Collectionneurs en herbe ou avérés, intéressés ou passionnés, ouvrez vos écoutilles : Arteïa, une art tech, débarque sur la Toile pour disrupter un marché de l’art encore trop enfermé dans des carcans de gestion et de transaction obsolètes. Rencontre avec Philippe Gellman, un de ses 5 fondateurs, et CEO.
A mi-chemin entre start-up tech et spécialiste du monde des collectionneurs d’art, Arteïa est une solution de catalogage digital permettant de gérer en temps réel les collections d’art de tout type. Indépendante dans son secteur, la jeune pousse se présente comme un nouveau mode de distribution et de partage mêlant la force de la blockchain et des IA à la connaissance des enjeux du marché de l’art et des problématiques des collectionneurs, garantissant l’inviolabilité et la confidentialité totale des données privées tout en assurant des fonctions de partage essentielles à la circulation des oeuvres et leur pérennité.
Blockchain Live, Frieze London, Art Market Day : la plateforme investit les événements majeurs du marché et fait parler d’elle. Entrepreneur dans l’âme et fou d’art, Philippe Gellman nous en dit plus sur l’aspect innovant de son produit.
IN : comment le projet entrepreneurial de cette art tech de passionnés est-il né ?
Philippe Gellman : je ne suis pas un serial entrepreneur mais j’ai déjà un certain nombre de projets au compteur. J’ai commencé en 1997 en ouvrant le premier cabinet de courtier en France, Bourse Directe, que j’ai, par la suite, cédé en 2004. Par le biais de différents projets managériaux ou entrepreneuriaux, j’ai eu l’occasion de travailler avec une SSII polonaise de gestion des collections de musées, dont le dirigeant Marek Zabicki est aujourd’hui mon associé. Avec nos deux parcours orientés vers l’art et la culture, l’idée d’une start-up orientée vers les collectionneurs d’art, a germé.
À titre personnel de collectionneur d’art contemporain, force était de constater qu’il n’y avait alors rien de satisfaisant sur le marché. Nous avons alors missionné trois développeurs pour travailler près de 10 mois sur une présentation fonctionnelle du projet qui m’a permis de chercher des investisseurs.
IN : par qui et comment vous êtes vous entouré pour mener à bien le projet ?
P.G. : en août 2016, un an après l’éclosion de l’idée, les familles Taittinger et Marian ont investi dans Arteïa. D’autres familles de collectionneurs se sont par la suite agrégées en apportant à la fois financement, savoir faire et exigence. Notre claim réside dans le fonctionnement suivant : une plateforme par et pour les collectionneurs. Ces collectionneurs ambassadeurs sont donc partie intégrante du développement de la plateforme.
Côté technique, nos trois développeurs sont toujours la colonne vertébrale du projet à Cracovie sous la direction de Marek Zabicki. Une sorte de filiale dédiée au développement de la plateforme. On y compte une vingtaine de développeurs, ingénieurs UX designers, et autres profils atypiques experts en IA. Le reste de l’équipe se répartit entre Paris, Londres, Bruxelles.
IN : parlons peu parlons sécurité, pilier fondateur de votre plateforme. Comment avez-vous intégré la blockchain et en quoi cet aspect est-il fondamental pour Arteïa ?
P.G. : du fait de la diversité des profils de collectionneurs que nous représentons, nous avons un système avec des exigences parfois très différentes : certains s’attachent plus aux fonctions d’indépendance ou encore de partage, mais aussi et surtout de sécurité. Notre spécificité est que même la société n’a pas accès aux données des clients. Chaque collectionneur a donc sa propre base de données, avec un cryptage unique et une entrée à double identification, donc une architecture qui se trouve dès la conception très différente de ce que l’ont peut trouver ailleurs.
L’objectif de cette plateforme est à la fois d’apporter une solution d’archive et qui soit vivante : partage, échange, préparation pour les assurances, ou encore successions, Arteïa offre un tableau de bord complet qui se module au gré des envies de chacun. Nous sommes vraiment sur une gestion dynamique. Sur l’aspect blockchain, c’est évidemment un univers que nous regardons de très près mais qui implique d’autres fonctionnalités notamment la provenance, la traçabilité et la transparence : problématique majeure de l’art et de la valeur des oeuvres. On travaille donc sur les données officielles d’artistes pour les ancrer dans la blockchain et créer un catalogue digitalisé, raisonné, universel.
IN : la blockchain est-elle un moyen pour vous de drainer une nouvelle clientèle ?
P.G. : c’est surtout un moyen d’afficher une technologie innovante qui va apporter beaucoup au niveau du marché de l’art. Cela va donc probablement déclencher une confiance complémentaire importante sur les oeuvres identifiées. On travaille aussi à la signature numérique des oeuvres pour assurer un lien entre oeuvre physique et son ancrage dans la blockchain. Un point que nous aborderons d’ailleurs plus en détail au Art Market Day (conférence pour tous les décideurs et acteurs du marché de l’art, NDLR) le 5 novembre prochain.
IN : pouvez-vous nous en dire plus sur les objectifs d’Arteïa à moyen et long terme ?
P.G. : sans parler de chiffres, nous savons ce que l’on veut apporter au marché de l’art : de la liquidité, de la fluidité et de l’efficience, en se libérant des frais extrêmement élevés imposés aux transactions. C’est fou mais l’art est le seul marché où le digital n’a pas encore bouleversé les modes d’actions et transactions. 50% des ventes se font encore aux enchères.
Les nouvelles technologies de la blockchain et de la décentralisation permettront de mettre en relation des collectionneurs avec des commissions très raisonnables. L’ambition d’Arteïa est donc aussi de voir naître une market place mettant en relation des collectionneurs entre eux mais aussi avec des institutions. Le potentiel de transaction est énorme : achat d’oeuvres à partir de cryptomonnaie, mise en relation directe avec des artistes, dimension de partages modulables etc..
4 des 5 fondateurs, (de gauche à droite) : Hugues Taittinger, Olivier Marian, Marie Taittinger et Philippe Gellman © Aurélie Bayad