Un bilan météo partiel de la planète Commerce s’imposait. Qui en effet n’a pas dû y revoir sa façon de les servir pour s’attirer les jeunes consommateurs –ou leurs foudres (s’ils ont commis un impair) ? Car là réside la grande leçon de la jeunesse : elle refuse les diktats, mais tout dépend de quel côté du vent elle se trouve…
Il y a un avant et un après. Le monde d’hier n’a plus rien à voir avec la réalité actuelle. « Les jeunes ne sont plus attirés par la possession », prévient Nathanaël Rouas, qui codirige l’incubateur de jeunes talents créatifs intégré à l’agence Publicis Conseil. « Nous sommes entrés dans une période post-consumériste. Ce raz-de-marée va submerger tous les secteurs, même si certains ont été bousculés avant les autres». Se voiler la face vous conduira tout droit vers un écueil qui fera couler votre frêle esquif. De nombreux métiers ont déjà été impactés par l’arrivée des millennials. Les plus malins sont parvenus à s’adapter. Les conservateurs ont rejoint sur le fond des océans de leurs certitudes les Kodak et autres catalogues Quelle.
L’édition mise à la page
La nouvelle a provoqué la colère des libraires. Les membres du jury du prix Renaudot ont retenu dans leur sélection un titre autoédité sur Amazon. Marco Koskas a choisi de publier sa « Bande de Français » sur le site du géant américain, qui propose aux auteurs, via sa filiale CreateSpace, d’éditer leur livre directement sur sa boutique en ligne en échange du versement de plus de la moitié de son prix de vente. Si les librairies restent le premier circuit de distribution d’ouvrages en France, leurs ventes ont encore baissé de 1,6 % en 2017 en raison de la concurrence de sites comme Amazon. En amont dans la chaîne éditoriale, ce sont… les éditeurs qui souffrent, eux-mêmes, du succès de l’autopublication.
Mais les groupes de presse sont aussi victimes de la désaffection des millennials pour le papier. « Madame Figaro a cherché à réagir en lançant en avril 2018 MAD, un média 100% vidéo coloré, puzzle de spots courts filmés au format vertical car pensés pour les écrans de mobile », constate Laurent Allias, cofondateur de l’agence Josiane et du CJE, le Cercle des Jeunes Entreprises, et le papa du festival « Les Chatons d’or », centré sur les nouvelles générations. MAD n’a pas de site, mais publie ses vidéos sur Facebook, YouTube, Instagram, ainsi que sur le site de Madame Figaro.
La galette brûle
Pendant des années, les chanteurs et leurs groupes ont fait fortune grâce à la vente de leurs disques. Mais les jeunes ne l’entendent plus de cette oreille ; l’arrivée du streaming a tout bouleversé. « L’ancien monde de la musique a dû s’adapter pour survivre », résume Nathanaël Rouas. « Les monstres de ce secteur ne s’appellent plus Universal, mais Spotify ». Le nombre d’écoutes mensuelles en streaming est ainsi passé de 1,3 à 4,7 milliards entre juin 2015 et juin 2018. Pour la première fois, les abonnements streaming audio ont généré au premier semestre 2018 plus de revenus (110M€) que les ventes physiques (91,6M€), selon les données du Syndicat national de l’édition phonographique. Conséquence : les ventes de CD aux États-Unis ont chuté depuis janvier 2018 de… 41,5%. En France, le marché physique de la musique (CD et vinyles) a reculé de 12,88% lors des six premiers mois de l’année. Pour survivre à cette chute brutale, le monde de la musique a dû repartir sur les routes et enchaîner les tournées, génératrices de cash.
L’année 2017 a vu 65 420 concerts payants se tenir en France, selon les données recueillies par le Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV). Ce chiffre a augmenté de 4% en un an. Les recettes de billetterie ont, elles, bondi de 15%, à 930 millions d’euros, et le prix moyen du ticket a progressé de 5%, à 35 euros. Les festivals ont, eux, attiré 6,8 millions de spectateurs en 2017, soit plus d’un Français sur dix! Cette fréquenta- tion s’est envolée cette année de 14%, d’après le site touslesfestivals.com. Neuf événements dans l’Hexagone ont accueilli plus de 150 000 personnes, le rendez-vous le plus populaire restant le Festival Interceltique de Lorient (75 0000 visiteurs). Sans ces concerts, l’industrie musicale ne pourrait plus financer de nouveaux talents. Mais n’est-ce pas dans les vieux pots qu’on fait les meilleures soupes?
Sous le soleil du Tout Voir
La télé telle qu’elle a été conçue (pour émettre des images, en 1926) a presque disparu, reste sa forme, et encore… La jeunesse a appris grâce à elle à zapper et ne s’est plus jamais arrêtée. Pour les producteurs de contenus et les diffuseurs, il a fallu mettre les bouchées doubles. Netflix est aujourd’hui le moyen le plus populaire aux États- Unis pour regarder du contenu de divertissement… sur un téléviseur, d’après une enquête de la société d’investissement Cowen & Co. Avec plus de 137 millions d’abonnés dans plus de 200 pays, la plateforme de streaming a contraint les chaînes traditionnelles à modifier leur offre en concevant des sites qui permettent aux particuliers de voir ou de revoir les programmes où et quand ils le souhaitent. M6 avec 6play et Arte ont été précurseurs dans ce domaine.
Évoluer pour ne pas mourir, là est la question. TF1, M6 et France TV ont récemment choisi d’aller encore plus loin en unissant leurs forces pour créer Salto. Cette plateforme commune et inédite dite OTT (Over-The-Top Service ) sera accessible via Internet sur ordinateur, tablette, smartphone ou certains téléviseurs connectés, tout comme Netflix ou Prime Video d’Amazon. Elle proposera le meilleur de la télé (le direct et le rattrapage) des trois diffuseurs français ainsi que des programmes inédits.
L’ancien patron de Canal+, Pierre Lescure, a lui lancé en juillet 2016 avec le fondateur d’Allociné, Jean-David Blanc, molotov.tv, qui revendique 6,6 millions d’utilisa- teurs et près de 900 nouveaux abonnés par jour. Cette application disponible sur smartphone, tablette, ordinateur et télé connectée, qui se substitue aux Box, est un agrégateur de flux qui offre à ses utilisateurs un contenu clair, accessible, quand et où ils le souhaitent. Son succès est énorme. Comme quoi la télévision peut encore avoir du succès si elle parvient à s’adapter aux nouveaux besoins des consommateurs.
Cet article a été tiré du numéro 27 de la revue INfluencia : « Les jeunes : Génération Paradoxe ». cliquez sur la photo ci-dessous pour la consulter. Et pour vous y abonner, c’est par ici.