INfluencia : deux grandes annonces ont été faites, mercredi 25 mars 2025, lors de la Matinée du SNPTV : l’arrivée des régies de trois plateformes, le 1er avril, et une nouvelle identité, l’Alliance des Médias TV & Vidéo (ADMTV). Que signifie sur le fond ce passage d’un « syndicat » à une « alliance » ?
François Pellissier : elle marque l’entrée de nouveaux acteurs dans cette association – Amazon Ads, Disney+ et Netflix – et illustre un mouvement qui suit l’évolution des usages et des audiences. On voit aujourd’hui deux piliers forts que sont la consommation de vidéo premium long format, dans laquelle la télé linéaire reste puissante, et une mutation vers une consommation à la demande qui s’est accélérée ces dernières années, notamment sous l’effet des initiatives des broadcasters en 2024 autour de leurs plateformes (TF1+, M6+, france.tv, myCanal, RMC BFM Play…), qui s’ajoutent à l’offre linéaire. Les plateformes de streaming gratuites ou payantes sont sur le marché de la publicité. Le champ concurrentiel s’étant élargi, il nous a semblé assez naturel d’élargir le nombre d’adhérents. Nous avons sollicité les acteurs du streaming payant pour leur proposer de nous rejoindre afin de défendre des intérêts communs et partagés. Un certain nombre de critères ont été édictés et acceptés par tous, ce qui nous a permis d’intégrer ces trois nouveaux acteurs.
Le champ concurrentiel s’étant élargi, il nous a semblé assez naturel d’élargir le nombre d’adhérents et de solliciter les acteurs du streaming payant
IN : quels sont ces critères qui permettent d’entrer dans l’Alliance ?
F.P. : un premier critère consiste à être conventionné par l’Arcom et donc à faire partie des acteurs qui financent l’information et la création, ce qui est le cas de Disney+, Prime Video et Netflix. Tous les membres doivent aussi proposer une expérience publicitaire qui s’appuie sur des contenus longs et premium, diffusés dans un environnement sécurisé, réglementé, protecteur des publics et des marques. Nous partageons la volonté d’avoir une mesure transparente, certifiée par un tiers et qui sera mesurée de manière homogène dans la mesure cross vidéo et cross médias. Nous nous engageons également tous à continuer à lutter contre les asymétries avec les plateformes d’hébergement qui ne financent pas la création. Le combat pour la promotion à la télévision est donc partagé et sera soutenu par l’ensemble de l’Alliance pour pouvoir continuer à financer la création, une information vérifiée et contribuer au financement du secteur.
IN : avec des plateformes SVOD d’origine américaine dans la maison, ne sera-t-il pas plus compliqué de se défendre contre l’hégémonie des Gafa sur le marché publicitaire ?
F.P. : en adhérant à l’Alliance, elles ont accepté de s’engager et de soutenir ces combats.
IN : YouTube, qui fait partie du Comité Cross Médias Vidéo de Médiamétrie, n’est pas dans l’Alliance. Le dialogue est-il au point mort avec cette plateforme qui avait prétendu être « la première chaîne de télé », ce contre quoi le SNPTV comme Médiamétrie s’étaient élevés ?
F.P. : l’Alliance n’est pas dans une démarche contre YouTube, ni contre d’autres plateformes qui opèrent sur le marché de la publicité vidéo. Simplement, ces acteurs ne proposent pas le même produit que nos membres, n’en ont ni les mêmes attributs ni les mêmes caractéristiques.
Avec la promotion à la télé, il reste un bout de secteur toujours interdit. Nous nous battrons jusqu’au bout pour l’obtenir.
IN : le combat en faveur de la promotion pour la distribution à la télé – portée depuis de nombreuses années par le SNPTV – est-il toujours autant d’actualité alors qu’elle est autorisée sur les plateformes BVOD, dont l’audience est désormais significative ?
F.P. : cela reste un vrai sujet pour nous. Il est possible de faire de la promotion pour la distribution sur toutes les plateformes de streaming mais ce que nous défendons, c’est la télé linéaire. Depuis trois ans, nous avons réussi à faire évoluer la réglementation sur plusieurs secteurs interdits comme le cinéma ou de l’édition littéraire qui est encore en test… Il reste un bout de secteur toujours interdit et nous nous battrons jusqu’au bout pour l’obtenir. Cette asymétrie ne profite qu’aux Gafa. Si je résume de manière un peu radicale, c’est aujourd’hui Google et Facebook qui profitent de l’interdiction de la promotion à la télévision, surtout dans un contexte d’arrêt des prospectus et de toutes les communications liées à la promotion dans un contexte d’inflation. C’est extrêmement négatif pour l’écosystème audiovisuel et même pour l’écosystème dans son ensemble car plus de chiffre d’affaires amènerait plus de création.
IN : quels seront les autres chantiers de l’Alliance ?
F.P. : nous avons deux enjeux majeurs. L’un se situe autour du volet études et efficacité, qu’il s’agisse des études d’audience autour des travaux menés avec Médiamétrie dans le cadre du Comité Cross Médias, des études sur le ROI de la télévision et des plateformes produites avec Ekimetrics, des sujets sur l’attention, très liés à la qualité de la diffusion de la publicité dans des contenus premium… L’autre enjeu se situe sur le volet réglementaire car il subsiste encore beaucoup d’asymétries. Certains aspects ne concerneront que le linéaire et d’autres l’ensemble des univers. Ces sujets recoupent évidemment les secteurs interdits, mais aussi les plafonds de durée publicitaire et les conditions de diffusion, la protection des publics, la charte alimentaire, le contrôle de l’ARPP…
Les solutions publicitaires de la télé sont extrêmement pertinentes et permettre aux annonceurs de couvrir l’intégralité du parcours client
IN : le paysage audiovisuel est très challengé mais aussi extrêmement dynamique avec, l’an dernier, des investissements majeurs sur la BVOD. Dans quelle mesure cette vivacité permet-elle d’envisager un avenir qui peut paraître assez incertain sur le marché publicitaire ?
F.P. : nous sommes convaincus de la force de nos marques et de l’offre de contenus que nous proposons, que ce soit en information, en divertissement au sens large, avec le sport… La télévision linéaire est encore extrêmement puissante. Il y a toujours autant de gens qui regardent la télé, voire un peu plus, mais ils la regardent un peu moins longtemps qu’avant car ils ont d’autres manières de consommer les contenus, notamment sur le digital. On entend toujours dire que les jeunes ne regardent plus la télé alors que 93 % des 15-34 ans la regardent toutes les semaines. Simplement, ils regardent la télé différemment. Chaque mois, 50 millions de Français vont sur des plateformes de streaming gratuit. Nous sommes donc convaincus d’avoir énormément d’atouts, du fait de la grande qualité de la production de contenus en France mais aussi dans le paysage publicitaire car nous avons adapté les offres. A côté de la puissance de la télé qui offre toujours des couvertures très fortes, par exemple sur les campagnes de branding, nous proposons du ciblage avec de la data sur nos plateformes de streaming. Ce sont des solutions publicitaires extrêmement pertinentes pour permettre aux annonceurs de couvrir l’intégralité du parcours client.
En savoir plus
L’Alliance des Médias TV & Vidéo compte 11 adhérents. Trois nouveaux membres, Amazon Ads, Disney + et Netflix, qui ont rejoint les régies membres existantes que sont TF1 Pub, France TV Publicité, M6 Publicité, Canal+ Brand Solutions, RMC BFM Ads, beIN Régie, Amaury Média et Paramount.