INfluencia : votre coup de cœur ?
Caroline Duret : comme je n’ai pas le droit de citer mes filles, je vous répondrai que mon dernier coup de cœur est pour la pièce « Passeport » d’Alexis Michalik. Je suis fan de Michalik : « Le porteur d’histoire », « Une histoire d’amour » … « Passeport » est la dernière que j’ai vue et, en plus, c’était avec mes filles avec qui j’ai partagé ces moments précieux. C’est un thème tellement d’actualité qui réunit le sujet de l’exil et des migrants à Calais et qui mêle la quête de l’identité, l’intégration et des migrations qui vont être de plus en plus massives pour des raisons géopolitiques ou écologiques. Et dans le contexte actuel sans précédent, je trouve que cette pièce résonne encore plus. J’ai vraiment beaucoup aimé, d’autant plus qu’il n’y a pas de pathos, mais beaucoup d’humour malgré tout sur un sujet aussi grave.
Je n’ai pas du tout aimé les cours d’histoire-géo quand j’étais plus jeune, alors je me rattrape aujourd’hui
Je n’ai pas du tout suivi/aimé les cours d’histoire-géo quand j’étais plus jeune, parce qu’on ne sait pas à l’école raconter les histoires et l’Histoire, alors je me rattrape aujourd’hui. Et je suis passionnée par les pièces, les livres, les séries, les reportages romancés historiques, les livres de Ken Follett (« Les piliers de la Terre », « Un monde sans fin », « Une colonne de feu ») ou ceux de José Rodrigues dos Santos (« La formule de Dieu », « L’ultime secret du Christ », « Immortel »…) ou les dystopies (« Vikings », « The crown », « Outlander », « The Handmaid’s Tale »…). En ce moment, je suis en train de terminer de regarder la passionnante et instructive série sur « Hitler et les nazis » sur Netflix.
Non, on ne met pas de fromage dans le gratin dauphinois. Qu’on se le dise…
IN. : et votre coup de colère ?
C.D. : je ne vais pas rentrer dans un débat politique en ce moment, ce n’est ni le lieu, ni le moment, dans cet endroit tellement calme, où le temps a l’air de s’être arrêté. Mais j’ai juste envie de dire que nous avons une chance incroyable de vivre dans des conditions ultra privilégiées quand certains se battent pour leurs droits, pour leur liberté, d’être des femmes aux mêmes droits qu’un homme, de ne pas avoir peur de sortir de chez soi… Nous avons la chance de ne pas être « encore » dans un pays en guerre ou sous dictature.
Alors mon coup de gueule sera beaucoup plus léger – d’ailleurs j’en ai deux – le premier est contre moi-même. Je n’ai aucune volonté de faire du sport, je n’aime pas ça, je ne cherche même pas à me trouver des prétextes comme le manque de temps. Je m’en veux terriblement ! Mon second coup de colère est identitaire, en tant que grenobloise : « non, on ne met pas de fromage dans le gratin dauphinois ». Qu’on se le dise (rires) ! Un jour je vous apprendrai la recette…
IN. : la personne qui vous a le plus marqué dans votre vie ?
C.D. : sur le plan personnel, c’est mon père. Je l’ai perdu quand j’avais 20 ans et je n’ai pas eu la chance de le connaître adulte, au moment où les relations sont les plus vraies. Comme beaucoup d’hommes de sa génération, il a passé beaucoup de temps à travailler et je ne l’ai pas beaucoup vu. Je pense que je n’ai pas su l’apprécier en tant qu’individu et père quand j’étais adolescente. Il incarnait l’autorité et moi l’insolence, donc il y avait peu de chance que l’on se rencontre. Il y a une phrase que j’aime beaucoup dans un poème de l’écrivain britannique Henri Scott Holland que j’ai lu lors de son enterrement et qui dit : « je ne suis pas loin, juste de l’autre côté du chemin ». Et je sais qu’il n’est pas loin. Il m’a apporté énormément et j’ai gardé de lui son caractère, son énergie, ses valeurs de respect et de générosité, sa force de travail, mais aussi sa fausse aisance dissimulée sous beaucoup de stress et teintée d’humour. On me dit souvent que je suis hyper à l’aise à l’oral, en fait je suis terrorisée tout le temps mais je le cache comme lui.
