Cyril Paglino est un serial entrepreneur. Aujourd’hui CEO et co-fondateur de Starchain Capital, un fonds d’investissement dédié aux projets Blockchain, il se développe entre San Francisco, Vancouver et Paris. Il est également le fondateur de Tribe, un système de messagerie qui a pris fin en 2017. Il interviendra aux Sommets du Digital (dont INfluencia est partenaire).
Cette aventure a amené Cyril Paglino à remettre en question le pouvoir des grands groupes et notamment des GAFA. Et il a par la suite décidé de développer Starchain Capital, afin de promouvoir notamment les systèmes décentralisés. Il interviendra aux Sommets du Digital (dont INfluencia est partenaire) à La Clusaz les 4, 5 et 6 février 2019, aux côtés de nombreux autres speakers (dont Laurent Buanec, directeur général adjoint de Twitter France, Marie-Laure Sauty de Chalon, CEO de Factor K,
ex PDG du groupe AuFéminin ; Sébastien Badault,
directeur général du groupe Alibaba France ; Valérie Decamp,
présidente de Médiatransports ; Philipp Schmidt, Chief Transformation Officer de Prisma Media et Managing Director de Prisma Media Solutions ; Claude Chaffiotte, directeur d’Accenture Interactive en France et au Benelux, etc.). Interview vérité de C. Paglino.
Une des applications de la Blockchain, largement reconnue, serait de tokeniser chaque produit afin de nous donner des informations concernant son origine. La Blockchain va t-elle entraîner un monde plus transparent et donc à terme, plus éthique ?
Cyril Paglino : oui. Que ce soit dans l’agroalimentaire, le luxe, le transport maritime ou l’industrie pharmaceutique, elle va entre autre permettre de garantir l’intégrité des produits et d’éviter la contrefaçon. Elle va aussi permettre de savoir par qui est réellement assemblé un produit, quel a été son mode de transport, dans quelles conditions et quel prix a été pratiqué par chaque intermédiaire. Cela va mécaniquement profiter à ceux pour qui les promesses sont les plus éthiques (relocalisations, fin du travail des enfants, meilleur traitement des animaux, etc.). La transparence amène souvent à plus d’éthique et la Blockchain va pour la première fois rendre possible l’intégrité de la transparence.
Pensez-vous que la Blockchain va signer l’arrêt de mort des GAFA ? En développant la Blockchain, vous vous battez surtout contre ces grands groupes. Seulement, on voit qu’eux-mêmes investissent déjà dans cette technologie, notamment Amazon, mais aussi Alibaba, Microsoft, etc.
C.P. : je ne pense pas que ce soit si binaire. A mon sens, le leitmotiv d’un entrepreneur reste l’innovation, ou le fait de trouver de nouvelles solutions, plus efficaces, à un problème existant. La technologie de la Blockchain ouvre de nouvelles perspectives, et on peut du coup regarder les challenges et problèmes d’aujourd’hui sous un nouvel angle en tentant d’y apporter des solutions plus adaptées. Certains vont faire évoluer leur produit et leur philosophie, comme par exemple Airbnb qui, lors de sa préparation d’IPO, demande à la SEC de trouver un moyen légal de donner des actions de la boîte à ses meilleurs hosts, ou encore Uber qui étudie le même modèle afin de rétribuer ses meilleurs conducteurs en Equity. D’autres vont investir, comme Yahoo! a pu le faire, il y a 10 ans, en investissant dans AliBaba. Quelques années plus tard, Yahoo! n’allant plus très bien, les parts d’Alibaba détenues par Yahoo! valaient plus cher que Yahoo!…
En 1990, des centaines d’entrepreneurs et d’ingénieurs ont commencé à voir l’internet comme LA nouvelle plateforme, en imaginant d’abord l’accessibilité à l’information que cela allait créer (Encarta/Wikipédia vs la bibliothèque municipale). Puis de nouveaux segments de notre économie se sont peu à peu digitalisés pour remplacer, simplifier, fluidifier, améliorer des dizaines de services existants. Aujourd’hui, les 5 plus grosses market cap mondiales sont des boites technologiques/internet. La Blockchain est une nouvelle plateforme. Comme l’internet l’a été il y a 30 ans. On est sur le point d’assister à un gros changement de paradigme, où seules les sociétés les plus agiles survivront et s’adapteront.
À une autre échelle on observe une sous-estimation de l’importance de la Blockchain. Son développement parait plutôt lent. On voit par exemple que les cryptomonnaies comme le bitcoin servent surtout à la spéculation financière… Qu’en pensez-vous ?
