La marque de grande distribution fait peau neuve et devient Auchan.fr. Désormais sa relation commerciale passe par le cross canal et le digital. La vie reste son fief tout en incorporant les gens et leur diversité. Une refonte de marque et de stratégie matérialisée par une nouvelle campagne chorale signée DDB°Paris. Explications de Jean-Luc Bravi, son co-président.
Une mère célibataire qui part pour l’école à l’arrache, un enfant et son moniteur à fond dans leur cours de natation, un jeune père en galère avec la couche de son bébé, un couple qui s’explique au restaurant, une demande en mariage sous la pluie, une fête de jeunes, des amoureux fêtards et complices dans le petit matin… Vous, moi, lui, elle, nous -les gens- sommes au cœur des préoccupations d’Auchan. Normal pour celle qui a fait, depuis 30 ans, de la vie son claim patrimonial avec « La vie austère. La vie Auchan », « La vie, la vraie », « la vie Auchan, elle change la vie », ou encore sous la forme conjuguée : « Vivons mieux, vivons moins cher ». Même bizarre qu’elle n’en ait pas parlé plus tôt. Mais ça y est sous la houlette de DDB°Paris, l’enseigne de distribution se focalise à fond sur les hommes et les femmes forcément différents et dont il faut tenir compte, mais qui ont une chose en commun : profiter.
La vie, les gens : comme dans la bande annonce d’un long métrage
Si rien n’est idéalisé, il n’y a rien de morose non plus dans ce 45 secondes qui raconte pourtant les galères et les joies du quotidien. Et qui nous interpelle avec sa nouvelle signature : « Et vous la vie vous l’aimez comment ? ». Ca sonne comme la bande annonce d’un long métrage qui nous réserve d’autres séquences marquantes. Et ça nous parle gentiment ! D’autant que les images réalisées par David Gray et produites par Carnibird, défilent sur un remix de « Build me up butter cup » interprété par la jeune Olympe à la voix puissante et chaleureuse. Sous des dehors très sympathiques, très léchés voire très corporate, ce premier opus conçu comme une « comédie chorale », pourrait paraître un peu trop propre sur lui, consensuel. Mais c’est sans compter ses déclinaisons -comme le futur « Bien manger » pour mi-juin- qui sans cette base ne pourraient pas aller plus dans le détail, exploiter des minis situations décalées ou calendaires, des aspérités ou faire le focus avec davantage de subtilité sur des thématiques promotionnelles. Et qui devraient vraiment faire le boulot, en mode plus connivent, plus vivant, plus personnel, pour modifier la perception de la relation commerciale. « Il donne le ton d’une relation plus individuelle et ciblée », confirme Julia Nguyen, responsable clientèle chez DDB°Paris « l’objectif est évidemment de gagner des parts de marché mais aussi des parts de cœur. Avec le choix, le prix, la qualité et les courses optimisées qui comptent plus que jamais. Mais insuffisants si ils ne s’accompagnent pas de la possibilité de se faire plaisir au quotidien et de pouvoir contenter ses attentes aussi diverses soient-elles ».
Le cross canal et le digital au cœur du dispositif
Pour répondre à ce positionnement ambitieux tourné vers les besoins (améliorer le niveau de vie et simplifier la routine…), les envies (engagement sur le beau, le bon, l’inédit, le frais, le bio, le vrac, les services…) ou même les soucis (handicap, environnement, la garde des enfants, recharge de batterie…) le distributeur n’a pas hésité à revoir sa copie de fond en comble, associant au projet ses 57 000 collaborateurs promus « alliés du client » et donc impliqués dans la bonne marche de l’enseigne. Tout y est passé : de la plateforme de marque et de communication à la signature en passant par le logo plus arrondi (Carré Noir), la signalétique théâtralisée en magasin, l’identité sonore et même son intitulé qui se digitalise : Auchan.fr. Car l’autre objectif, bien sûr, est de passer d’une « marque magasin » que l’on fréquente à une « marque cross canal » que l’on préfère et qui s’inscrit dans son époque voire l’avenir. Elle dépasse résolument le statut d’hyper pour aller aussi vers le smartphone, le drive, la livraison à domicile, le site, les webstores en magasin, le paiement en ligne… Une stratégie encore plus possible depuis qu’Auchan et Système U ont décidé de faire alliance via laquelle la première se recentre sur les hyper et la seconde sur les supermarchés. Tout en leur permettant de s’appuyer sur une centrale d’achat en coentreprise et une gouvernance paritaire de leurs réseaux. Un dispositif qui les met en bonne position face à Carrefour et E. Leclerc mais encore soumis à l’approbation de l’Autorité de la Concurrence.
