23 septembre 2024

Temps de lecture : 5 min

Pourquoi l’intelligence artificielle a toujours le mauvais rôle auprès des consommateurs ?

On arrête – on devrait ? – plus le progrès… Malgré les efforts acharnés des entreprises de la tech et des développeurs pour en faire la promotion, l’intelligence artificielle suscite toujours un certain scepticisme de la part des consommateurs. Pour explorer les raisons de ce désamour, tout en livrant quelques pistes de réflexions aux annonceurs bien décidés à nous « vendre » cette technologie, une équipe de chercheurs de l’Université de Washington a publié une longue enquête aux multiples pistes de réflexion.

Depuis l’avènement du Deep Learning au cours de la décennie 2010 et la naissance d’algorithmes capables de mimer les actions du cerveau humain, l’intelligence artificielle est passée d’un simple ressors narratif de sciences fiction à une composante intégrale de la technologie moderne, transformant au passage des pans entiers de notre société. Dans le but d’offrir des expériences client en temps réel encore plus sophistiquées, la grande majorité des entreprises se sont déjà tournées vers l’IA afin d’exploiter de grands volumes de données en temps réel dans le but de renforcer leurs efforts de personnalisation… mais les consommateurs dans tout ça ?

Comme nous le révélait les chiffres du rapport annuel sur l’état de la personnalisation publié l’année dernière par Twilio, une entreprise étasunienne spécialisée dans le cloud, plus de 9 entreprises sur 10 utilisent déjà l’IA pour stimuler leur croissance. Pourtant, et c’est là que ça coince, seuls 41 % des consommateurs acceptent que les entreprises utilisent l’IA pour personnaliser leurs expériences – 36 % en Europe –, et seulement 51 % des consommateurs font confiance aux marques pour protéger leurs données personnelles et les utiliser de manière responsable – 49 % en Europe –. Il faut accorder ses violons.

La confiance se perd plus vite qu’elle ne se gagne

Pour mieux expliquer les raisons de cette contradiction, une équipe de chercheurs de l’université de Washington a publié une étude conséquente dans le Journal of Hospitality Marketing & Management pour tenter de comprendre pourquoi l’inclusion du terme « intelligence artificielle » dans les descriptions de produits affecte autant la confiance émotionnelle des consommateurs mais surtout leur intention d’achat. 

Loin d’être anodine, cette enquête révèle les défis importants auxquels sont confrontés les spécialistes du marketing et de la communication d’aujourd’hui, à qui l’on demande de vendre les capacités technologiques des produits qu’ils défendent sans pour autant s’aliéner la majorité de leur clientèle. L’équipe aux commandes de ces travaux propose donc quelques conclusions sur la relation entre la perception du risque, la confiance émotionnelle et la décision d’achat, en particulier lorsqu’il s’agit de produits qui intègrent l’IA.

À cette fin, les chercheurs ont mené plusieurs expériences avec plus de 1 000 adultes aux États-Unis, en présentant des descriptions de produits et de services dans différents contextes. La seule variable qui a changé entre les groupes était la mention ou non de l’IA. S’il peut être tentant d’utiliser des termes tels que « intelligence artificielle » pour présenter un produit comme avancé, l’étude montre que cette stratégie peut être contre-productive si elle n’est pas utilisée correctement. Comme le révèle Dogan Gursoy, l’un des auteurs émérites de l’étude : « Nous avons examiné des aspirateurs, des téléviseurs, des services aux consommateurs, des services de santé », bref, n’importe quel produit ou solution susceptible d’être alimenté par une IA, et « dans tous les cas de figure, l’intention d’acheter ou d’utiliser le produit ou le service était nettement plus faible lorsque l’IA était mentionnée dans la description du produit ».

Qu’est ce que c’est que ce charabia ?

Pour expliquer ce phénomène, l’étude souligne que l’intelligence artificielle est encore une technologie relativement nouvelle pour de nombreux consommateurs. Bien qu’elle ait été largement adoptée dans des secteurs tels que la santé, l’automobile et le commerce en ligne, le concept d’intelligence artificielle peut sembler abstrait, voire intimidant, pour de nombreux utilisateurs. Ce manque de compréhension du fonctionnement de l’IA peut susciter de l’anxiété, ce qui a une incidence négative sur la décision d’achat. Toujours selon M. Gursoy, le manque de connaissances et de compréhension du fonctionnement interne de l’IA oblige les consommateurs à se rabattre sur la confiance émotionnelle et à porter leurs propres jugements subjectifs sur la technologie.

