Suréquipés, sur-connectés, multi-réseaux, multi-comptes et multi-personae, les 11-13 ans occupent déjà clandestinement les réseaux de leurs aînés. Cette nouvelle génération post digital natives est née avec des réseaux sociaux plein la tête et avec un smartphone greffé à la main. Bienvenue dans le monde des #BornSocial.
Mais que font donc les 11-13 ans sur les réseaux sociaux ? Si l’âge minimal requis pour s’y inscrire est de 13 ans, la plupart de ces social natives, qui mentent manifestement sur leur âge, maîtrisent encore mieux cette socialisation que leurs aînés. Avec l’entrée au collège vient le premier téléphone, un rite de passage presque sacré qui marque le début de l’autonomie. Si « premier téléphone » rime avec sécurité pour papa-maman, il veut surtout dire accès web et likes à foison pour un pré-ado. Parce que pour les social natives, le premier téléphone n’est plus un 3310 à coque personnalisable, et Snake n’est plus le must des cours de récré. Aujourd’hui, quand on parle premier téléphone, on parle systématiquement smartphone : en donnant leur iPhone 4S à leurs enfants, les parents leur ouvrent en grand les portes d’Internet, de l’hyper connectivité, de millions d’applications, des messageries, de jeux en ligne et des réseaux sociaux.
Facebook, the place-not-to-be
Quelle est la différence entre un adulte et un pré-ado ? Mêmes Stan Smith, même addiction à la pomme, mais une utilisation des réseaux sociaux sensiblement différente. Tout d’abord, s’ils sont nés en même temps que Facebook, les 11-13 le délaissent. Facebook a beau incarner le réseau social de référence pour les adultes (votre patron y est, votre mère y est, votre voisin, vos collègues de bureau et cette cousine un peu bizarre qui vous stalke y sont), ces petits clandestins du web y restent plutôt farouches. Leurs parents y ont sûrement posté leur trogne de bébé, mais eux voient en ce dinosaure une plateforme qui cristallise toutes les dérives de la communauté web : compliqué, et pas très sécure. Pas sûr qu’ils aient retenu précisément les faits divers tragiques de harcèlement en ligne, mais Facebook en est néanmoins, pour eux, le symbole. Et puis, comme ils disent, “il n’y a personne, sur Facebook”…
Je suis ce que je like
Snapchat est leur MSN, Instagram, leur Skyblog. Messagerie pour les vrais amis d’un côté, plateforme d’expression publique de l’autre. Les points forts de ces plateformes : elles sont mobiles et visuelles. Voilà la tendance que cette génération précoce promet aux années à venir : la puissance du smartphone combinée à celle de l’image.
Sur 8 millions d’utilisateurs Snapchat en France, 600 000 auraient moins de 13 ans. C’est 7% de jeunes de moins de 13 ans qui squattent la plateforme pour rester proches de leurs amis. Il faut dire que les filtres rigolos qui défigurent, subliment ou forcent les traits canalisent leur appétence pour le fun et leur permet d’instaurer un réseau social privé et restreint – comme s’ils avaient appris, de manière innée, à se prémunir des dangers liés au caractère public du web.
Instagram talonne le petit fantôme sur fond jaune. Dans une classe de 5ème, ils sont une grosse vingtaine à y avoir un ou plusieurs comptes. A l’inverse de leurs aînés, ils complètent l’utilisation classique de la plateforme de publication sociale, par un usage pur réseau social, avec par exemple la création de groupes de discussions par classes.
Mais Instagram, c’est surtout le lieu de la projection publique, le lieu de l’exposition, un vecteur d’expression du narcissisme virtuel. Avec un peu de recul, c’est le seul réseau qui réunit les trois grands usages des plus jeunes : d’abord la conversation, puisqu’ils détournent l’application en utilisant sa messagerie ; puis le divertissement, car c’est le réseau sur lequel ils regardent des vidéos courtes et drôles, ou suivent leurs idoles ; et enfin l’exposition, aussi bien dans les posts qu’ils publient, puis suppriment, que dans ceux qu’ils aiment. Instagram va donc au-delà d’une case trendy, foodporn, fashion et travel pour toucher le cœur d’une nouvelle audience.
Youtube, Télé 2016
Biberonnés aux vidéos YouTube qu’ils voient comme une télé à la demande gratuite et accessible et proposant un nombre de chaînes infini en accord avec leurs attentes, les plus jeunes sont scotchés à leurs écrans et boivent les paroles de leurs idoles du web. Le problème, c’est que ce n’est pas toujours à ce public que leurs idoles s’adressent. Si la question du contrôle parental se pose évidemment, les parents ne peuvent pas tout contrôler : lorsque les youtubeurs font des campagnes de communication avec des annonceurs, il faut qu’ils aient en tête la moyenne d’âge réelle, et non pas uniquement souhaitée, de leurs followers. Norman, Cyprien, Squeezie et les autres doivent être vigilants : une grande partie de leurs spectateurs n’a pas plus de 11 ans.
What’s next? Musical.ly
Un croisement de selfies et de karaoké qui permet à l’utilisateur d’enregistrer une vidéo de 15 secondes où il coordonne le mouvement de ses lèvres avec les paroles d’une chanson choisie, accompagnée d’une chorégraphie maison, Musical.ly est le prochain carton annoncé. Mark Zuckerberg en parle, les kids l’ont adopté. Les stars aussi. Attention, la prochaine tornade a déjà débarqué, et elle met le futur au présent.