Le dispositif média est lui aussi revu avec des supports traditionnels gérés par Havas Média et digitaux et sociaux coordonnés par DDB°Paris. Au programme : le film de marque de 45’’ en TV, le 6 juin et au cinéma, le 10 juin. Puis des films thématiques et des preuves produits, le 17 juin. Tandis que #laviequejaime, une opération sur Twitter, invite les gens à s’exprimer selon des thèmes sur la façon dont ils profitent de la vie, en complément de l’animation de la communauté sur Facebook et du compte Instagram lancé le 28 mai. Un nouvel élan décrypté par Jean-Luc Bravi, co-président de DDB° Paris.
INfluencia : la guerre des prix a-t-elle encore un sens, malgré la crise ?
Jean Luc Bravi : le grand choix, les prix au plus juste c’est bien. Tous les clients (ou non) les associent à Auchan dont c’est le métier. Mais c’est encombrant. Car si c’est nécessaire ce n’est pas suffisant. L’offre d’une enseigne doit être capable de dépasser cela qui n’est pas une fin en soi mais un moyen pour vivre mieux ou faire d’autres choses. Son objectif est maintenant de délivrer du plaisir, des attentions, des services, de faciliter la vie, de respecter les différences.
INfluencia : la vie, bien sûr. Mais les gens aussi. Et une campagne chorale. A quelle demande répondez-vous ?
Jean-Luc Bravi : tout ce qu’on montre dans le film est vrai, il n’y a rien d’artificiel ou d’euphorique. Mais rien de déprimant non plus. Et on a utilisé un traité cinématographique type comédie romantique comme « Love Actually » plutôt que des éléments purement publicitaires, justement pour privilégier ces notions de diversité, de plaisir, tout en capitalisant à fond sur la vie, territoire d’expression historique d’Auchan. Une émotion qui nous permet de replacer l’homme et les femmes au cœur du propos et de les embarquer dans la préférence. Rien de mieux pour créer la différence avec la concurrence, car ainsi nous dépassons les critères attendus qu’une enseigne de distribution maîtrisent de toute façon comme les prix, la logistique ou les outils numériques.
INfluencia : une marque qui part sur l’empathie et la proximité. Pourquoi ?
Jean-Luc Bravi : plus on est dans le monde virtuel et les médias sociaux et moins on profite de l’existence même si on expérimente des événements ou des offres en live, en fait on ne les vit pas vraiment et une distance s’instaure. Le réel perd de sa valeur. C’est pourquoi, il est important et nécessaire de s’adresser aux gens, de leur parler, mais pas juste à travers les produits et leurs attributs ou avantages. Il faut être proche de leurs préoccupations et s’occuper d’eux concrètement. C’est ce qui recrée le lien et la préférence et donc le trafic.
INfluencia : la promesse est ambitieuse. Ne craignez vous pas un retour de bâton ?
Jean Luc Bravi : nous ne sommes pas vraiment inquiets. Auchan fonctionne ainsi tant en qualité de discounter, qu’avec l’interne qui est largement associé au projet avec comme leitmotiv : « c’est celui qui sait qui fait ». Mettant chacun à sa place et la relation au cœur des objectifs. C’est une campagne sur l’émotion mais très rationnelle, en lien avec le terrain.