The Good : Vous avez entrepris fin 2020 de formaliser l’ensemble de votre démarche RSE, par un audit et une labellisation avec Positive Workplace notamment. Quelle en a été la genèse ?
Bruno Ricard : Les éditeurs de la presse quotidienne régionale, qui sont les actionnaires de notre régie, ont accompagné comme nous la montée de l’intérêt de la société pour les sujets environnementaux et sociaux. La pandémie a mis en évidence leur rôle éminent de lien social, leur capacité à relayer les bonnes actions, accompagner des associations, le soutien aux « premières lignes » pendant le confinement. Ils ont multiplié les cagnottes solidaires, les plateformes pour les petits commerçants, pour les restaurateurs, pour venir en aide aux personnes isolées comme les personnes âgées. Ça a été un bouillonnement d’initiatives à impact social, et cela a probablement réveillé chez nous l’idée qu’il fallait que l’on donne plus de visibilité à ces actions. C’est ainsi qu’est née la démarche « Impact 2021 », dans une volonté de travailler de façon collective, et de fédérer l’ensemble des éditeurs.
Nous avons constitué un groupe pilote d’éditeurs, avec qui nous avons commandé un audit RSE complet de tous les groupes éditeurs. Positive Workplace a été sélectionné pour réaliser cet audit et bâtir un référentiel commun, une base commune, où les éditeurs pourraient échanger et se benchmarker. Au-delà de l’aspect environnemental, il était important d’avoir un spectre large, englober toute la RSE, parce que la raison d’être des journaux de PQR c’est d’avoir un impact sur leur territoire, dans l’éclairage qu’ils donnent sur la vie politique et économique locale. Ce travail a été réalisé sur 3 mois au premier semestre 2021 et représentait 82 jours d’audit. Et puisque l’on aime le challenge chez 366, nous sommes allés jusqu’à l’étape de la labellisation. Nous sommes depuis juin dernier la première régie labellisée RSE.
Chaque dispositif publicitaire que l’on vend aujourd’hui peut être apprécié du point de vue de son bilan carbone.
The Good : Qu’avez-vous appris de cet audit ? Est-ce que cela a enclenché d’autres initiatives ?
BR : Nous avons désormais une photographie très exacte de l’ensemble de l’impact environnemental de la PQR de France. Nous sommes très challengés sur ce sujet par les équipes des agences médias et des annonceurs. De l’éco conception au bilan carbone, l’impact du numérique, le respect des eaux et de la biodiversité, tout est parfaitement appréhendé dans l’audit et nous avons désormais les réponses aux questions que l’on nous pose. C’est de plus une vraie mine d’or, à la fois pour les éditeurs qui peuvent identifier toutes leurs zones de progression, et pour nous régie 366, puisque nous pouvons désormais proposer notre calculateur carbone, développé avec Haploïde. Cet outil va servir à l’ensemble du marché pour mesurer les impacts des productions du print, du digital, par éditeur et donne une vision de l’impact carbone d’une page de publicité quel que soit le titre dans lequel elle paraît. Chaque dispositif publicitaire que l’on vend aujourd’hui peut être apprécié du point de vue de son bilan carbone. C’est une avancée majeure dans notre relation au marché.Nous nous sommes engagés pour 3 ans avec Positive Workplace, et démarrons le 2ème audit de la PQR au mois de mars. Certains de nos éditeurs, comme le groupe EBRA, ont également choisi d’être labellisés. Ouest-France et Sud-Ouest sont, eux, en phase de labellisation.
The Good : Vous lancez ce mois-ci Made In Good. Une façon d’aligner votre vision « Impact » et vos activités ?
BR : Ce nouveau média s’inscrit dans notre démarche de rendre visible ce qui est produit en région. Chaque jour, la PQR met en avant des start-up à Lyon, dans les Landes ou dans le Nord, qui proposent de nouvelles façons de traiter le carbone, des nouveaux brevets dans l’hydrogène, etc. Il y en a un nombre impressionnant. Nous avons décidé de créer le canal Made In Good pour les rassembler et décupler la viralité de ces initiatives, via le site et les réseaux sociaux. Nous avons choisi ce prisme de dire ce qui marche bien, de présenter les bonnes initiatives, de les encourager plutôt que celui des grands débats politiques ou polémiques, qui nous correspondent moins.
Made in Good c’est aussi un clin d’œil au savoir-faire local, au « Made in France ». En rassemblant et en donnant de la visibilité à ces énergies et innovations positives, nous savons que nous donnerons un contexte favorable aux lecteurs, mais aussi aux annonceurs engagés, qui peuvent également y faire valoir leurs initiatives.
Les Français attendent de l’action locale.
The Good : Comment avez-vous mesuré l’appétence des Français pour ces sujets « Made in Good », à la fois locaux, positifs et à impact ?
