Le postmodernisme est né à la fin des Trente Glorieuses, quand les publicitaires découvrant qu’ils n’avaient plus rien à dire des produits dont les annonceurs leur confiaient la destinée, se sont décidés à qualifier … les acheteurs de ces produits.
Avant, on achetait une DS pour le plaisir, voire ce que Barthes nommait « une gourmandise de la conduite » ! A partir des années 70, les cadres se ruèrent sur les BMW pour affirmer leur réussite sociale, comme le constatera Baudrillard : »Les objets […] ne « désignent » non plus le monde, mais l’être et le rang social de leur détenteur ».
Le modernisme – même si le terme ne sera guère utilisé que rétrospectivement – fut l’époque de ces annonces vantant un progrès très concret : celui du « Avec Génie, je ne fais plus bouillir », celui des premiers réfrigérateurs, des premiers hypermarchés regorgeant de produits quasi magiques.
Le postmodernisme, sera l’âge d’une consommation désabusé, où le progrès ne sert plus vraiment les individus, mais leur permet juste de se différencier les uns des autres : on n’achète plus un téléviseur Sony parce qu’offrant une meilleure image, mais simplement parce que c’est … le plus cher du marché !
Le postmodernisme, sera l’époque où tous les produits se ressemblent – Clio, Fiesta, Corsa, etc., comment les différencier – et où des consommateurs blasés se rassurent en payant plus cher, jusqu’à la caricature quand Séguéla déclare : « Si on n’a pas de Rolex à 50 ans, on a raté sa vie ».
Le postmodernisme aurait pu durer longtemps – aussi longtemps que les publicitaires verrouillaient la communication marchande : la puissance du média télévisuel les y aidait grandement … sauf que le jour où Patrick Le Lay déclarait vendre à Coca-Cola « du temps de cerveau humain disponible », le tonneau des Danaïdes s’était réellement mis à fuir de partout.
Comme l’annonçaient dès 1999 les rédacteurs du Cluetrain Manifesto, « les marchés sont des conversations » : à côté du vertic
alisme de la publicité médias, naissait une communication citoyenne, horizontale, entre pairs.
Et les gens se sont tranquillement mis à discuter des produits et des marques qu’ils achetaient, non plus en en termes de signes, mais de réels bénéfices – et cela tombait bien, depuis un quart de siècle que leur pouvoir d’achat s’érodait (les revenus salariaux n’ont pas progressé en France depuis 1980).
Dès lors, ils allaient distinguer les vrais progrès des faux … car bizarrement avec Internet, fixe ou mobile, notre société s’était remise à avancer : alors que les publicitaires s’évertuent toujours à parler de signes, les consommateurs parlent d’usages. Il semblerait même que certains retrouvent un certain plaisir à consommer – utilement, s’entend – comme ce fut le cas de leurs parents et grands parents dans la France de l’après guerre.
Retour vers le modernisme ?
François Laurent /
www.marketingisdead.net
Coprésident de l’Adetem Directeur de ConsumerInsight