La négociation, c’est notre quotidien, dans la vie professionnelle comme dans la personnelle
À titre moins personnel, une personnalité m’a vraiment marquée. C’est une rencontre qui remonte à quelques jours, lors d’une conférence que nous avons organisée pour Capital à l’occasion de la remise des prix « Meilleurs employeurs 2024 ». Nous avons fait intervenir Laurent Combalbert. Waouh ! Quel homme ! Autant dans l’action que dans la psychologie. Ancien officier négociateur du raid, diplômé du FBI et reconnu comme faisant partie des meilleurs négociateurs du monde. Son parcours et sa personnalité sont tellement incroyables qu’il a inspiré la série « Ransom » sur Netflix. Il a une connaissance et une méthodologie de pointe pour analyser chaque profil, chaque situation. Il a écrit 33 livres ! Il m’a vraiment donné envie d’apprendre ses méthodes. Et je l’aurais écouté pendant des heures. La négociation, c’est notre quotidien, dans la vie professionnelle comme dans la personnelle.
Si vous voulez m’inviter à une soirée déguisée, je serais hyper partante, mais prévenez quand même les autres qu’ils viennent également déguisés
IN. : votre rêve d’enfant
C.D. : j’aurais voulu être actrice ! J’ai fait beaucoup de théâtre étant jeune et je ne saurais dire pourquoi j’ai arrêté vers 14/15 ans ou pourquoi je n’ai pas repris. J’adore l’idée de jouer un rôle. D’ailleurs j’ai toujours aimé me déguiser et incarner les personnes que je n’ai pas osé être dans la vraie vie. Donc, si vous voulez m’inviter à une soirée déguisée, je serais hyper partante, mais prévenez quand même les autres qu’ils viennent également déguisés (rires).
Je sais maintenant qu’il ne faut pas essayer à tout prix d’être comme les autres
IN. : votre plus grande réussite ? (pas professionnelle)
C.D. : c’est de m’assumer aujourd’hui à 47 ans mieux qu’à 25 ans. Quand j’ai compris et intégré la citation d’Oscar Wilde: « Soyez vous-même, les autres sont déjà pris », cela m’a enlevé un poids énorme. Vouloir imiter les gens à qui on voudrait ressembler, ce n’est pas naturel et cela ne marche pas. J’ai essayé d’être plus stricte, plus hautaine, de moins sourire parce que j’avais l’impression que quand on est trop cool, trop sympa, on ne vous respecte pas. Mais je n’y arrive pas, à un moment ou un autre, je vais rire. J’ai essayé plein de choses. Je me suis fait des coiffures plus strictes, j’ai même porté de fausses lunettes de vue et des tailleurs pour me donner un air plus sérieux et une apparence de dame (rires)…
Aujourd’hui j’assume de porter un jean et des baskets et de ne pas être à l’image de la femme que je m’imaginais être à 47 ans avec un attaché case et des escarpins ! Mon moi intérieur est beaucoup plus en accord avec l’image que je renvoie. La comparaison mène souvent à la critique, à l’orgueil ou encore à un dénigrement trop abusif de soi. Mon père m’a écrit un jour une lettre quand j’avais 15 ans, parce que je faisais un peu n’importe quoi et il me disait d’apprendre « à faire preuve de discernement ». Je ne l’ai vraiment compris que récemment. Je sais maintenant qu’il ne faut pas essayer à tout prix d’être comme les autres, mais plutôt de rechercher ce qui me rend unique, ce que je peux apporter à mon entourage pro et perso, à mon échelle, en respectant ma singularité.
J’ai une phobie administrative : impôts, inscriptions, même mes notes de frais… c’est une catastrophe
IN. : votre plus grand échec ?
C.D. : Je ne sais pas si cela se dit mais honnêtement je n’ai pas vraiment d’échecs à constater, et en tout cas, je n’ai pas le sentiment que ce sont des échecs. Je me suis trompée sur des gens, je me suis plantée pas plus tard qu’il y a quelques jours sur une prise de parole en public où j’ai été vraiment nulle (rires). J’ai dit des choses que je regrettais, je me suis emportée parfois, mais ce ne sont pas des échecs, ce sont des moments de vie.
En réfléchissant attentivement, j’ai peut-être deux traits de caractère à vous confier. Le premier va vous étonner. J’ai une phobie administrative : impôts, inscriptions, même mes notes de frais… c’est une catastrophe. J’ai heureusement la chance d’avoir un mari qui gère ça très bien. Idem pour l’organisation des vacances. On dit que ce sont les femmes qui s’en occupent, pas moi ! Et le deuxième est le fait que j’aime énormément de choses mais que je n’ai pas de réelle passion, je ne sais pas si je dois trouver ça triste ou pathétique !
