16 novembre 2023

Temps de lecture : 3 min

Arte entraîne les gamers vers du « jeu vidéo d’auteur »

La chaîne culturelle franco-allemande déploie depuis dix ans une politique singulière sur le marché des jeux vidéo en s’appuyant sur un tissu de créateurs indépendants. Explications avec Adrien Larouzée, responsable des créations numériques, de l’édition et la coproduction des jeux vidéo chez Arte France.

(c) Antoine Chalubert

Au cinéma, les affiches des blockbusters cohabitent avec celles de films d’auteur plus confidentiels. Il en va de même dans jeu vidéo, observe Adrien Larouzée, responsable du pilotage des projets numériques d’Arte France, également en charge de l’édition et de la coproduction de l’activité jeux vidéo de la chaîne : « Par leur intention artistique et leur périmètre budgétaire, les jeux que nous éditons et coproduisons sont plus proches de l’artisanat que de l’industrie et des productions internationales basées sur les grandes licences, qui font beaucoup parler et vendre. Nous faisons du jeu vidéo d’auteur. » La ligne éditoriale consiste à aller chercher « des œuvres surprenantes et originales » par leur ton et les thématiques qu’elles abordent : « Nous avons le luxe d’être dans une logique d’offre et pas de demande. Nous cherchons à créer des expériences mémorables, émouvoir et susciter du débat entre les joueurs et avec leur entourage », ajoute-t-il.

Acteur du jeu vidéo indépendant

Ce sont leurs explorations sur les productions numériques qui ont permis aux équipes d’Arte France de rencontrer les talents qui ont progressivement amené la chaîne à se lancer dans l’édition de jeu vidéo. « Aujourd’hui, nous sommes bien identifiés comme un acteur de l’industrie du jeu vidéo indépendant, qui innove d’ailleurs davantage que le reste de l’industrie, mais nous ne sommes jamais dans une posture de commande. Les auteurs font évoluer notre ligne éditoriale et les studios nous challengent sur le type d’interactions qu’ils proposent », précise Adrien Larouzée. En dix ans, les 17 jeux soutenus par Arte ont été bien identifiés par le public puisqu’ils ont cumulé plus de 5 millions de téléchargements. Pourtant, le succès des jeux se mesure plutôt à l’aune de la rencontre avec le public et de l’accueil rencontré dans les festivals dédiés à cet univers. A ce jour, les jeux soutenus par Arte ont reporté plus de 100 prix, et pas des moindres. Inua : A Story in Ice and Time, épopée fantastique au cœur de la culture inuite sortie en 2022, a par exemple remporté huit prix à l’international, dont le prix de l’Impact culturel d’Apple et celui du meilleur scénario décerné lors des Google Play Best Of 2022.

Des thématiques et mécaniques de jeu variées

Le foisonnement des propositions de jeux reflète fait écho à la palette de l’offre de la chaîne culturelle. Sa première incursion dans le jeu vidéo date de 2013 avec Type:Rider, un jeu de plates-formes et de réflexion sur l’univers de la typographie. Rien à voir avec Enterre-moi, Mon Amour, sorti en 2017, une fiction interactive qui accompagne le périple d’une jeune migrante syrienne vers l’Europe, en suivant le fil de sa messagerie instantanée. Ni avec le puzzle game narratif How to Say Goodbye, inspiré des livres illustrés et qui raconte les aventures d’une bande de fantômes tout juste décédés. Quant au jeu d’aventure To Hell With the Ugly, adapté du roman Et on tuera tous les affreux de Boris Vian. En proposant aux gamers d’incarner Rock Bailey, bellâtre kidnappé à la sortie d’un club de jazz, qui veut faire la lumière sur son enlèvement, le jeu leur offre aussi l’opportunité de découvrir l’univers de cet auteur.

Les nouveautés à venir s’inscrivent dans cette même veine. En 2024, 30 Birds transportera les joueurs dans une aventure narrative inspirée des miniatures persanes et le jeu d’exploration The Merlies, mettra en scène un peuple de petites créatures bricoleuses au sein d’un univers hostile. Il faudra en revanche attendre jusqu’en 2025 pour se frotter au jeu Gloomy Eyes, qui prolonge la fiction en réalité virtuelle du même nom sortie en 2020, qui racontait l’histoire d’amour entre un enfant zombie et une petite fille dans une ville privée de soleil.

Hyper-distribution

L’offre de jeu vidéo d’Arte se veut accessible au plus grand nombre, d’autant que ce loisir est aujourd’hui pratiqué occasionnellement par 70 % des Français et régulièrement par 54 % d’entre eux (étude SELL/Médiamétrie de 2023 sur Les Français et le jeu vidéo). En tant que proposition de service public, les jeux sont systématiquement accompagnés d’une offre gratuite, ce qui n’est d’ailleurs pas une mince affaire. « Il est plus difficile de distribuer un jeu vidéo gratuit qu’un jeu payant que les joueurs peuvent trouver dans les magasins qu’ils ont l’habitude de fréquenter », note Adrien Larouzée. Proposés sur les différentes plateformes, l’offre est aussi compatible avec le téléphone portable depuis le milieu des années 2010.

De nouveaux enjeux se profilent pour cette activité, essentiellement portée à date par Arte France. « Alors qu’Arte s’européanise, nous avons essentiellement travaillé avec des studios français, mais nous avons désormais des projets avec des studios belges et allemands, poursuit-il. Nous devons aussi être proactifs sur la part des femmes représentées dans le cœur de nos propositions éditoriales et dans les équipes. Comme dans le reste de l’industrie, nos projets ne sont pas assez féminisés. » Un enjeu de taille d’autant que le jeu vidéo est désormais presque paritaire avec 48 % de femmes dans les joueurs occasionnels et 47 % parmi les joueurs réguliers.

 

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