Face à la crise que nous vivons actuellement, les planneurs s’interrogent plus que jamais sur ce que notre monde va devenir et sur la façon dont nous allons nous battre. Parce que les réflexions sont multiples et nécessaires, nous interrogeons chaque semaine l’un des 18 directeurs de planning membres fondateurs du Collectif du Planning Stratégique sur le sujet Covid-19.
Quel impact du Covid-19 imaginez-vous sur les stratégies à venir des marques ? Pour le planning stratégique comme pour les autres métiers de l’agence, quels bouleversements doit-on attendre, et les connaît-on déjà ? L’après Covid-19, à l’échelle de la société, ce sera quoi ? : Trois questions auxquelles des directeurs de planning répondront chaque mardi pour le Collectif du Planning Stratégique.
Cette semaine, la parole à Sacha Lacroix, Directeur Général chez ROSAPARK.
IN : quel impact du Covid19 imaginez-vous sur les stratégies à venir des marques ?
Sacha Lacroix : si on devait élire le mot de l’année 2020, confinement serait, à n’en pas douter, choisi à l’unanimité. La première conséquence de cet isolement massif, pour nous tous, c’est une prise de recul sur nos propres vies. Pour la première fois depuis des décennies, nous avons le temps de nous interroger sur nous-mêmes. De nous poser et de réfléchir, en tant que citoyens-consommateurs responsables. Il en va de même pour les marques. Pour la plupart d’entre elles, l’heure n’est plus à l’action : le train du business attend désormais sagement en gare.
Au fond, on pourrait presque dire que la question de la différenciation stratégique et des plans d’actions qui en découlent, qui nous animent et nous passionnent le reste de l’année, n’a pu plus lieu d’être dans le contexte Covid19. Car, c’est en tous cas notre point de vue chez Rosapark, il n’est ni entendable ni acceptable qu’une marque tente de tirer la couverture à elle à l’heure où des millions de Français craignent pour leur vie.
La seule stratégie pertinente, c’est celle de la responsabilité et de la générosité. Participer à l’effort collectif. Donner de soi, en fonction de ce qu’on on est et de la place qu’on occupe en tant que marque. En un mot : contribuer.
IN : pour le planning stratégique comme pour les autres métiers de l’agence, quel bouleversement doit-on attendre, et le connaît-on vraiment ?
S.L. : pour nous planneurs, mais cela concerne tout autant nos collègues marketeurs et créatifs, le contexte Covid19 contribue à mettre en lumière une question fondamentale : celle des conditions d’écoute. Parce que les publics vivent ce contexte émotionnel si particulier, ils ne sont plus en mesure de recevoir et d’écouter positivement les messages commerciaux que les marques leur envoient habituellement. Et mon impression, c’est que cet enjeu est globalement plutôt bien compris par les marques et leurs agences, en ce moment. Mais qu’en est-il vraiment tout le reste de l’année ?
Est-ce que cet enjeu, notre métier le mesure suffisamment en temps normal, lorsqu’il faut convaincre des téléspectateurs de l’intérêt d’une promo pour du sopalin à 9h46 du matin ? Lorsqu’on lui vend la représentation d’un bonheur familial au petit déjeuner, alors qu’il n’a jamais existé ailleurs que dans une publicité ? Lorsque l’on valorise tel nouveau SUV hybride comme si c’était l’innovation de l’année ?
Il est, je crois, de notre devoir, à nous planneurs, à nous agences, de toujours prendre en compte l’état émotionnel dans lequel se trouve un consommateur quand on lui envoie tel ou tel message. De toujours bien mesurer ce que la marque peut se permettre de lui dire, en fonction de comment il la perçoit. De comprendre avec acuité ce qui sera recevable, entendable, écoutable pour lui. Le contexte que nous vivons doit nous apprendre à trouver un plus juste équilibre. Entre ce que les marques veulent dire et ce que leurs publics peuvent entendre.
IN : l’après Covid19, à l’échelle de la société, ce sera quoi ?
S.L. : j’ai beau adorer la Science-Fiction, il faut se méfier des sur-analyses et des excès de prédictions. Il est néanmoins probable que deux grands mouvements vont se mettre en dynamique, une fois que nous serons sortis du Covid. Mais ils sont paradoxalement antinomiques l’un de l’autre. D’un côté, cette prise de recul massive, unique dans l’Histoire, va probablement nous amener à développer des comportements plus conscients. Il y a cette idée, que l’on retrouve souvent sur instagram en ce moment, qu’il était temps. Qu’après des décennies de surconsommation, notre écosystème nous rappelle à l’ordre et nous incite chacun à agir différemment, de manière plus responsable et consciente, au quotidien. Qu’un changement profond est nécessaire.
Mais ne sous-estimons pas pour autant la nécessaire reprise économique que les entreprise et les gouvernements vont tenter d’instaurer. Après ces semaines de pause, l’agressivité commerciale va reprendre de plus belle. La compétition concurrentielle sera plus acharnée que jamais. Les stimuli commerciaux seront partout, jouant sur le nerf du manque après ces semaines de consommation ascétique. Ce que cette collision entre deux tendances sociétales contradictoires produira ? Demandons à Philip K Dick.