BR : Nous avons, dès les premiers jours du confinement de 2020, lancé un baromètre des Français en période de crise, qui permet de suivre un certain nombre d’indicateurs. Nous avons mesuré très fortement que les Français attendent des entreprises qu’elles relocalisent leur production. C’est une attente que l’on peut qualifier de Good, pour le moindre impact environnemental et le fort impact social que cela génère, avec du salariat, du travail que l’on pérennise.
Les Français attendent de l’action locale. Là où ils se sentent capables d’avoir un impact sur la biodiversité, l’eau, le recyclage, c’est toujours dans les actions locales. Ils sont convaincus que le local est le bon échelon pour agir. La proximité est importante : on est plus intéressé par savoir qu’il y a une petite start-up qui a trouvé une façon de nettoyer les coraux autour de Saint-Malo que d’entendre une grande profession de foi qui peut passer pour du washing. C’est vraiment le local et le concret qui créent la crédibilité.
The Good : Made in Good se veut un média résolument positif, dans son graphisme, dans le ton employé. Vous évoquez les « bienfaiseurs » et les «bienfaits ». Une ambition de positivisme ? Une forme de journalisme de solutions ?
BR : C’est effectivement notre prisme de curation car nous pensons que c’est intéressant et mobilisateur. Un des problèmes de l’écologie politique, c’est qu’elle est renvoyée à des choses négatives. En revanche, les gens adhèrent très facilement à des projets écologiques à partir du moment où ils sont dans des démarches positives qui ne sont pas privatives. Des démarches qui sont dans l’innovation : qu’est-ce que l’on peut faire pour aider, pour changer ? Le côté positif est donc parfaitement revendiqué.
The Good : Made in Good c’est aussi un jobboard…
BR : On identifie toute l’actualité positive des territoires en matière d’initiatives d’impact. Cela passe aussi par les good jobs, les emplois qui ont du sens. Dans les entreprises qui se donnent des missions d’amélioration de la société, il y a plein de jobs qui s’ouvrent tous les jours et c’est vraiment une verticale que l’on souhaite développer. Il y a des problématiques de marque employeur très fortes – les jeunes diplômés se questionnent beaucoup sur le sens à donner à leur métier. Cela forme un tout cohérent.
The Good : Made in Good a également comme parti-pris de s’adresser aux annonceurs engagés. Une façon de se prémunir de greenwashing ?
75% des Français considèrent que les affirmations d’engagement des grandes entreprises sont « fake ». Il y a un enjeu majeur de crédibilité, qui selon nous passe par le fait de donner des preuves, des gages aux Français. Or ceux qui sont souvent les plus engagés parlent assez peu, et surtout, ne s’expriment pas dans la durée. Nous sommes convaincus que pour gagner en crédibilité, les entreprises doivent dire quasiment au quotidien tout ce qu’elles entreprennent, plutôt que donner un grand coup de clairon une fois, sans alimenter leur stratégie.
Nous nous sommes demandé ce que l’on pouvait mettre en place pour donner aux annonceurs engagés la visibilité ou l’écrin qui leur permettra de créer de l’adhésion. Un écrin de changement positif, un écosystème vivant dans lequel ils peuvent revenir vers les Français régulièrement en leur disant ce qu’ils ont fait réellement. C’est ce que nous proposerons aux annonceurs avec Made In Good : apporter du contenu régulièrement pour montrer qu’ils ne sont pas dans la posture, mais qu’ils sont dans le réel, dans le concret.
The Good : Comment allez-vous sélectionner les annonceurs engagés qui peuvent être présents dans la rubrique « Good Brands » ? Quels seront leurs moyens d’expression ?
Les marques sélectionnées dans Good Brands sont celles qui ont de vrais programmes, de vrais engagements, des trajectoires pour réduire leur impact carbone ou pour augmenter leur impact positif sur la société. Dans un premier temps, nous réserverons l’accès à cette rubrique aux entreprises qui ont adhéré au programme FairE de l’Union des Marques et aux entreprises à mission. C’est un dispositif volontairement discriminant pour éviter le « washing » et aussi engager les entreprises à communiquer régulièrement dans Made In Good. Cette idée de construire la crédibilité dans la durée est assez centrale pour nous.
Il y aura des formats d’espaces de marques, pour présenter leurs engagements. Elles seront accompagnées par la rédaction. Nous proposons également des formats de publication dans les réseaux sociaux. Nous aurons aussi des actions de médiatisation qui créeront l’audience de façon spécifique sur notre écosystème PQR qui renverra vers le site Made in Good. Notre ambition est de grandir organiquement sur l’ensemble des 3 années qui viennent, de créer de la visibilité pour nos annonceurs quand ils sont présents et d’avoir en première année une dizaine d’annonceurs partenaires pour créer la dynamique.