C’est une première en France : l’hôtel particulier « AnnA », situé à Boulogne-Billancourt dans les Hauts-de-Seine, est devenu le 25 juin dernier le premier immeuble acheté et détenu par une société dont les parts seront entièrement numérisées via une blockchain.
Le 25 juin dernier, alors que bon nombre d’entre nous cherchaient désespérément un espace climatisé ou se réfugier -voir un open air où se désaltérer-, une information, loin d’être anodine, s’évanouissait dans le néant médiatique. Hormis quelques publications spécialisés, quasiment aucun média n’ont abordé la nouvelle : l’hôtel particulier AnnA, situé 6 rue Anna Jacquin à Boulogne Billancourt, marquait l’histoire en devenant la première propriété européenne a être vendue entièrement via la blockchain. « Et alors ? », me répondrez-vous. « Entre le congélo qui tombe en panne et les coups de chaleurs successifs dans l’open space, j’ai d’autres glaçons à fondre ». Vous auriez tort. Bien plus qu’un cas isolé, cette opération financière d’un genre nouveau est prête à faire jurisprudence dans un marché de l’immobilier en pleine numérisation.
Villa numérique
La propriété luxueuse, estimée à 6,5 millions d’euros, a été vendue à deux promoteurs immobiliers, Valorcim et Sapeb Immobilier. Le procédé impliquait de transférer dans un premier lieu les droits de propriétés de l’immeuble à une société créée tout spécialement pour l’occasion dénommé Sapeb AnnA. Le capital social de cette dernière a ensuite été divisé en 100 tokens qui ont été redistribués aux propriétaires. Chaque token pourra ensuite être fractionnés en 100 000 sous-unités, et vendus le cas échéant à des investisseurs sur le marché secondaire. L’investissement minimum pourrait alors débutér à 6,5 euros… La transaction a été géré par la plateforme d’investissement Equisafe et placé sur la blockchain Ethereum.
« La transaction de l’hôtel AnnA fait office d’expérience, les promoteurs n’ont pas encore décidé s’ils revendront des tokens sur le marché secondaire », explique Bilal El Alamy, le cofondateur d’Equisafe. Pourtant, quand on regarde -pas si loin- en arrière, on est loin d’un coup de poker à l’aveugle. L’année dernière, une incroyable propriété new yorkaise de 30 millions d’euros – avait également été tokenisée avec succès, déjà par Ethereum. Et pas plus tard qu’en janvier dernier, Templum, un géant du crowdfunding, avait réussi une levée de fonds à hauteur de 18 millions de dollars en tokens pour le St. Regis Aspen Resort, un hôtel de luxe niché dans la prestigieuse station de sports d’hiver états unienne..
Une tokenisation à risque
Par rapport aux différentes formes de financements participatifs -OPCI, SPCI ou crowdfunding-, les biens immobiliers tokenisés présentent deux intérêts considérables : ils sont plus sécurisés que les titres traditionnels et ont des coûts de transaction plus faibles. L’immobilier est traditionnellement un marché aux coûts de transaction élevés, avec 14% du prix du bien en moyenne en France. La Blockchain réduit ces coûts puisque, si adopté au niveau national, il supprime la note d’un notaire, soit 15% des coûts de la transaction.
Mais son réel avantage et principal moteur économique est sa non régulation au niveau étatique. Une aubaine pour les investisseurs qui profitent d’un terrain de chasse vierge juridiquement mais un danger pour tous les autres : sans encadrement, les bulles spéculatives ne sont jamais bien loin. Comme l’avait montré la bulle du Bitcoin, passé subitement de 900 à 20 000$, pour ensuite retomber presque aussi rapidement sous la barre des 5 000$ à la fin 2017. Aux gouvernements européens d’enrayer la volatilité des prix et ainsi prévoir une future crise sur le marché de l’immobilier. Une quinzaine d’année à peine après la dernière…