La communication vit une époque formidable. L’essor du « Brand Content », consacré ces derniers temps comme une nouvelle discipline hautement aspirationnelle nous fait nous poser plusieurs questions sur le désir et le rôle de la communication dans notre société.
Le paysage média en pleine mutation impose un certain nombre de nouvelles obligations aux marques dans l’exercice difficile de leur communication : comment intégrer l’instantanéité induite par les nouvelles technologies ? Comment faire participer un consommateur de plus en plus impliqué ? Comment bâtir les nouveaux leviers de l’efficacité ?
Le récent « Grand Prix du Brand Content » a consacré l’intérêt que le marché français porte à cette nouvelle discipline dont l’objectif est justement de répondre à ces enjeux et de créer de nouvelles façons de communiquer. En cela, cette discipline est différente de la publicité traditionnelle, dont le mode de fonctionnement est basée sur le message publicitaire, là où le « brand content » imagine, construit produit des stratégies de contenus pour les marques dont la caractéristique est une rupture sémiotique moins marquée entre l’éditorial et le publicitaire.
Dans un monde où les marques sont soumises à une plus forte concurrence et où émerger devient de plus en plus compliqué, beaucoup d’annonceurs souhaitent développer leur préférence de marque, pour mieux marquer leur différence, s’approprier un univers, et développer leurs parts de marché. Et c’est là que se pose un débat passionnant : comment différencier les deux modes opératoires (publicitaires et de contenu) et évaluer leur apport à la création de préférence de marque ?
Quand on parle de préférence et de consommation, on ne peut éluder la question du désir. On peut qualifier le désir comme « la recherche de la réduction d’une tension issue d’un sentiment de manque ». C’est ce qui est en jeu dans le processus consommatoire. La question est de savoir sur quels ressorts jouer pour susciter, entretenir, créer ce désir, lorsque l’on parle de stratégies de communication.
L’apport de la psychanalyse et de la philosophie est toujours d’une grande utilité et nous permet de distinguer deux sortes de désir. Si l’on caricature, on peut considérer que la publicité, en jouant sur un ressort très immédiat, joue sur la pulsion consommatoire, et sur les ressorts de ce que le philosophe français René Girard appelle le « désir mimétique ». Pour d’autres, le Brand Content serait plus proche de la vision du désir édictée par Gilles Deleuze.
C’est ce que relève Matthieu Guével, co-auteur du livre « Brand Content »: « le brand content correspond profondément à la logique du désir humain comme elle a été formulée par Deleuze dans l’Anti-Œdipe : nous ne désirons jamais uniquement un objet qui serait « l’obscur objet du désir », nous désirons toujours par grappe, nous créons des mondes, nous créons des agencements. Je veux telle robe parce qu’elle condense une diversité de savoir-faire, je la désire avec le sac, l’homme, le style de vie et la soirée romantique ou la réunion pro qui vont avec. Si les marques veulent coller au fonctionnement de ce désir, il ne suffit pas de focaliser l’attention sur un objet starisé, il faut créer des mondes et proposer des expériences intégrées ».
Sans être exclusive (car elle peut être complémentaire d’une activité publicitaire classique), la création de désir et de préférence peut être donc traitée aujourd’hui de manière différente grâce au Brand Content, de manière peut-être moins pulsionnelle, moins « imitative ». En sortant des sentiers battus des stratégies traditionnelles et surtout en envahissant le contenu éditorial, les marques peuvent à la fois répondre à leur enjeu de création de préférence, et au-delà du désir, être un jour porteuses de sens.
Thomas Jamet – Head of Entertainment & brand(ed) content, Vivaki (Publicis Groupe)
thomas.jamet@vivaki.com / www.twitter.com/tomnever