Mais je n’ai pas vraiment de regrets importants, parce que je me rappelle souvent cette liste des « 5 regrets des personnes en fin de vie » de l’auteure australienne Bronnie Ware. Cette infirmière en soins palliatifs a posé cette délicate question aux patients qu’elle a accompagnés durant leurs dernières semaines. Et je me demande à chaque fois si ce sont des choses que je regretterais sur mon lit de mort. Selon elle, les cinq regrets les plus fréquents des personnes proches de la mort sont : « J’aurais aimé avoir eu le courage de vivre la vie que je voulais vraiment, fidèle à moi-même, pas celle que les autres attendaient de moi. » Ce n’est pas mon cas, je suis à ma place. Deuxième regret : « j’aurais aimé avoir travaillé moins dur. » Pour moi, le travail c’est la santé et je m’y éclate ! Troisième regret : « j’aurais aimé avoir eu le courage d’exprimer mes sentiments ». Pas moi, je n’ai pas de filtre ! Quatrièmement, « j’aurais aimé avoir gardé le contact avec mes amis ». Je pourrais clairement faire mieux mais je suis là pour eux et ils sont là pour moi. Et enfin, « j’aurais aimé m’être donné la permission d’être davantage heureux » : je me suis accordée ce qu’il fallait pour être heureuse et je le suis !
Le jour où j’ai raconté à ma fille que le Père Noël n’existait pas, je lui ai tout déballé : la petite souris, le lapin de Pâques
IN. : votre plus gros mensonge
C.D. : je l’ai fait à ma deuxième fille. Le jour où je lui ai raconté que le Père Noël n’existait pas, je lui ai tout déballé d’un coup : la petite souris, le lapin de Pâques… en pensant qu’avec le Père Noël elle avait tout compris, et là j’ai vu la déception dans ses yeux, devant ce qui était pour elle une vraie trahison : « Tu m’as menti sur tout ça ? »
IN. : qu’allez-vous faire après cette interview ?
C.D. : j’ai un peu honte de vous le dire mais allez, tant pis, je me lance : ce soir je vais aller danser en boîte au Divan du Monde avec des copines. J’adore cette boîte. Je suis fan – et incollable – des musiques des années 80-90. J’adore danser. C’est mon exutoire.
Florence Foresti ne sait pas encore qu’elle part avec moi
IN. : qui emmèneriez-vous sur une île déserte ?
C.D. : quitte à être coincée sur cette île, autant se marrer, alors j’emmènerais Florence Foresti avec moi. Non seulement elle est très drôle mais je la trouve géniale parce que j’ai l’impression qu’elle a mis une caméra dans ma vie. Nous avons à peu près le même âge et avons eu des enfants en même temps. Elle a raconté sa grossesse, ses enfants en bas âge, l’adolescence de sa fille. En fait elle met des mots, avec toute la liberté dont elle fait preuve, sur tout ce que je vis dans mon quotidien. Elle ne sait pas encore qu’elle part avec moi, mais quand elle lira cette interview elle va m’appeler : « Caro, vas-y, on part ensemble ». Et elle en fera peut-être un sketch (rires).
* l’Hôtel Littéraire Le Swann, situé au cœur du quartier historiquement proustien de la plaine Monceau et de Saint- Augustin, présente une collection d’œuvres originales sur l’écrivain ainsi que des pièces de haute couture, des photographies, des tableaux, des sculptures. Notre interviewé(e) pose à côté d’une sculpture de Pascale Loisel représentant bien sûr l’auteur d’ « À la recherche du temps perdu ».
En résumé
L‘actualité de Caroline Duret
–Prisma Media est le 1er éditeur bimédia en France, leader des groupes de presse en audience et sur les canaux numériques (sites et réseaux sociaux), confirmée par les derniers résultats ACPM One Next Global 2024 S1 avec 40 millions de Français touchés chaque mois.
– GEO célèbrera ses 35 ans cette année
– Femme Actuelle, 1ère marque sur le féminin fêtera ses 40 ans avec une nouvelle formule à la rentrée
– Capital s’est réinventé en avril 2024 pour maintenir sa position de leader dans l’économie accessible pour tous.