La première fois que je t’ai vraiment découverte et aimée à la folie, c’était en 1986, mon premier festival à Cannes. À l’époque, tu n’avais pas de rivales et sur la Croisette tu régnais en déesse triomphante. Nous passions des heures et des heures à déguster des spots acidulés, des petits bijoux sucrés… que les agences du monde entier ciselaient. On te décernait un Grand Prix, la récompense suprême convoitée par tout créatif sensé.
Tu faisais partie de ma vie. Tu m’encourageais : « Just do it » Tu me prévenais : « Un verre ça va, trois verres, bonjour les dégâts». Tu me consolais : « Happiness is a cigar called Hamlet ». Tu me grondais : « Il faudrait être fou pour dépenser plus ! » Tu n’avais pas peur de me dire la vérité : « Pour parler franchement, votre argent m’intéresse ». Et tu me faisais hurler de rire avec ce chanceux du Loto qui chantait : « Au revoir président ! »
Tu vois, je me souviens toujours avec bonheur de tes sagas incroyables, de tes slogans, entrés parfois dans la langue quotidienne, de tes musiques et jingles que nous fredonnions : « Pa-pa-pa-pa-pa-pam… » (Dim) ou encore : « Dans Banga y’a des fruits, juste c’qu’il faut… »
Et puis un jour, sans que tu t’y attendes, une autre reine, beaucoup plus jeune, parée d’atouts qu’elle croyait irrésistibles, s’est mise à te narguer. Les Gafa et la dynastie Internet ont essayé de te détrôner. Ils sont partout aujourd’hui sur la Croisette pour ces Lions 2018. Tu as résisté avec courage. Parfois ton manque de créativité m’a un peu déçue, la faute aux annonceurs trop craintifs.
Mais crois-en Bernanos : « Il n’est de véritable déception que de ce qu’on aime ». Et alors qu’on va célèbrer ton arrivée il y a cinquante ans sur nos petits écrans en France, j’ai toujours envie de te dire : « t’as d’beaux yeux, tu sais ».