Au détail près : les 35-50 ans, une cible « pivot » qui influence le marché et les tendances
Rarement étudiée, la cible des 35-50 ans apporte pourtant son lot d'enseignements sur sa capacité à absorber les mutations, à accepter la nouveauté et à vivre sa double vie sans se poser trop de questions. C'est ce que révèle la deuxième édition de l'étude Au détail près réalisée par Les Echos Le Parisien Médias / Paris Match Médias avec le cabinet George(s). Décryptage.
Ils représentent 13 millions d’individus, soit 19% de la population française dont 37% des actifs et 40% de cadres. Ils ont eu 20 ans en l’an 2000, soit au début fantasmé de « Nouvelles 30 glorieuses », avant que l’explosion de la bulle Internet n’ait lieu et que les tours jumelles du World Trade Center à New York ne chutent et changent la face d’un monde d’avant. Cette génération a connu par ailleurs une croissance de 3,9%, pour un déficit public de 1,5%. À l’époque, 14% seulement des Français disposent alors d’une connexion Internet. Google vient tout juste de naître (1998) tandis que l’Ipod fait son apparition en 2001.
Ils vivent par ailleurs des réformes majeures, telles que la semaine de 35 heures, le premier quinquennat de l’histoire de la Ve République avec la réélection de Jacques Chirac en 2002, tandis que le principe de précaution est lui inscrit dans la Constitution depuis 1995.
De fait, explique Pascale Luca, DGA, en charge du Marketing et du Business Planning, Les Echos Le Parisien Médias / Paris Match Médias, « nous avons choisi de nous intéresser à cette cible invisibilisée parce que c’est elle qui fait tourner l’économie, la société, c’est elle qui adopte les nouveaux usages dans tous les domaines, et qu’elle est le pivot grâce auquel, la société bouge aujourd’hui, sans oublier sa résilience ». « Des quadras, qui poursuit-elle, représentent plus d’un quart du lectorat du Parisien, qu’il nous semblait essentiel de regarder de plus près, afin de connaître leurs usages, leurs centres d’intérêts à tous points de vue, pour mieux les cerner ».
« On sait que cette génération est confrontée à une multiplicité de choix et d’enjeux. Elle est très présente dans nos pages et sur le site parce qu’on lui donne la parole. À la fois dans nos articles et aussi via des formats spécifiques sur le numérique par exemple. On montre toute cette diversité et on fédère. C’est un des rôles très important et précieux du Parisien », confirmeMélanie Monsaingeon, éditrice Le Parisien-Aujourd’hui en France.
Et de fait, comme le montre l’étude, cette formation des 35-50 ans, vit les évolutions et révolutions de manière fluide, en gérant à la fois leurs enfants, et leurs aînés, en introduisant naturellement leurs manières de vivre, en voyageant beaucoup. « Cette génération qui est bien plus mobile, plus adaptable que nous l’imaginions, plus finalement que celle des Boomers, ou de la Gen Z nous a semblé être intéressante à explorer », Dominique Levy, Fondatrice-Présidente, Cabinet George(s). « Car si cette quarantaine est le pic de la mobilité, de la parentalité, de l’activité professionnelle, de l’amitié, de la consommation, elle a aussi son pendant négatif, le manque de temps, la difficulté de prendre soin de soi, le trop plein », insiste Dominique Levy, « et il faut pouvoir la cerner au plus près, ne pas se tromper ».