« L’une des raisons pour lesquelles les gens ne sont pas prêts à utiliser des appareils ou des technologies d’IA est la peur de l’inconnu », explique-t-il. « Avant l’introduction de ChatGPT, peu de gens avaient une idée de l’IA, mais l’IA fonctionne en arrière-plan depuis des années et ce n’est pas nouveau ». En outre, de nombreux consommateurs associent l’IA à l’automatisation et à la perte de contrôle, ce qui accroît les craintes de défaillance technique ou d’atteinte à la vie privée.

Les perceptions négatives de l’IA sont particulièrement pertinentes pour les produits à haut risque. Par exemple, dans l’une des expériences menées au cours de l’étude, les chercheurs ont présenté aux participants des descriptions de smart TV. Un groupe a été informé que le téléviseur intégrait l’IA pour améliorer l’expérience de l’utilisateur mais pas le second. Vous devinerez facilement – si vous n’avez pas lu en diagonale jusqu’ici – lequel de ces deux groupes s’est plus facilement laissé convaincre.

Quelques pistes de réflexions pour reconquérir les consommateurs

L’enquête est implacable : les marques ont tout intérêt à faire preuve de prudence lorsqu’elles utilisent l’IA comme argument de vente et de mettre avant tout l’accent surtout sur les avantages tangibles inhérent à l’intelligence artificielle plutôt que sur la technologie en elle-même. Par exemple, au lieu de dire qu’un appareil médical est « alimenté par l’IA », les marques pourraient souligner comment l’appareil améliore la précision des diagnostics ou réduit le temps d’attente des résultats. Une formulation qui permet de remettre l’utilisateur au centre du jeu en pointant du doigt les problèmes concrets auquel il est confronté et que l’IA viendra résoudre.  

Ensuite, étant donné que la méfiance à l’égard de cette technologie découle en grande partie d’un manque de connaissances sur son fonctionnement, les entreprises peuvent s’attaquer à ce problème par le biais de campagnes de sensibilisation. Fournir des informations claires et accessibles sur la manière dont l’IA améliore l’expérience de l’utilisateur, sans porter atteinte à la vie privée ni compromettre la sécurité, contribuera forcément à réduire l’anxiété des consommateurs.

Dans cette optique, il faudra cependant éviter l’utilisation d’un jargon technique ou de descriptions trop complexes qui font souvent fuir les consommateurs peu familiarisés avec cette technologie. Par exemple, au lieu de détailler le fonctionnement de l’algorithme d’IA d’un produit, les entreprises pourraient expliquer comment le produit facilite la vie de l’utilisateur en automatisant des tâches ou en personnalisant l’expérience d’achat.

Pour finir, et là-dessus rien ne bouge, les chercheurs soulignent à quel point la « confiance émotionnelle » des consommateurs dans un produit donné est essentiel pour provoquer l’acte. Les marques peuvent tenter de la renforcer en humanisant davantage cette technologie dans leurs prises de parole, par exemple en relayant des témoignages de clients satisfaits pour mieux renforcer le lien émotionnel entre le consommateur et la marque.

À chaque public son discours

Si l’étude s’attaque aux défis auxquels les entreprises sont confrontées lorsqu’elles font la promotion de produits dotés d’IA, il existe également des exemples de marques qui ont utilisé avec succès cette technologie dans leurs stratégies de marketing. L’utilisation de l’IA par Amazon pour améliorer la personnalisation des recommandations de produits en est un bon exemple. Bien qu’Amazon ne mentionne pas toujours explicitement que ses recommandations sont basées sur l’IA, les utilisateurs apprécient la précision et la pertinence des suggestions, ce qui améliore l’expérience d’achat et accroît la fidélité des clients.

Les annonceurs parviendront peut-être à faire passer la pilule en adaptant leurs prises de parole en fonction du niveau d’acceptation de leur public cible de cet outil. Vous comprendrez aisément que les millennials et la génération Z sont plus enclins à accepter les produits qui utilisent l’IA, tandis que les générations plus âgées peuvent nécessiter une approche plus prudente et plus éducative. Doucement mais surement, ils feront de nous des technophiles convaincus…

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