21 mai 2018

Temps de lecture : 3 min

Les annonceurs se méfient de Facebook

Adidas aurait cessé d’acheter des publicités vidéos sur la plateforme californienne. A force de gonfler ses chiffres d’audience, le réseau social commence à susciter une certaine méfiance…

Adidas aurait cessé d’acheter des publicités vidéos sur la plateforme californienne. A force de gonfler ses chiffres d’audience, le réseau social commence à susciter une certaine méfiance…

Les mauvaises nouvelles se suivent et se ressemblent pour Facebook. Après le scandale de confidentialité lié à l’utilisation des données de plusieurs millions de ses utilisateurs par la société britannique Cambridge Analytica, la plateforme américaine commence aujourd’hui à voir certains de ses clients lui tourner le dos. Selon Digiday qui a recueilli l’information auprès de trois agences différentes qui souhaitent garder l’anonymat, Adidas aurait décidé de suspendre l’achat de publicités vidéos sur Facebook.

La décision du géant californien d’augmenter de 35% ses tarifs publicitaires lors du dernier trimestre explique en partie cette décision. Mais l’équipementier sportif allemand s’interroge surtout sur l’efficacité de ce média pour promouvoir sa marque et ses produits. Près de 30% de l’argent englouti par Adidas sur Facebook seraient en effet dépensés en pure perte, selon un audit interne. Cette enquête montrerait notamment qu’à peine 22% des vidéos postées sur le réseau social seraient visionnées par les internautes.

Plus d’internautes que d’habitants…

Le géant américain aurait aussi pris la mauvaise habitude de gonfler ses chiffres d’audience. Un récent rapport du Bureau de la publicité vidéo (Video Advertising Bureau) a ainsi comparé les données publiées par Facebook au recensement officiel de la population américaine datant de 2016. La plateforme affirme ainsi toucher 1,9 million d’habitants de Chicago âgés de 18 à 34 ans alors que seulement 808 785 personnes entrent dans cette tranche d’âge, soit une différence de 135%. Ce chiffre atteint même 216% pour Dallas. Les données pour New York sont -un peu- plus proches de la réalité puisqu’elles n’ont été augmentées « que » de… 42%.

Une étude du Pivotal Research Group confirme l’optimiste démesuré du réseau social qui affirme pouvoir s’adresser à 41 millions d’Américains âgés de 18 à 24 alors que leur nombre atteint à peine 31 millions dans la réalité. Cette tromperie manifeste ne concerne pas seulement les Etats-Unis. En France, Facebook estime pouvoir toucher 7,3 millions d’internautes âgés de 18 à 24 alors que le dernier recensement avance un chiffre de 5,5 millions.

Un mea culpa tardif et parcellaire

Le groupe de la Silicon Valley commence aujourd’hui à reconnaître ses erreurs. Mais au lieu de tout déballer sur la table, ses dirigeants se contentent de révéler au compte-goutte leurs bévues. Entre les mois de septembre 2016 et mai 2017, la plateforme a notamment révélé dix erreurs dans ses mesures de calcul. Le nombre de likes postés sur des vidéos diffusées en direct ainsi que le temps passé sur des Instant Articles auraient notamment été « gonflés ». Le temps passé par les internautes à regarder des vidéos auraient, lui aussi, été artificiellement augmenté. Dans certains cas, la différence entre la durée réelle de visionnage et les estimations publiées par le groupe américain atteindrait… 80%.

Cette avalanche de chiffres pour le moins inquiétant commence aujourd’hui à faire réfléchir les annonceurs. Un récent rapport de CMO Council montre que 62% des experts en marketing pourraient réduire leurs dépenses sur Facebook et Google en raison des « métriques erronées » publiés par les plateformes. 24% des 233 experts interrogés ont déjà décidé de réduire leurs investissements sur le réseau social et le moteur de recherche.

Des pubs pas données

Même si le web touche aujourd’hui la majorité de la population mondiale, les publicités diffusées sur la Toile ne sont pas aussi bon marché que certains voudraient bien le penser. Pour une campagne moyenne, Le coût au mille (net base 15+) d’une campagne moyenne sur des formats standards Premium atteindrait ainsi 2,20 euros pour la télévision classique contre 7,20 sur YouTube et 12 euros sur l’Instream vidéo mobile de Facebook, selon des estimations de France Télévisions. Le grand public n’accorde, de surcroît, pas une grande confiance à ce qui est diffusé sur le web. 42% des Britanniques jugent ainsi que la télévision reste le média auquel ils font le plus confiance, selon une enquête d’inTV, loin devant les journaux (13%) et les réseaux sociaux (5%).

L’immense majorité des entreprises (70%) estiment également que la télé reste le média le plus efficace pour bâtir une griffe loin devant les réseaux sociaux (52%) et les sites de vidéos sur la Toile (46%), d’après une étude effectuée l’an dernier par l’Association of National Advertisers (ANA) auprès de 126 grandes sociétés. En réponse à ces recherches, P&G a déjà réduit l’an dernier ses dépenses publicitaires sur le numérique de 200 millions de dollars. Adidas semble suivre le même chemin. D’autres dominos pourraient bien tomber les uns après les autres dans les tous prochains mois…

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