Les enfants ont beaucoup de chance avec les marques, ils ont le droit de consommer des produits avec des packagings illustrés de personnages de film, de héros de bandes dessinées, de mascottes, de photos d’enfants, de manger des produits personnifiés. Des produits packagés où tout le monde rigole et délire, avec pleins de couleurs joyeuses et des formes rondes.
Les enfants peuvent manger avec leurs doigts, leur cuillère, tremper leur tartine dans le bol, manger en marchant, en jouant, et ont même le droit de faire des tâches partout… Puis arrive » l’Âge » où les règles changent. Passé l’adolescence, fini le délire, chacune et chacun devient un consomma(c)teur. Les marques deviennent sages et n’osent plus s’amuser. Interdit de rire, il faut être très sérieux, bien dire ou décrire ce qu’il y a à manger dans la boîte ou à boire dans la bouteille. En grande majorité, les marques sont encore conditionnées par cette rupture.
Pourquoi cette rupture ?
Qui a décrété cela ? Le monde devenant de plus en plus connecté, les relations de plus en plus virtuelles et décomplexées, pourquoi les marques restent-elles à la traîne, surtout que dans les décennies à venir, le curseur des âges et donc des cibles va se déplacer. La durée de vie va sensiblement s’allonger selon les spécialistes et la durée de l’adolescence va suivre bien évidemment. Ne doit-on pas rompre avec cette vision de plus en plus obsolète ?
Observons les marques de nos « Piou-piou » et voyons si les marques « adultes » peuvent en tirer quelques leçons et en prendre de la graine.
Cette analyse repose sur l’observation de 7 catégories de produits qui sollicitent massivement les enfants :
1 – Le petit déjeuner : céréales, biscuits, fromages frais…
2 – Le repas : viandes, poissons.
3 – Le goûter : produits laitiers, biscuits, compotes, barres chocolatées, pâtes à tartiner, fromages…
4 – Le dessert : desserts lactés, compotes, glaces.
5 – Les boissons : sodas, boissons lactées, sirops.
6 – Les bonbons : sucettes, bonbons…
7 – L’hygiène : shampoings, dentifrices.
Dans ces 7 catégories de produits nous avons identifié 7 stratégies de marques et territoires d’expression ciblés pour les enfants :
1 – La mascotte produit (dévorée par ses fans)
2 – La mascotte héros
3 – Le grand zoo
4 – Le star system
5 – Les Blockbusters
6 – La bande
7 – L’enfant modèle
1 – La mascotte dévorée par ses fans
Nous le savons bien, les petits enfants aiment beaucoup les mascottes, prolongement de leurs peluches. Il n’empêche que cela ne les gêne en rien de les dévorer au quotidien. La transgression est forte en usage et en attitude. Quand la marque doit innover sur un produit enfant – au delà de la technologie et de l’outil industriel – il est essentiel préalablement qu’elle ait le bon scénario et une mascotte en adéquation avec la texture, la nature et la couleur du produit. La marque se doit d’imaginer le niveau de transgression au moment où l’enfant se jette sur la mascotte pour la dévorer…la tête, les jambes, ou en une seule bouchée !!!!! Quelle horreur, mais c’est tellement bon.
Les tronches de cake St Michel sont un bon exemple de rupture avec le smiley de rigueur adopté par la plupart des marques.
2 – Eternels héros
Ils sont de plus en plus rares, dotés des meilleures vertus, ils incarnent des valeurs dites » traditionnelles « . Dans des postures souvent figées, ils demandent beaucoup d’attention, fragiles à toutes déviances de comportement, leur rôle sur le produit se limite le plus souvent à être des VRP de la marque. Sur les autres médias (film et vidéo) ils deviennent des super-héros à l’égal des Avengers et sont prêts à affronter tous les défis.
3 – Le grand zoo
Issus du cartoon ou de la BD, ils sont par nature bien plus désinhibés que leurs confrères humains. Nous tolérons mieux leurs transgressions et leur tempérament immature. Nous attendons d’eux qu’ils soient gourmands voir compulsifs, et nous leurs pardonnons tous les excès du fait de leur nature innocente et bienveillante.
