Pourtant foisonnantes, les industries culturelles et créatives des pays BRICS ne contribuent qu’à hauteur de 1 à 6% du PIB de leur pays. Des scores qui sont loin d’égaler les résultats d’autres nations qui atteignent deux chiffres. Néanmoins leur potentiel pourrait être amélioré selon l’étude de la CISAC qui propose une feuille de route en 4 points. Un territoire économique pour les entreprises françaises à renforcer
Le développement des pays BRICS passe par bien des secteurs. Mais il en est un qui bizarrement est largement sous exploité : celui des industries culturelles et créatives. Tel est le constat de « Les Industries Créatives et les Pays BRICS », une étude économique tout juste publiée par la Confédération Internationale des Sociétés d’Auteurs et Compositeurs, présidée par Jean-Michel Jarre (*).
En effet, alors que la contribution du secteur créatif au PIB de ces pays est tout juste comprise entre 1 et 6%, elle est à 2 chiffres dans d’autres parties du monde. D’autre part, le total des exportations combinées des principaux biens et services sur la base du droit d’auteur (audiovisuels, nouveaux médias, publications…) du Brésil, de la Russie, de l’Inde, de la Chine et de l’Afrique du Sud représente moins de la moitié des 25mds$ récoltés par les USA en 2010, bien que le PIB combiné de ces pays ne soit inférieur que de 12%. Affichant ainsi un retard significatif par rapport aux marchés matures. « L’économie créative génère environ respectivement 10 à11% des PIB de Corée du Sud et des USA. Toutefois, les pays BRICS culturellement riches ne constituent qu’une fraction de ce chiffre », confirme Javed Akhtar, scénariste indien, poète, parolier et vice-président de la CISAC. De fait, la répartition précise de la contribution de l’économie culturelle et créative aux PIB nationaux des pays BRICS est la suivante :
Brésil : 1,5-2,5% du PIB (46ème sur 82 pays dans l’Indice Mondial de la Créativité)
Chine : 6,37% du PIB (58ème sur 82 pays dans l’Indice Mondial de la Créativité)
Russie : 6,03% du PIB (30ème sur 82 pays dans l’Indice Mondial de la Créativité)
Afrique du Sud : 4,11% du PIB (45ème sur 82 pays dans l’Indice Mondial de la Créativité)
Inde : 0,95% du PIB (50ème sur 82 pays dans l’Indice Mondial de la Créativité)
C’est d’autant plus dommageable qu’au cours de ces 10 dernières années, le commerce mondial des biens et services culturels et créatifs a pratiquement triplé, atteignant 624 mds$ en 2011, soit environ 7,5% du total des exportations mondiales. Or cette hausse dont le taux de croissance annuel moyen est de 8,8% a ainsi dépassé la croissance économique mondiale sur cette période.
Un plan d’action en 4 points pour rattraper un retard dommageable
Au regard de ces résultats et de tout ce potentiel gâché, la CISAC a défini une stratégie d’optimisation en 4 étapes qui devraient permettre de régler de nombreux paradoxes comme le souligne Javed Akhtar en parlant de l’économie indienne : « L’Inde, notamment, qui crée des produits culturels marquants qui sont consommés sur tous les continents, à l’exemple de ses films et de sa musique, pourra se baser sur ce rapport (…) pour élaborer des cadres solides pour ses industries créatives ».
L’autre objectif de ce plan d’action est aussi d’ordre financier pour les différents acteurs. « Dans ce secteur », explique Gadi Oron, Directeur Général de la CISAC « le potentiel de croissance est vraiment considérable si les législateurs parviennent à identifier et à corriger les difficultés qui empêchent les créateurs de bénéficier d’une rémunération équitable pour eux-mêmes et, par là-même, d’avoir un impact positif plus important sur l’économie de leur pays ».
Cette stratégie comprend donc les recommandations suivantes :
1. Evaluer et mesurer l’économie créative domestique : cette étape essentielle permet d’appréhender en détail la question de l’économie culturelle et créative domestique et de mettre en lumière les défis et les opportunités. L’absence d’information fiable, précise et actualisée constitue un obstacle majeur à la libération du potentiel économique des industries créatives.
2. Reconnaître l’importance d’une gestion collective des droits efficace : les organisations de gestion collective et autres organismes similaires jouent un rôle stratégique dans le processus de stimulation de la créativité et de protection des droits des artistes et des créateurs. Ils sont le seul moyen qui permette d’identifier, de collecter et de répartir efficacement une juste rémunération pour les créateurs dans les économies en développement.
3. Apporter un soutien proactif à la créativité et au secteur créatif : cette étape peut être réalisée soit par des initiatives de soutien direct à des communautés ou des secteurs bien définis, soit par des procédés indirects permettant d’encourager la créativité et de stimuler l’activité économique qui y est associée.
4. Reconnaître l’importance de la propriété intellectuelle et de la protection apportée au processus créatif par le droit d’auteur : l’utilisation non autorisée ou le piratage à grande échelle découragent substantiellement la créativité. Ils affaiblissent l’investissement dans l’activité créative et, en conséquence, réduisent la contribution de celle-ci à l’économie nationale.
Avec cette feuille de route qui a déjà porté ses fruits dans de nombreuses régions du monde, la CISAC a un double objectif : permettre aux décideurs politiques de libérer le potentiel des industries culturelles et créatives nationales, et d’autre part travailler main dans la main avec les créateurs du monde entier pour leur apporter un soutien afin qu’ils contribuent positivement et plus facilement sur la culture et l’économie de leur pays.
Florence Berthier
(*) Un réseau de 230 sociétés d’auteurs dans 120 pays, la CISAC représente indirectement plus de 3 millions de créateurs issus de toutes les zones géographiques et de tous les répertoires artistiques : musique, audiovisuel, spectacle vivant, littérature et arts visuels.
Pourcentage estimé de la contribution au PIB de l’industrie créative/medias et du secteur du divertissement, sur la base du droit d’auteur, au sein des pays BRICS et dans les pays sélectionnés de 2000 à 2012.
Total des exportations des principaux biens et services sur la base du droit d’auteur dans les pays BRICS et les pays sélectionnés en 2010.