27 mars 2013

Temps de lecture : 3 min

La brand culture : développer le potentiel culturel des marques

Pendant plusieurs mois, Daniel Bô a écrit une rubrique dans INfluencia sur les marques qui avaient tout compris de la Brand culture. Il en a fait un livre qui sort début avril chez Dunod**.

INfluencia : Comment avez-vous travaillé sur le livre Brand Culture ?

Daniel Bô : C’est un travail collectif, qui a duré deux ans et demi, effectué par l’équipe de QualiQuanti. Nous avons lu beaucoup de livres notamment américains sur le sujet. Nous avons analysé (approche sémiologique) l’univers culturel d’une trentaine de marques, qui sont accessibles pour la plupart via la rubrique Brand Culture d’INfluencia. Ce travail est aussi le fruit de nombreux échanges avec Raphaël Lellouche, qui a joué un rôle majeur et a apporté la théorie de la performativité appliquée aux marques. Quelques experts comme Odilon Cabat ou Patrick Matthieu ont contribué sous forme d’encadrés.

INfluencia : Comment êtes-vous passé de brand content à brand culture ?

D. B. : En analysant les meilleures stratégies de brand content, nous nous sommes rendu compte que pour être stratégiques, elles devaient être intégrées à la brand culture. En effet, le brand content stratégique est l’expression éditoriale de la brand culture à la différence du brand content opportuniste. Le contenu est un moyen mais l’enjeu est le développement d’un univers culturel riche de sens.

INfluencia : En quoi le brand content est une étape vers la brand culture ?

D. B. : Le brand content correspond à la prise de conscience que les marques peuvent devenir des médias en élargissant leur discours au-delà du message commercial. Avec la brand culture, on élargit encore le regard sur la marque en s’intéressant à sa réalité multisensorielle faite d’objets, de techniques, de sons, d’implication physiologique en la considérant comme une réalité sociale partagée non exclusivement discursive.

INfluencia : En quoi les Cultural Studies ont-elles fait évoluer la perception de la culture ?

D. B. : Les Cultural Studies ont permis de reconnaitre que la culture populaire est aussi une culture. Qui passe par les vêtements, les chansons, les bars, les bandes… autant de choses qui ont été longtemps méprisées. Toute activité sociale, dans le travail, les relations interpersonnelles ou familiales, dans la consommation, est articulée culturellement.

Regardez par exemple la culture des motards. Dans leurs groupes, il y a des « experts », des gens qui savent techniquement et scientifiquement comment fonctionne une moto. Pourtant, ce ne sont pas eux qui étaient les leaders dans les groupes : les leaders sont ceux qui articulent une expérience qui va au-delà de la rationalité du discours technique sur la moto. La culture motard, ce sont des vêtements – blouson de cuir – des cheveux longs, un certain type de posture du corps, un rapport particulier avec la femme sur la moto, un rapport particulier à la mort… Tout cela n’est pas du discours, mais c’est de la culture.

C’est un exemple. On peut dire la même chose de la culture d’une marque : c’est une articulation de dimensions irréductibles à un simple discours, même si le discours en fait partie. Les marques sont donc de la culture parce qu’elles font partie de la vie quotidienne dans les sociétés contemporaines. Elles appartiennent à la culture populaire. Leur connaissance ne nécessite pas de connaissances scientifiques, littéraires.

INfluencia : En quoi la notion d’ADN rapportée à une marque est-elle réductrice ?

D. B. : Garant de son identité, l’ADN fonde la cohérence et la continuité des expressions de la marque. Néanmoins, l’ADN ne suffit pas à expliquer la marque dans sa globalité : il faut également prendre en compte l’interaction avec son environnement, qui participe de sa construction identitaire. Déterminée par son contexte historique et géographique, la marque est perméable aux influences externes, aux actions de ses concurrents et aux réactions de ses clients.

INfluencia : En quoi le magasin est-il selon vous un canal d’expression essentiel de la brand culture ?

D. B. : Le lieu de vente est un outil prépondérant de diffusion de l’univers de la marque. Les magasins, et plus généralement les lieux développés par les marques, sont essentiels dans le ressenti du consommateur car le temps et l’espace constituent les repères fondamentaux qui déterminent l’expérience des individus, non seulement mentale mais aussi corporelle.

Or cette expérience est la clé d’entrée la plus puissante pour créer un lien avec la marque : c’est par l’immersion et le ressenti que le consommateur va trouver le sens, intellectuel, affectif ou intuitif, qui va lui donner envie de devenir ”performer”.

Il s’agit alors pour les marques de sortir de la masse des lieux stéréotypés pour recréer cet élément d’intérêt qui dépasse l’aspect fonctionnel attendu du produit. Etonner, enchanter le consommateur en créant la surprise et l’émotion, transformer un rendez-vous prévu et formaté en un événement marquant, une expérience à part entière.

Raphaël Legrand

*Interview de Raphaël Lellouche en post-face. Préface de Jean-Marie Dru, chairman TBWA Worldwide

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