Start-up, ubérisation du travail, commerces et services en ligne, objets connectés et imprimantes 3D, ce basculement de l’économie traditionnelle vers l’économie digitale génère de nouveaux langages de marque liés aux nouveaux comportements d’achats.
« Touvavit, argenrapid, innovation, levédefon, businessangel, geektendencer »
Les noms et les symboles des marques de la nouvelle économie collent à la nervosité et la rapidité de croissance développée par cette économie. Une entreprise issue de la nouvelle économie se déploie à l’échelle de la planète sans passer par la case traditionnelle du marché local, son terrain de jeu est dès le départ la planète. Le « digital native » ne consomme plus un produit matérialisé dans un lieu bien en dur, mais navigue dans un univers dématérialisé. Son acte d’achat passe par un like puis un clic, et si c’est un bon plan à partager, il le tweet ou envoie un messenger à sa communauté d’amis.
En analysant ces marques sous l’angle sémantique, nous assistons à une contraction phonétique du langage. Côté signes nous parlons de moins en moins de symboles ou de logotypes mais plutôt de pictogrammes, d’icônes, d’emoji, d’émoticônes. Une grande majorité de ces noms de marques sont issues de la langue de Shakespeare. Néanmoins certaines entreprises éprouvent la nécessité de fusionner l’anglais avec la langue d’origine de l’entreprise. Ce qui donne, concernant la France, des fusions pas toujours heureuses entre Shakespeare et Molière… Surtout pour un chinois !
Question de sens ?
Les noms de ces nouvelles marques expriment souvent une fonctionnalité ou un usage primaire, tutoyant le SMS sans pouvoir toujours s’affranchir du .com. Le travail de symbolique associée à celles-ci se résume le plus souvent à du pictogramme traduit en « flat design » (tendance du moment).
Ces nouvelles marques collent à l’esprit du moment « le workinprogress ». Elles ne se veulent ni trop maitrisées ni trop sophistiquées, sont issues du langage courant et cultivent un esprit amateur. L’esprit est basique et fun, tendance association de quartier ou commerçant du coin. Tout de suite et maintenant sont les deux mamelles des marques de cette nouvelle économie. Fini le statut, bonjour le décompléxé.
Nous avons analysé environ 150 noms et identités de marques d’entreprises issues de la nouvelle économie. Nous avons pu extraire 9 typologies de marque. Espérant que cet exercice nous aide à mieux décoder les ressorts identitaires spécifiques de l’économie connectée :
1/ Franglais
2/ Neo latina
3/ Basic Poetic
4/ Fun
5/ Easy
6/ Promess
7/ MyYouWeMeGo
8/ Nowhere
9/ Les ringues
Franglais
Mélanger deux langues dans une marque génère souvent un langage hybride et anecdotique. Vouloir faire des jeux de mots en deux langues est un exercice particulièrement difficile. Le graphisme souvent puéril complexifie encore un peu plus l’ensemble. Des marques comme ouigo ou foodette s’en sortent plutôt bien.
Neo latina
Que de o, que de a…
Deuxième langue des marques après l’anglais, le vieux latin, origine de nombreuses langues du monde occidental a encore de beaux jours devant lui. Langue de la culture et du savoir, elle reste une source quasi inépuisable pour les noms de marques. Seul handicap : la redondance entre les marques et un sens pas toujours évident à déchiffrer.
Basic Poetic
Cette catégorie de noms se rapproche du langage parlé, familier et quotidien. Formules sympathiques et pleines d’empathie, ces noms peuvent être assimilés à la boutique du quartier, celle où nous allons à pied. Nous sommes dans le commerce de proximité mais sur le web.
Fun
L’esprit régressif est omniprésent dans la nouvelle économie. Est-ce l’âge moyen de ses créateurs encore proches de l’adolescence, ou le peu d’envie qu’ils ont à devenir des adultes qui se prennent trop au sérieux ? Cette nouvelle génération d’entrepreneurs développe une relation ludique à l’entreprise, que nous pouvons voir via leur dress-code et leur obsession du babyfoot au bureau ! Les employés de la nouvelle économie sont décomplexés dans un espace de travail moins structuré. Rire et s’amuser tout en étant efficace et performant, c’est l’esprit start-up.
Easy
Proche du mot-clé, ces noms se rapprochent et se confondent avec le service qu’ils délivrent. Ils sont fonctionnalistes et ont tendance à coller au langage de tous les jours ; ils usent et abusent souvent de la phonétique. Rapides, faciles à retenir et compris de tous, ça ne fait pas toujours rêver mais au moins, on s’en souvient !
Promess
Ces marques se différencient principalement des marques de l’économie traditionnelle par des promesses génériques pas forcément en lien avec leurs activités. Le côté in action – promesses rapides – qu’elles nous proposent, colle avec les aspirations des internautes. La trilogie incontournable « génial > rapide > pas cher » fait le succès de ces marques.
MyYouWeMeGo
Mon, toi, nous, moi, c’est parti… des marques tribus, c’est toi qui décide, c’est toi qui vois, tu fais comme tu veux. « Tu veux ou tu veux pas ». Ce sont des marques transparentes qui s’adressent à vous, à moi, à nous, comme si nous étions maîtres de nos choix et de nos envies. Elles nous disent que nous sommes les propriétaires de la boutique, les acteurs principaux du business…We’ve got the power. Ça flatte l’ego ! C’est très malin, un peu trop décliné à mon goût mais idéal pour les radicaux individualistes en quête de bonnes affaires à moindre coût.
Nowhere
Sûrement les noms de marques à plus fort potentiel. Ils ne diffusent pas de promesse, ne sont pas enfermés dans un produit ou un service et n’appartiennent pour la plupart à aucune langue particulière. Ces noms n’ont à première vue aucun sens et s’ils en ont un, il est conseillé d’aller le chercher sur Google. Les plus talentueux ont inventé un métier et rêvent sûrement de faire tous les métiers.
Les ringues
Ils sont nuls tout simplement.