Pour sa première campagne de marque depuis 2009, Citroën s’inspire du rapport intime quotidien entre le conducteur lambda et sa voiture. L’approche a le mérite de se démarquer de ses concurrents et de produire de spots réussis, mais elle manque de courage marketing et de valeurs philosophiques sur le rôle du quatre roues dans nos sociétés.
Pendant qu’Anne Hidalgo provoque à Paris un débat ethnocentré émulateur d’égoïsmes pragmatiques, le marché automobile français augmentait de 23% au printemps dernier. Erigé à juste titre comme ennemi pollueur par les environnementalistes quand il marche à l’essence, le quatre roues reste un partenaire incontournable de notre quotidien. Nous ne sommes pas prêts à renoncer à notre caisse, que ce soit par facilité coupable d’irresponsabilité écologique, par nécessité justifiable ou par habitude confortable tellement ancrée dans les comportements de mobilité. C’est sur ce postulat de société encore trop manichéen que Citroën, accompagné par Les Gaulois, a construit sa première campagne de marque depuis 2009, lancée en octobre.
Fruit des résultats de l’étude exclusive, « Nos vies en voiture », menée par le constructeur français sur les usages et habitudes automobiles dans 7 pays d’Europe et publiée le 28 septembre dernier, la campagne « Citroën Inspired By You » met en images tout ce que conducteurs et passagers peuvent vivre en voiture. Le dispositif se compose d’un film principal et de plusieurs formats courts qui « valorisent les réponses apportées par les véhicules, technologies et services de la marque pour toujours mieux profiter de la vie à bord », explique Citroën dans sa présentation.
Avec cette campagne réalisée par Les Gaulois, la marque aux chevrons se démarque de ses concurrents. Quand ceux-là s’évertuent avec esthétisme et pédagogie à mettre en valeur les nouveaux produits d’appel du conducteur millennial plus consciencieux de son empreinte carbone, Citroën prône un message différent, qui a le défaut moral d’engager sans s’engager : puisque comme le révèle l’étude, nous passons 4 ans et 1 mois en voiture dans notre vie, alors autant bien en profiter en choisissant de le faire en Citroën. Le film principal -un format long de 50 secondes- utilise une écriture humoristique et légère pour expliquer que oui, évidemment, les véhicules de Citroën permettent de tirer le meilleur parti de tout ce temps devenu trop précieux pour être totalement perdu.
Un opportunisme marketing réussi qui manque de valeurs profondes
Une série de films plus courts (6 de 15 à 20 secondes) promeut les technologies et services innovants, comme par exemple l’application mobile MyCitroën. Le film qui lui est dédié rappelle que puisqu’un conducteur lambda cherchera sa voiture 104 fois dans une vie, autant l’aider à la retrouver plus facilement. Présentée comme une « campagne, dans laquelle tout le monde peut se reconnaître », « Citroën Inspired By You » a été lancée simultanément en Belgique, Espagne, France, Italie et Portugal, avant une deuxième vague à partir de janvier 2017 avec d’autres pays européens ainsi que la Chine et l’Amérique Latine. Diffusé à partir du 13 octobre en TV pour quelques jours, le film principal est médiatisé sur Facebook et YouTube depuis le17 octobre. L’ensemble des contenus produits pour la campagne sont soutenus sur les réseaux sociaux jusqu’à fin octobre.
Pour discuter de cette campagne inspirée par monsieur-et-madame-tout-le-monde, INfluencia a interrogé le directeur marketing monde de Citroën, Arnaud Belloni. Son travail a le mérite de la différence dans l’approche de l’engagement quand celui de l’agence les Gaulois, qu’il a validé, celui de la réussite musicale et de la réalisation. Dommage que cela manque d’autres valeurs que celle de mettre en images -avec un opportunisme marketing qui est assumé- une réalité quotidienne de ses consommateurs. Mais le plus intéressant est la remarque d’une consommatrice lambda, lors d’une soirée, une discussion portant sur cette campagne : » Ah oui ! la campagne sur le temps passé dans une voiture ! Je l’ai adorée. Elle est vraiment drôle et je me suis mise à penser aux moments passés et ce que l’on faisait dans la nôtre. Le problème, c’est que je ne me souviens plus de quelle marque il s’agissait dans la pub… » Pour résumer, cette campagne va marcher, mais pas forcément avec le bon message…
INfluencia : la réalisation de l’étude a-t-elle été pensée spécifiquement en prévision de la campagne de marque ? Si oui, qu’elles ont été les implications et la stratégie de synergie ?
Arnaud Belloni : oui, d’autant que cette campagne a été décidée de manière assez tardive. Après avoir fixé le plan media pour 2016, il y a cette superbe idée qui est arrivée et je me suis dit, c’est le bon moment. Alors sans avoir le plus gros budget de pub automobile, notre stratégie a été organisée en trois temps. D’abord, en dévoilant les résultats de l’enquête, on initie la conversation sur Twitter et Facebook : les questions abordées par l’enquête sont posées sur les réseaux sociaux. Cette phase de teasing a duré 15 jours, jusqu’au lancement de la campagne en TV. La deuxième phase est organisée avec l’objectif de saturer l’espace prime time le temps d’un week-end. En France, on y ajoute même deux formats courts qui mettent en scène les réponses que les véhicules, technologies et services Citroën apportent pour toujours mieux profiter de la vie à bord. Enfin, pendant 15 jours on booste l’ensemble des films sur YouTube et Facebook, avec un format Canvas, en deux versions. C’est un format qui nous a porté chance depuis que nous l’avons inauguré sur Facebook en France pour E-MEHARI. De cette manière, on cible à la fois la clientèle actuelle, avec la campagne TV, et celle utilisatrice des réseaux sociaux.
IN : le message propose une vision épicurienne de l’expérience en voiture, qui représente une partie importante de notre vie. Il faudrait donc qu’on profite de ces moments là, qui seraient presque immuables selon le spot. Ce message se diffère de ceux de vos concurrents, qui n’ont pas pris ce créneau-là. Etait-ce le seul message possible eu égard aux produits et services que Citroën met en avant dans ses voitures ?
A.B. : le film est un hymne à la vie effectivement, et Citroën tient un discours simple et vrai : il ne s’agit pas de vendre du rêve, avec une voiture qui vole, mais au contraire inspirée par cette réalité. C’est précisément parce qu’avant d’imaginer des voitures, il faut comprendre ce que les gens y vivent, que Citroën a lancé cette étude. La campagne apporte la preuve que cette marque inscrite dans le cœur des Français, reconnue pour l’expérience de confort qu’elle propose à ses clients, s’inscrit complètement dans leurs attentes.
IN : estimez-vous que cette campagne est un risque et quelle est l’importance de sa réussite dans la stratégie commerciale de Citroën ?
A.B. : c’est le coup d’envoi d’une séquence de communication mondiale qui est lancée simultanément en Belgique, Espagne, France, Italie et Portugal, avant une deuxième vague à partir de janvier 2017 incluant d’autres pays européens ainsi que la Chine et l’Amérique Latine. Cette campagne institutionnelle illustre le renouveau de la marque, durant cette année de lancements particulièrement soutenus. C’est le bon moment pour mettre en lumière ce qu’est Citroën aujourd’hui : une marque populaire, au sens noble du terme, car proche de ses clients. Une marque inspirée par eux et au service de leurs envies.