INfluencia: voilà une campagne qui fleure bon la guerre ouverte à ce que vous appelez la « fast tech » !
Nina Quellier : oui, en fait, pour aller dans votre sens, Back Market a voulu donner une place à part et mieux dimensionnée à l’activisme de marque. Une création de poste pour un département que je dirige depuis six mois. L’idée étant d’aller sur des sujets de société et de les traiter comme des combattants. Pour cette campagne, il s’agissait d’aller au-delà du sujet du conditionnement, -notre marque de fabrique-, pour inscrire Back Market en tant qu’acteur du changement. C’est ainsi qu’est né le concept de fast tech, que nous avons choisi pour évoquer la surconsommation au sein de la tech, tout comme la fast fashion, qui fait son travail au sein du prêt à porter.
Si l’on continue à faire le lit de cette culture du jetable, de la Fast Tech, cela pourrait atteindre 14 % en 2040. Il y a urgence.
Et quand je parle de surconsommation, j’entends surproduction. De cette culture du jetable qui n’est plus viable et qu’il faut mettre en lumière sans attendre. Comme vous le savez, le numérique et notamment la fabrication excessive d’appareils avec son turn-over vertigineux, sont aujourd’hui complètement décomplexés, sous-estimés, et pourtant les Français notamment achètent un smartphone tous les deux, trois ans, tandis que les gaz à effet de serre provenant du secteur, représentent 4% des émissions globales. Et si l’on continue à faire le lit de cette culture du jetable, de la Fast Tech, cela pourrait atteindre 14 % en 2040. Il y a urgence.
« Mettons fin à la fast tech”, une campagne qui sera visible dans des lieux emblématiques à New York, Londres, Paris (Place des Vosges), Madrid et Hambourg.
IN. : vous détournez la fameuse baseline d’Apple, “Shot on iPhone » pour cette opération commando. L’attaque est pour le moins directe…
N.Qu. : il s’agissait de faire prendre conscience aux citoyens qu’il y a un réel souci et que l’impact de cette culture-là a des conséquences irrémédiables similaires à d’autres industries pour lesquelles nous sommes déjà bien sensibilisés. Dans ce volet d’affichage nous détournons la marque la plus représentative du marché pour sensibiliser le grand public, qui n’entend pas beaucoup parler de pollution numérique, et ainsi attirer son attention… Apple est la plus connue, la plus reconnaissable, mais ce n’est pas à elle que l’on s’attaque en particulier. Notre volonté est de toucher à la fois les industriels (de la tech) tout en faisant comprendre au grand public, comment, en cédant aux sirènes de ces acteurs, ils participent à ce cercle vicieux, tout en se sentant coupables. Les géants n’hésitent pas à créer des nouveaux modèles dont tout un chacun se débarrasse une fois jugés « morts », or vous le savez, la réparation est possible, accessible et bénéfique. Ce que nous disons aussi sur ces affiches, c’est, « Mettons fin à la fast tech”, une campagne qui sera visible dans des lieux emblématiques à New York, Londres, Paris (Place des Vosges), Madrid et Hambourg. Elle comprendra également une plateforme de contenu en ligne dédiée ainsi qu’un volet social media / influence pour conscientiser le public à l’impact des déchets électroniques et aux moyens concrets de réduire sa dépendance à la culture de la fast tech.
IN. : vous utilisez l’ Iphone et ses multiples modèles lancés année après année pour évoquer le changement du climat sur des photos « souvenir » de vacances dans des paysages qui, perdent de leur richesse. C’est très fort…
N.Qu. : nous sommes obligés d’interpeller et d’utiliser des codes activistes aussi forts pour parler au plus grand monde. La campagne d’affichage se déroule sur plusieurs médias dont un manifesto (voir ci-dessous). Ce qui est très important pour nous c’est de faire comprendre, que le temps passe et que, c’est chaque fois plus spectaculaire, en complicité avec les consommateurs qui doivent prendre conscience qu’ils participent à un système qui est tout sauf vertueux. Nous avions vraiment besoin de faire comprendre l’urgence, je me répète, de la situation aujourd’hui. Des solutions existent, finalement pas si compliquées et pas si difficilement accessibles.
Nous militons quoi qu’il arrive pour le droit à la réparation
IN. : vous vendez-vous-même des produits tech reconditionnés…
N.Qu. : l’idée derrière, n’est pas de dire « achetez reconditionné », mais vraiment d’arrêter le temps, la rapidité avec laquelle le paysage, -la planète- est en train de se dégrader. Beaucoup de citoyens sont éco anxieux (NDLR, 2,1 millions en France souffrent de ce mal être), il faut leur permettre de comprendre qu’ils peuvent agir à leur niveau, en cessant de jeter, d’acheter, sans fin. Réparer, prendre soin, penser aussi à revendre pour que les produits soient remis dans le circuit via le reconditionnement…
Donc on donne une multitude d’options pour montrer qu’en fait la réutilisation et le fait de ralentir la fin de vie de ces produits est possible de façon assez simple aujourd’hui. Nous militons quoi qu’il arrive pour le droit à la réparation, pour que dans la législation des différents pays en Europe, – mais aussi de l’autre côté de l’Atlantique-, le droit à la réparation soit de plus en plus au cœur des sujets, qu’on aille plus loin que le smartphone, que cela concerne les ordinateurs, que cela évoque d’autres produits, qu’on aille enfin sur l’idée de garder le plus longtemps possible ces objets au lieu de s’en débarrasser.
IN. : la fast tech, c’est un terme que vous avez créé ?
N.Qu. : oui. En fait, c’est un terme très parlant, qui rappelle la fast fashion, évocatrice de manière directe et immédiate pour les citoyens. Ce terme, saura créer la prise de conscience, aux gens de se l’approprier, de comprendre le problème.
IN. : vous formez un duo de choc avec Marcel. Comment avez-vous travaillé avec les équipes de l’agence ?
N.Qu. : nous avons travaillé étroitement sur toute la campagne. C’est un format hybride que je n’ai jamais connu par le passé. C’est une création à quatre mains, une co-création de A à Z. C’est fluide et audacieux.
IN. : n’avez-vous pas peur de passer inaperçus aux vues de l’actualité ?
N. Qu. : La journée de la Terre se déroule le 22 avril prochain. Nous voulons prendre part à la conversation. Aujourd’hui, les sujets sur le climat, ne sont plus à l’ordre du jour parce que, entre guillemets, il y a les guerres, d’autres sujets qui passent en priorité. C’est l’occasion d’être là.