Le tigre de Cheetos est atypique dans ce bestiaire. Malin, tonique et svelte, il sort des stéréotypes un peu naïfs qu’incarnent la majorité de ses confrères.
4 – Star system
VRP multi-cartes, ils ont pris le pas sur le produit qui les a fait naître. Affranchis, ils sautent les rayons, changent de garde robe en fonction des circonstances, vous proposent des primes, des jeux et des cadeaux. » Une force de vente à eux tout seuls » avec un peu d’arrogance et de bagou, ils s’imposent comme de vrais boss. No limit pour eux, ce sont des brands méga star.
5 – Blockbusters
Issus de la BD, du dessin animé ou du cinéma, ils viennent à la rescousse des marques de manière temporelle. Booster multicanaux, familiers du petit ou du grand écran ils sont les guest-stars des marques en manque d’imagination, pouvant être en même temps sur plusieurs d’entre elles à la fois.
Pour Disney, pas de limite en devenant une marque agro-alimentaire, Mickey Mouse et ses coreligionnaires maison se transforment en marchands de glaces et autres friandises, pour les garçons comme pour les filles.
6 – Les bandes de mutants
» Tout seul on va plus vite, ensemble on va plus loin « . Les marques d’enseigne de distribution ont trouvé une parade pour défier tous ces personnages qui sollicitent et font le bonheur de nos petits » Piou-piou « , ils ont imaginé des bandes de joyeux lurons, de gentils monstres, prêts à ferrailler face aux blockbusters ou aux illustres inconnus de fond de rayon : une stratégie payante a priori. Se déployant en transversal sur toutes les catégories produits, ils ne s’imposent aucune contrainte. Ils sont relayés en animation magasin et envahissent le linéaire de l’alimentaire au non-alimentaire. Ils défient le temps et les situations les plus périlleuses, à la rescousse des marques enseignes ou marques eux-mêmes. Ils n’ont aucun répit et doivent sans cesse se déployer avec imagination sur les nouveautés produits toujours plus nombreuses. Ils mériteraient bien une médaille !
7- L’enfant modèle
Miroir, miroir ! Très peu utilisé en France, l’enfant-produit nous rend mal à l’aise. Singeant le plus souvent une pause ou une attitude d’adulte coincé, il nous sourit en pose mannequin » super-cheese « . On peut se demander pourquoi il n’a pas le droit, comme ses amis les mascottes, d’avoir une attitude irrévérencieuse ou de délirer gentiment.
L’exemple d’Andros, même si le scénario proposé est un peu limité et attendu, est une brèche dans les postures quasi religieuses et éternelles de ces enfants modèles, qui finissent comme tout le monde par grandir.
Quelles leçons à tirer pour décomplexer le branding/packaging de nos consommateurs devenus adultes ?
Günter Euringer, l’enfant Kinder a grandi
Cette transition entre les marques et les produits de nos enfants et ceux destinés aux adultes (devenus consommacteurs) est devenue artificielle. La joie, la vie, la dimension irrationnelle des codes et des expressions graphiques et narratives que nous tolérons pour nos petits monstres devraient naturellement se prolonger quand les produits sont destinés à la famille et au monde des adultes en général. Nous devons prioriser la dimension plaisir de la consommation versus l’approche rationnelle (sécurité/santé), qui constitue le contrat de base du produit et l’engagement de la marque.
Les exemples qui suivent nous démontrent comment de nouvelles marques (et d’autres beaucoup moins récentes) menées par des entrepreneurs(neuses) audacieux(ses) se sont imposées sur le marché français et étranger, en abordant la marque et le produit de grande consommation d’une manière très décomplexée, libre de tous codes et carcans auto-imposés la plupart du temps par les données CSP, l’âge où les fameux codes du marché, sûrement rassurants mais pas forcément performants.
La créativité n’a pas de limite, le rationnel n’a jamais fait rêver ni donné envie, encore moins séduit… Soyons audacieux !
Nous admirons une personne pour ses qualités, nous l’aimons pour ses défauts (avec modération bien entendu).