26 novembre 2020

Temps de lecture : 3 min

Bertille Toledano présidente de BETC: « N’est-il pas enthousiasmant d’ouvrir un nouveau chapitre ?

Aux commandes de l’agence BETC depuis un an tout juste, Bertille Toledano reconnaît avoir participé à la construction de notre société de consommation mais estime être aujourd’hui plus en phase avec ce nouveau chapitre qui s’ouvre, d’une consommation raisonnable et raisonnée.

Aux commandes de l’agence BETC depuis un an tout juste, Bertille Toledano reconnaît avoir participé à la construction de notre société de consommation mais estime être aujourd’hui plus en phase avec ce nouveau chapitre qui s’ouvre, d’une consommation raisonnable et raisonnée.

INfluencia : comprenez-vous que la pub soit une fois de plus attaquée en ces temps bouleversés ?

Bertille Toledano: oui, je le comprends d’autant mieux qu’on nous le répète depuis longtemps. La pub a toujours été un peu critiquée, la consommation aussi par certains groupes d’individus. Aujourd’hui, cette musique est devenue critique et insistante à l’égard de la pub, et s’amplifie autour de l’impact que la consommation a sur l’écologie. Vous l’aurez compris le sujet de fond c’est la consommation qui a vécu en s’accélérant autour des notions de progrès et de confort. Des quêtes très aspirationnelles pour lesquelles nous avons créé des imaginaires également aspirationnels. En ce sens oui, effectivement nous avons participé à cette construction. Notre métier de publicitaires a alimenté et amplifié cette production de besoins de consommer, augmenté nos envies. Récemment encore, nous vivions dans un principe de danger différé… Le climat, le réchauffement climatique donc, la souffrance de la biodiversité, et autres sujets qui nous sont désormais familiers nous conduisent vers un nouveau chapitre.

IN. : votre métier comporte un volet conseil, vous avez des données, des « antennes » concernant les tendances, etc. N’auriez-vous pas dû alerter vos clients, annonceurs de ce qui était entrain de se produire ?

B.T. : ne soyons pas dupes, la publicité et la communication avaient pour vocation d’écouler ce qui était produit. Et tout n’est pas à bannir. Qu’il s’agisse d’éducation, de santé, d’alimentation, etc. nous avons énormément progressé, notre espérance de vie a augmenté de près de 20 ans… Ce serait trop facile de tout rejeter. Aujourd’hui il s’avère que nous devons nous attaquer (nous le faisons déjà) à une nouvelle transformation compatible avec l’urgence climatique. Une transformation qui doit produire moins d’accumulation, et plus d’épanouissement, car nous l’avons compris, aujourd’hui, les individus, l’ensemble de la société se tourne vers la valeur d’usage et non plus forcément vers la possession.

IN. : qu’avons-nous raté ?

B.T. : en fait, nous n’avons rien raté, nous sommes arrivés au bout d’un cycle vieux de 80 ans, qui date d’après guerre, où chacun a fait le plein d’objets, a acheté, a accédé à la propriété. Or il s’avère que tout cela n’a pas rempli la promesse de bonheur attendue, et que les imaginaires sont fatigués. Quel est le sens de mon téléphone portable numéro12 ? Pour un certain nombre d’entre nous, cela n’en a plus aucun.  Aujourd’hui, notre rôle de publicitaires ou communicants, est d’accompagner nos clients et les citoyens dans la transformation que nous vivons. Comment utiliser correctement une automobile hybride sans être encore plus polluant? Comment faire pour que la technologie ne nous envahisse pas?etc.

IN. : sans le réchauffement climatique, aurions-nous pensé à cesser de surconsommer ?

B.T. : en préambule, tous les états, tous les individus, tous les groupes ne sont pas dans le même timing, dans les mêmes urgences et préoccupations. Il y a la grande pauvreté d’un côté, des pays qui accèdent à leur tour à la consommation, donc d’une certaine manière nous ne pouvons pas évoluer à la même vitesse. Encore aujourd’hui, la moitié des USA pense que le réchauffement climatique est une invention… Je pense oui, que nous serions arrivés aux mêmes conclusions par d’autres biais, psychoogiques, peut-être… Maintenant il faut avancer. Ce qui est positif c’est que la préoccupation écologique rejoint l’intérêt personnel. Ce qui est intéressant aujourd’hui est de voir que cette société est à nouveau porteuse de sens, et que mon métier a pour rôle d’accompagner cette mutation au plus près des gens.

IN. : vous le disiez plus haut, tous les états n’en sont pas aux mêmes niveaux de conscience…

B.T. : il est certain que nous ne devons pas aller vers une société à deux vitesses, une qui mange mieux, qui a une vie plus douce, et une qui soit à la marge, il va falloir que ces nouveaux usages soient accessibles à tous.

IN. : quel rôle aura la créativité et la publicité dans cet accompagnement ?

B.T. : la création c’est « faire surgir de l’inédit », la publicité c’est « rendre public ». Notre rôle reste entier et indispensable. Qu’il s’agisse de notre métier comme sur tout le reste, se pose la question de l’utilité. Or nous avons pour mission de redonner un épanouissement, le désir de créer. J’adore cette phrase de Jean-Paul Sartre, « faire, et en faisant, se faire ». Ce que nous proposons doit permettre à chacun de se construire. La puissance de la publicité et l’efficacité de la créativité va accélérer les changements.

IN. : vous semblez être positive sur la suite…

B.T. : c’est difficile aujourd’hui, mais n’est-ce pas enthousiasmant d’ouvrir un nouveau chapitre, avec des nouvelles grammaires et imaginaires ? D’avoir enfin une ligne claire à suivre… Une ligne qui dit partage, écologie, raisonnable, citoyen, diversité, inclusion, épanouissement…

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