Parmi les speakers présents lors de la 3ème édition des Fubiz Talks, le duo d’architectes du Studio KO a tapé dans l’œil de la rédaction. Leurs maîtres mots : passion et collaboration. Plongeon au cœur de leur processus de création.
Jamais deux sans trois. Un dicton auquel Tetro, l’agence de mise en scène créative et Fubiz, le média qui lui donne voix en allant chercher le meilleur de la culture créative, n’ont pas dérogé en signant la 3ème édition des Fubiz Talks. Une journée effervescente de rencontres, d’échanges, de confrontations, de masterclass et de diversité artistique sous le signe de la créativité, qui s’est tenue le 4 octobre à la Salle Pleyel. Des mastodontes aux perles créatives balbutiantes, l’événement n’avait qu’une ambition, celle de donner la parole à des artistes aux démarches mais aussi aux horizons multiples : mode, architecture, photo, design, graphisme, musique, danse, communication. De quoi sortir de son petit monde et découvrir un champs des possible créatif sans limites.
Après une matinée de cinq masterclass où intervenants de tous bords ont parlé de leur domaine d’expertise dans un format réduit et interactif, place aux Talks. 10 speakers qui ont su se démarquer par leur caractère innovant dans leur secteur respectif, et qui ont eu chacun 30 minutes pour nous faire découvrir leur parcours et processus créatif. Parmi eux, un duo d’architectes a attiré notre attention.
Un duo uni par la passion de l’architecture
Ils s’appellent Karl Fournier et Olivier Marty, et forment ensemble le Studio KO. Une rencontre sur les bancs de l’école d’architecture des Beaux Arts de Paris, une passion vrombissante pour leur discipline et un sens de l’esthétisme qui match : les voilà unis pour dessiner ensemble les lignes de moult institutions et musées ou encore leurs somptueuses villas marocaines contemporaines au milieu de paysages désertiques. Pour nous transmettre le goût de leur métier et pour souligner l’importance de la collaboration dans tout milieu créatif, ces associés ont choisi de décomposer un de leur projet phare du brief à la concrétisation. Ce projet, c’est le Musée Yves Saint-Laurent à Marrakech, commandé par Pierre Bergé ce dernier aux deux artistes en 2016 et qui a ouvert ses portes voici tout juste un an. Décrochant dans la foulée reconnaissance et récompenses comme le prix du meilleur nouveau bâtiment public aux Design Awards 2018.
Construire pour l’amour
Dans ce travail à 4 mains, c’est la passion que l’on retient. « Pour nous, l’architecture c’est l’expression d’un désir, le désir de faire quelque chose pour quelqu’un, et c’est cette circulation du désir qui fait l’interêt du projet », explique Karl Fournier. Connaissant l’historique du couple Bergé-Saint Laurent et leur amour pour le Maroc et son patrimoine culturel, c’est sans hésiter que le duo a accepté de mener ce projet. Mais un travail à 4 mains, ça ne s’improvise pas. Avec chacun leurs inspirations et obsessions, ils commencent par étudier le lieu pour en sortir une première impression. Car ils se définissent comme architectes contextualistes : pour eux, le contexte historique du lieu, de l’environnement sur lequel ils fondent leur art compte et joue un rôle dans les décisions. « Il est selon nous très important de mettre en avant l’empirisme dans la conception de projets architecturaux », explique Olivier Marty.
Un travail créatif multi-étapes…
Tout commence alors par un échange de mails entre Pierre Bergé et les deux artistes, l’un posant des mots, et l’autre y associant l’image. Pour Olivier Marty, il y aura tout de suite une obsession du circulaire, qui marquera le projet et cette notion de « vide » que l’on retrouve dans la plupart des pièces du musée. Le client est alors tout de suite associé dans la genèse même du processus créatif et voit évoluer les idées du tandem en temps réel.
Une fois le premier croquis esquissé vient l’ « antithèse mélodique », une étape importante dans le processus de construction de l’imaginaire architectural d’un projet. Le principe : choisir deux images dont les textures s’opposent, pour qu’une troisième naisse de cette union et donne le La de l’ambiance choisie. Vient alors le travail de recherche, où foisonnent inspirations en tout genre venant alimenter les rêves et illustrer les idées. Une espèce de « moodboard » version architectes.
… et collaboratif
Et s’ils occupent le devant de la scène à deux, le Studio KO est aussi une équipe de plus de 20 personnes intervenant sur chacun des projets. « C’est une travail assez horizontal : tout est mis en commun et nous sommes très ouverts et réceptifs à l’apport de tous les collaborateurs », souligne Karl Fournier. « Les intuitions, les instants de réflexion, les idées sont partagés avec les équipes et cela part dans un malaxage, une confrontation de l’idée brute à toutes les contraintes qu’il faut prendre en compte : techniques, de sécurité etc », ajoute Olivier Marty. Et si le mot contrainte fait souvent mal aux oreilles, il semblerait qu’il ait tout de même l’avantage d’orienter et de donner un cadre. « On se rend compte que certaines contraintes permettent finalement d’améliorer le projet », poursuit-il.
De la maquette au musée
Une fois l’idée brute bien « malaxée » comme dit Olivier Marty, le première esquisse maquettée est présentée. « Une image, un objet et tout est dit. Les valeurs que l’on veut vendre au client doivent être contenues dans la maquette. Ici l’opacité et la pérennité », raconte Karl Fournier. Bingo, Pierre Bergé est conquis et le chantier commence. Après quoi, chaque détail, chaque meuble, escalier, couleur et centimètre de ce lieu doit coller aux valeurs vendues. Un équilibre important trouvé par l’équipe.
La diversité pour mieux régner
Terre cuite, béton, granito, des courbes et des cubes… dans ce musée des arts et de la culture berbères de 4000m2, dont le jardin attire plus de 700 000 visiteurs par an, on y retrouve bien évidemment l’œuvre d’Yves Saint Laurent mais aussi une bibliothèque comptant plus de 5000 ouvrages, un auditorium, un café restaurant, ou encore une librairie. « Notre mission prioritaire était de ne pas faire de ce musée un mausolée monocentré sur un seul sujet, à savoir l’oeuvre d’Yves Saint Laurent », conclut Karl Fournier. Pari réussi, le lieu plaît et, à l’image d’un studio d’architecture où règne multidisciplinarité, le musée s’avère multiformes et multi-usages.