Les grands groupes de communication et de publicité ont souvent une position ambiguë envers le marketing d’influence. Le succès des influenceurs auprès des plus jeunes cibles notamment perturbe leur modèle économique. Les annonceurs investissent en effet de plus en plus d’argent auprès de ces créateurs de contenu, quitte à rogner les budgets qu’elles avaient l’habitude de dépenser dans leurs campagnes publicitaires plus « traditionnelles ».
Les géants du secteur ont longtemps laissé faire sans trop réagir. Des jeunes agences spécialisées dans le marketing d’influence ont commencé à éclore ici ou là. Certaines commencent aujourd’huià avoir une taille respectable. Face à cette nouvelle concurrence des groupes comme Omnicom Media Group ont choisi de réagir en créant leur propre entité. Cette activité est toutefois encore toute petite et peu voire même pas rentable pour eux. Ces acteurs historiques se plaignent également du flou qui règle sur ce marché qui n’est pas encore régi par les mêmes règles strictes que la publicité. Les vieux lions ont du mal à voir des jeunes fauves entrer sur leur territoire…
INfluencia : Le marketing d’influence connaît un succès grandissant depuis quelques années…
Bertrand Nadeau : Le marketing d’influence fait en effet parler beaucoup de lui et il fait couler de l’encre mais je trouve que le parent pauvre de toutes ces discussions concerne la transparence de ce secteur.
IN : Que voulez-vous dire par là ?
B. N. : Omnicom Media a toujours été en faveur de la volonté de réguler. Nous soutenons très fermement cette démarche et nous souhaitons aussi la suivre dans le marketing d’influence. Notre groupe a mis en place au sein de notre agence Fuse une expertise dédiée à ce secteur en 2018. Cette structure comprend aujourd’hui deux salariés à plein temps.
IN : Quel est le spectre de vos activités dans ce secteur ?
B. N. : Lorsqu’un de nos clients veut lancer tel ou tel produit pour telle ou telle cible, nous leur faisons des recommandations et nous pouvons, dans certains cas, leur proposer de collaborer avec des créateurs de contenu.
IN : Votre groupe fait-il office d’agent pour certains créateurs ?
B. N. : Non, car nous ne voulons pas être juge et partie. Notre objectif est de trouver les créateurs qui correspondent le mieux aux objectifs que nous souhaitons atteindre.
IN : Ce marché prend-il une grosse importance dans votre groupe?
B. N. : Aujourd’hui, ce marché n’est pas une réelle source de business pour Omnicom car justement nous transmettons les coûts réels de l’influence à nos clients et cela change toute la donne.
IN : Qu’entendez-vous par là ?
B. N. : Nous ne sommes pas venus à l’influence par opportunisme monétaire. Cette activité entre dans notre stratégie média et nous sommes, en conséquence, totalement transparents avec nos clients concernant notre facturation. Et dès qu’on dit toute la vérité, l’intérêt des marques pour l’influence chute brutalement.
IN : Pourquoi?
B. N. : Le grand sujet tabou dans l’influence est l’argent. Il existe beaucoup d’intermédiaires cachés entre les marques et les créateurs de contenu. Les influenceurs ont presque tous un agent mais rares sont ceux qui savent comment le système fonctionne. Il est comparable à ce qui se passe dans le football. Le représentant d’un influenceur connaît quelqu’un qui connaît quelqu’un et en bout de chaîne, un accord est trouvé avec un annonceur. Mais tout au long de ce processus, chaque intermédiaire prend une commission. Parfois, un créateur peut ainsi toucher la moitié de la somme qui est payée par la marque. Il y a manquement évidemment de transparence et il y a bien trop d’intermédiation dans ce secteur.
IN : Comment peut-on éviter cela?
B. N. : Les contrats de représentation exclusif sont une option intéressante mais aujourd’hui à peine 5% ou 10% des influenceurs ont un agent exclusif. Je pense aussi qu’il aurait fallu imposer dans l’influence un texte comparable à la loi Sapin qui fixe une obligation de transparence dans les médias. Cela permettrait de nettoyer le marché de tous ces intermédiaires cachés. Peu le dise mais tout le monde se fait du beurre dans ce secteur.