C.P. : on assiste à la naissance d’une technologie, depuis sa découverte (2008) jusqu’à la création des premiers protocoles, il y a eu déjà beaucoup, beaucoup de travail accompli par la communauté des développeurs. Il faut garder en tête un point essentiel : tout cela repose sur des problèmes mathématiques compliqués et très peu d’ingénieurs sont capable de coder à bas niveau ; quelques milliers, voire quelques centaines pour les sujets les plus techniques. Même si la cryptographie et les bases de données décentralisées sont des concepts anciens, cela va prendre du temps pour arriver à des produits évolutifs. Encore une fois, on a mis 20 ans pour passer du 56k à la 4G, avec pour règle simple que la vitesse de connexion allait croitre de 50% par an, tous les ans. On a donc encore du chemin à faire ici. Soyons patients.
Pour ce qui est de la partie spéculation, ce n’est pas nouveau. Dès que vous avez un marché non-régulé, il y a toujours de la spéculation autour. C’est un phénomène assez facilement explicable : on entend des histoires de proches qui ont gagné de l’argent, on s’y essaye puis on relaie à notre tour. Le bruit court, le nombre d’ utilisateurs/acheteurs augmentent, tout comme la valorisation , jusqu’au jour où l’actif principal est totalement dépassé par la spéculation qui l’entoure, et que la « bulle » éclate. S’ensuit une phase de reconstruction où l’actif en question prouve ou non son utilité/valeur grand public. C’est celle dans laquelle nous sommes en ce moment.
Quelles sont aujourd’hui les applications de la Blockchain ? Quand les entreprises pourront-elles concrètement l’implanter dans leur activité ?
C.P. : les premières applications sont autour de la finance, mais aussi de l’assurance ou encore du filehosting/filehosting. On parle aujourd’hui des « applications » de la Blockchain, mais à long terme, je fais partie de ceux qui pense que l’internet, ou du moins une majeure partie, sera basé sur la Blockchain. Si la spéculation est la plus médiatisée, elle représente en fait la partie émergée de l’iceberg. De plus en plus de projets, comme Augur ou Aragon, arrivent à des stades de développement relativement avancés et sont déjà utilisés. Une multitudes d’autres projets open source ou privés sont déjà à l’étude ou en développement au sein de grandes entreprises du CAC 40. Comme toute révolution technologique, la Blockchain doit passer par trois stades avant son adoption par les masses : elle parait d’abord risible, elle est ensuite perçue comme un danger par les pouvoirs en place, puis elle est vue comme une évidence et adoptée par tous. Nous sommes actuellement au début de la deuxième étape.
Question cash / Réponse cash : La Blockchain est présentée comme la solution à presque tous nos problèmes : famine, pollution, insécurité, santé, etc. Mais n’est-elle pas surfaite ?
C.P. : évidemment, on ne peut pas nier le battage fait autour de la Blockchain, elle ne réglera pas tous les maux du monde. Mais elle sera un pas significatif vers un monde plus éthique et plus juste. Son aspect démocratique est particulièrement puissant et mériterait d’être plus souvent mis en avant. Pour la première fois dans l’Histoire, les intérêts des créateurs, des utilisateurs et des actionnaires sont alignés. Et cela pourrait accélérer de façon exponentielle toute autre innovation, quel que soit le domaine. La recherche médicale, par exemple, est en passe de bénéficier d’une base de données mondiale et anonyme qui va permettre des avancées majeures à un rythme jamais vu.
Mais encore une fois, il faut regarder cette technologie d’un point de vue macro, à 10, 20, 30 ans. En seulement 15 ans, le mobile a permis à des services comme Uber, Deliveroo ou Lyft d’exister (grâce au GPS embarqué) ou encore à Instagram et Snapchat (grâce à la caméra embarquée). La Blockchain, elle, apporte quelque chose de radicalement nouveau : la confiance sur internet. Cette fonctionnalité en elle-même permet effectivement de repenser des secteurs tout entiers.
Le mot de la fin : pourquoi venir aux Sommets du digital ?
C.P. : en seulement quelque années, l’évènement a su devenir incontournable. J’en ai suivi l’évolution et voulais venir en 2016 et 2017, mais étant basé en Californie, les dates ne matchaient pas. La France et la Silicon valley sont deux éco-systèmes différents, et je suis ravi de faire le voyage cette année afin de rencontrer, échanger et apprendre avec les intervenants, mais aussi partager un peu de ce que je vois ici, au quotidien.
Les 4, 5 et 6 février 2019 se tiendra à La Clusaz la 4e édition des Sommets du Digital.
Ils parleront des enjeux qui transforment notre quotidien et interrogent notre avenir et donneront des clés pour comprendre, s’adapter et réagir dans un monde qui change plus profondément et plus rapidement que jamais. Ils exploreront, sous des angles très concrets, les thèmes de l’intelligence artificielle, les nouveaux comportements clients, la sécurité, le changement de civilisation, les ruptures, les nouveaux business, la communicatio digitale, le numérique et l’environnement, le management réinventé, les datas, etc.
Par ici pour retrouver l’interview originale réalisée par l’équipe Sommets du Digital.
Et par là les premiers noms des speakers 2019.