L’idée d’un crédit publicité avait germé (en vain) au printemps, en plein plongeon des investissements publicitaires dans les médias. Anthony Ravau, président du groupe Heroiks, s’est donc associé à Arkéa Banque pour lancer LeCréditPub, un dispositif qui permet de lever des fonds pour communiquer maintenant et commencer à payer dans deux ans.
INfluencia : après une lettre ouverte à Bruno Le Maire, ministre de l’Economie et des Finances, et des réunions à Bercy, le « crédit publicité » prôné par Heroiks n’avait pas été retenu par les pouvoirs publics, pas plus que le crédit communication et d’autres dispositifs envisagés au printemps… Pourquoi avoir lancé LeCréditPub avec Arkéa Banque Entreprises et Institutionnels ?
Anthony Ravau : l’accueil de Bercy sur notre proposition de crédit publicité était assez favorable mais on nous avait prévenu que le plan de relance retiendrait plutôt des mesures de stimulation de l’offre que des dispositifs de relance de la demande. La consommation est peut-être considérée comme un vilain mot par certains, mais c’est une réalité et il va être compliqué de faire repartir l’économie sans relance de la consommation. Il faut notamment utiliser les plus de 100 milliards d’euros d’épargne engrangés par une partie des Français pendant le confinement. La publicité est un levier extrêmement puissant et assez instantané, qui permet de relancer l’activité des entreprises. Aujourd’hui, beaucoup d’entre elles hésitent à investir car elles recalculent leurs budgets semaine après semaine, avec une visibilité très limitée. Avec l’évolution des conditions sanitaires, il est difficile de se projeter de manière sereine et de savoir comment va se passer la fin de l’année… Et pourtant, il faut faire preuve d’agilité et d’audace et donner aux entreprises la possibilité de relancer rapidement leur activité. C’est dans ce cadre-là que LeCréditPub a été imaginé. On s’est dit qu’il fallait le faire vite et y aller ! Ce n’est pas une mesure sectorielle. Ce dispositif a été monté en deux mois, en plein été, parce qu’on est inquiet et qu’il fallait une initiative concrète pour passer à des choses positives, faire fonctionner les entreprises et se sortir de cette crise.
IN : comment avez-vous procédé ?
AR : on s’est rapproché d’une seule banque, Arkéa Banque Entreprises et Institutionnel, qui travaille aux côtés d’un spectre large de PME et ETI, et a joué le jeu. LeCréditPub doit leur permettre d’accéder à des montants compris entre 500 000 et 2 millions d’euros pour relancer de suite leur activité grâce à une publicité commerciale efficace, et de rembourser ces sommes seulement dans deux ans et pendant cinq ans. Pouvoir amortir la publicité est le fantasme de tout directeur financier. C’est aujourd’hui faisable avec Arkéa, qui gère les demandes. On n’a pas besoin d’être client de Heroiks pour en bénéficier. N’importe quel annonceur, qu’il travaille avec une agence ou pas, peut en profiter dès lors qu’il respecte les conditions définies par la banque. Le crédit publicité ne diffère en rien le règlement des honoraires dus à la filière de la communication.
IN : le dispositif s’étale sur 7 ans. Le temps long est-il un élément important de réassurance ?
AR : quand un annonceur fait une campagne de communication et peut engranger du chiffre d’affaires pendant deux ans sans devoir rembourser immédiatement, cela change profondément la donne ! On a deux ans pour remettre l’activité sur les rails. Il fallait que l’offre soit confortable pour les entreprises qui veulent y souscrire.
IN : quels objectifs vous êtes-vous donnés pour que ce dispositif soit un vrai levier ?
A.R. : si, grâce à ce crédit publicité, utilisable dès à présent et en 2021, des sociétés arrivent à relancer leur activité et obtiennent des résultats significatifs, on aura gagné. Je voudrais évidemment qu’on ait des dizaines ou une centaine de crédits octroyés. Arkéa nous a déjà fait remonter des demandes de la part du retail et de sites marchands qui peuvent trouver intéressant d’utiliser cette offre au lieu de lever de l’argent par ailleurs. On verra comment les entreprises vont s’en emparer…
IN : LeCréditPub, lancé par un groupe de communication indépendant, illustre-t-il en creux une forme d’impuissance de l’interprofession à convaincre les pouvoirs publics que la publicité n’est pas une dépense mais un investissement ?
A.R : ce n’est pas l’interprofession le problème. En France, on a un mauvais rapport à la publicité et au marketing. Les gens trouvent souvent qu’il y a trop de publicité dans les médias, mais s’il y a moins de publicité, il y aura moins de pluralisme. Avec la crise, les investissements publicitaires vont déjà se réduire de 2 ou 3 milliards. On n’explique pas assez que ce sont aussi des médias – souvent gratuits – qui vont disparaître. On entend dire que la publicité met en avant des produits nocifs pour l’environnement, mais la publicité est juste le messager. Interdisons plutôt ces produits, plutôt que de mettre toujours plus de restrictions à la publicité, notamment traditionnelle, qui est pourtant respectueuse du consommateur, quel que soit le média. L’interprofession et les organismes qui régulent la publicité font extrêmement bien leur travail. Il suffit d’ailleurs de voir ce qui se passe dans d’autres pays pour le constater.