Elles se manifestent en proposant un dialogue en ligne : les #PandaLives de WWF permettent à la communauté Facebook de poser des questions en direct au candidat invité. Enfin, elles usent d’un ton impertinent et de mécaniques ludiques, par exemple, la plateforme créée par Action contre la Faim, Action Santé Mondiale, CARE France et ONE compare et note les candidats selon leurs propositions sur les thèmes du développement et de la solidarité internationale. Bref, en 2017 les ONG s’inspirent des codes de l’univers digital.
Réorganiser le débat sur le web
Le plaidoyer se diversifie. Il se sophistique. Surtout, il évolue au rythme des changements sociétaux. Finalement, le monde n’est plus divisé entre influenceurs et influencés : avec le « mégaphone virtuel », il se mue et s’émeut au rythme des voix qui parviennent à s’élever dans la cacophonie ambiante. N’y aurait-il pas là un formidable potentiel ? Donner un nouvel élan à l’expression citoyenne tout en garantissant plus de poids aux discours des associations ?
Pour Yann Beauson, directeur de la communication et du marketing de l’Association des Paralysés de France : » la culture de la participation n’a pas fini de se développer « . Pour l’association -qui promeut une société ouverte à tous- le plaidoyer à l’occasion de la campagne présidentielle est un passage obligé. Mais cette année, elle innove et choisit d’ouvrir sa problématique en proposant au grand public de construire avec elle, sur un site dédié, les propositions à transmettre à l’Elysée. Car Yann Beauson l’affirme : « il y a une envie des citoyens à être davantage acteurs dans la construction des programmes politiques « .
Mais si chacun dispose de son propre mégaphone virtuel, en quoi la démarche de l’APF est intéressante ? Ce type de plate-forme participative offre l’avantage au public d’organiser sa prise de parole, de s’inscrire dans une communauté, de voir évoluer les nouvelles idées, de se sentir porter par l’émulation… et surtout, de pouvoir débattre sans troll. L’APF propose donc une autre façon de débattre de la politique sur le web.
Le plaidoyer moderne : révélateur d’expressions citoyennes
Les associations peuvent jouer le rôle de celles qui légitiment et modèrent les propos. Et des modérateurs, il y en a ! « L’Autre campagne », portée par une cinquantaine d’associations luttant contre l’exclusion, en est un bon exemple : elle base son plaidoyer sur la reprise de différentes fausses idées et préjugés circulant sur la pauvreté pour mieux les déconstruire, à l’aide de visuels à partager sur les réseaux sociaux. Les ONG vont plus loin. Plus qu’organiser la parole, certaines réussissent à la donner à ceux qui ne l’ont pas ou peu. C’est ainsi que l’Unicef révèle la parole des enfants à travers plusieurs enquêtes réalisées via Twitter et Facebook conçues pour enrichir sa plate-forme U-report.
Sur cette opération, Ann Avril, directrice Collecte et Ventes de l’Unicef France souligne : « On veut être la voix des jeunes car lorsqu’on passe par le prisme des adultes on a tendance à trop édulcorer les propos. C’est aussi un moyen de les impliquer sur des sujets sur lesquels nous avons besoin de leur avis ». L’enjeu est d’autant plus considérable dans les pays en développement où officie l’Unicef : l’expression citoyenne passe souvent par le numérique avant même de passer par les voies traditionnelles. L’APF, quant à elle, a dévoilé en mars une enquête réalisée en partenariat avec l’IFOP. Elle révèle l’opinion des personnes en situation de handicap. Son but ? Amener les politiques à voir les personnes handicapées non pas comme un poids pour la société mais comme un poids électoral.
Ainsi, à l’heure où l’opinion individuelle est devenue un pouvoir et où les sondages font l’actualité, l’avis des citoyens est devenu stratégique. Premièrement, parce que si on parvient à l’organiser son potentiel est immense. Mais surtout parce que pour les politiques, adeptes de la sourde oreille et de la mémoire sélective, il est encore plus difficile d’ignorer des pourcentages et des chiffres que des hashtags et des mots. Alors, stratégie pour peser ? Volonté d’enrichir le débat ? Dans tous les cas, ce nouveau type de plaidoyer met en pratique un enjeu souvent idéalisé et fantasmé : la démocratie participative. Et puisque le plaidoyer semble se bonifier avec le temps, vivement 2022 !