« La moyenne d’âge sur Instagram est de 40 ans, des quadras qui expliquent leurs recettes, photographient leurs plats »
« C’est à la fois une tranche d’âge, pendant laquelle les changements et questionnements sont relativement intenses et une génération qui a directement connu dans sa vie d’adulte des bouleversements techniques, économiques et sociétaux profonds et rapides. A ce titre, ils portent en eux un certain nombre de contradictions », note Sébastien Genty, Président-Fondateur, Collectif du Planning Stratégique. En termes d’alimentation tout d’abord. Le temps des déjeuners du dimanche interminables, des repas académiques « entrée, plat, fromage ou dessert » ont été remplacés par la food, la dégustation, le partage atypique de mets nouveaux et exotiques, les sushis commandés à toute heure, la part de pizza consommée sur le pouce, pour autant, comme pour équilibrer ces changements, l’îlot central, -rassurant, rassembleur-, est devenu culte dans les cuisines. «Discuter, manger un plat thaï, souvent livré par Uber Eats, un carton de pizza, préparer un jus détox est une attitude très 35-50 ans », plaisante la Fondatrice-Présidente de George(s). «La moyenne d’âge sur Instagram est de 40 ans, des quadras qui expliquent leurs recettes, photographient leurs plats », rappelle Dominique Lévy. «Mais cette génération dont la maison est vivante, où la cuisine est centrale, où les ustensiles sont présents et visibles, relate-t-elle, n’en oublie pas pour autant d’organiser des rituels hérités de la génération des boomers, tels que le poulet du dimanche ».
Notre modèle familial reste calé sur celui qui est apparu dans les années 30 mais la logique affective a pris le pas sur la logique d’arrangement
Dans un autre domaine, la famille est passée d’un état figé dans le temps, à un concept évolutif, où le divorce est devenu monnaie courante, où les enfants demeurent au sein du foyer, tandis que leurs parents déménagent dans des studios, se relaient auprès d’eux, pour ne pas déstabiliser leur quotidien. Le Divorce avec un grand D lui est devenu une institution à tel point que beaucoup de femmes organisent des « divorce party », et que des professionnels conseillent celles et ceux qui veulent fêter leur « divorce réussi ». Ces ruptures ne sont plus des échecs mais des parcours de vie alternatifs. « Notre modèle familial reste calé sur celui qui est apparu dans les années 30 mais la logique affective a pris le pas sur la logique d’arrangement, analyse Pascale Luca, c’est-à-dire qu’à partir du moment où on s’est mis à fonder des familles par amour et non plus pour des raisons économiques, toutes les évolutions de la famille sont possibles ». Une femme va quitter son époux pour entamer une relation avec une femme, des hommes vont se marier (le mariage pour tous a été entériné en 2013) et faire des enfants, soit avec des mères porteuses, soit en les adoptant, soit avec des amies très proches, monnaie courante… En clair, cette « formation » réinvente sans détruire, transforme la sphère familiale, construit émotionnellement, se déforme et se transforme au gré des mouvements affectifs.
Ils ont également accepté le « parler vrai » qui s’impose désormais sur les sujets de l’intime. Les tabous s’effacent. Le storytelling familial est une nouvelle façon de dire qui on est. Une conception « décomplexée » de la liberté : réinventer sans détruire les fondamentaux mais en en gardant le « bon ». Choisir, ne pas subir… Tout comme la façon de travailler s’est elle aussi invitée dans nos imaginaires de vie, où les 35 heures, le télétravail né avec le covid, les RTT sont devenus des respirations, où voyager sur un coup de tête, prendre un avion en low cost permet aussi d’exister en tant que citoyen, et non plus « esclave » du travail.
Cependant, cela a été dit plus haut, cette génération est pleine de contradictions. Si les marques parviennent à bien capter les jeunes, les 35-50 ans sont bien moins faciles à capter car Ils sont influencés par la génération précédente, avec la volonté de rester jeunes face à la GenZ. Tout un programme.
Une cible… à embarquer avec une émotion humaine universelle
Alors comment faire pour hameçonner cette cible complexe ? « Pour s’adresser à l’immense diversité de réalités que recouvre les 35-49, on peut imaginer deux grandes approches : chercher du commun. Par exemple, en s’appuyant sur un insight ou un sentiment humain partagé par le plus grand nombre. En s’adressant à cette cible, en tant que tranche d’âge ou encore en célébrant la diversité des profils et rapports à la catégorie… À l’inverse, on peut chercher à s’ancrer fortement dans l’une des dimensions qui fait partie de son mode de vie, et travailler par affinité de valeur, c’est-à-dire hyperboliser, sur-signifier un point de vue singulier », précise Sébastien Genty, Président-Fondateur, Collectif du Planning Stratégique.