En pub, notamment lorsque l’on soutient une grande cause, la question se pose toujours. Une marque communique-t-elle dans l’intérêt de ce qu’elle défend ? Ou le fait-elle pour s’attirer une bonne réputation et s’octroyer les faveurs et les deniers de sa cible?
C’est la question qui agite les réseaux sociaux aujourd’hui au sujet de la campagne de l’agence Mullen Lowe pour Burger King qui s’empare du grand combat du mois de mai aux USA : la santé mentale, tout en plantant un coup de couteau dans le happy meal de McDo. L’idée ? Dire aux jeunes que l’on n’est pas heureux tous les jours, et que c’est « okay ». Elle le fait donc, en proposant dans ses restaurants, des unhappy meals, fonction de l’état qui est le leur aux moment où ils commandent…le DGAF meal équivaut au don’t give a fuck, le blue meal correspond à la tristesse, le pissed meal s’adresse à ceux qui sont énervés, le salty meal aux contrariés , le Yaaas meal, à ceux qui se sentent excités. Avec ses couleurs, ses codes packaging et ses signatures, Burger King installe une ambiance intéressante, soutenu par un film buzzique fait de témoignages en prise avec une certaine réalité, signé #feel your way. La campagne fait un travail de communication auprès des jeunes qui se sentent différents, mal dans leurs pompes. Leur explique, avant qu’ils ne dépassent les bornes, qu’ils peuvent être aidés, et que chacun peut connaître ces états, border.
Marketing ou aide?
Reste que si dans le contexte d’une campagne produit destinée aux jeunes, cette idée aurait été… brillante, et le propos parfaitement justifié, il n’en va pas tout à fait de même ici. Comme le soulignent plusieurs spécialistes en matière de santé mentale, » soutenir la première association américaine, Mental Health America, doit d’une part comporter un volet partenariat au long cours, afin d’être crédible, et un message astucieux, voire informatif sur le pourquoi, de ses mal-êtres, en direction de la dite cible. Or, Burker King et son agence se contentent de montrer des humeurs particulières aux jeunes, des sautes d’humeur, des révoltes, des peines en réduisant ainsi les symptômes de maladies autrement plus lourdes qui concernent 1 jeune sur 4 aujourd’hui ».
Il y a humeur… et humeur
En effet, comme l’affirme David Gourion psychiatre de l’unité psychiatrique de HEC, et auteur de l’ouvrage La fragilité des jeunes adultes, 15-30 ans : prévenir et accompagner , » l’écart entre ce que les proches, les amis, l’entourage, se font de la déprime des jeunes n’a strictement rien à voir avec les troubles » de l’humeur » qui touchent 1 jeune sur 4. Il s’agit pour une large frange de la jeunesse qui consomme du cannabis (et autres produits tels que la kétiapine ), qui s’adonnent au binge drinking, de faire comprendre que des maladies telles que la schyzophrénie, la bipolarité, la dépression, et par conséquent les risques de suicides, sont contractées (en grande partie) par cette consommation chaque fois plus banalisée et totalement disproportionnée ».
Coup de pub ?
Du coup, Burger King s’empare d’un sujet et d’une grande cause, sans aller jusqu’au bout de la démarche… Celle qui consisterait à informer les jeunes des dangers qu’ils encourent en consommant des substances illicites, tout en insistant sur le fait, que l’entourage, la société, les institutions, ne sont pas dupes, et les comprennent, voire peuvent les aider. Comme le fait Mental Health America. En laissant filer la vraie problématique de ce mois consacré à la maladie mentale, Burger King fait simplement de la pub, et dit aux jeunes, je vous connais, je vous comprends, tout cela est normal.
Communiquer dans l’intérêt de qui?
La pub…..Celle qui peut tout embellir, faire rêver, simplifier, caricaturer… Car même si le film est très touchant, Burger King et son agence s’attaquent à l’un des problèmes les plus graves qui touchent la jeunesse, et il y a peu de chances pour qu’un unhappmeal signé Don’t give a fuck déclanche le seul geste qui sauve : se mettre à l’abri de soi même. L’enseigne en fait trop ou pas assez. Elle a bien versé des dons à l’association Mental Health America. N’aurait-elle pas dû s’arrêter là ?