CLIQUEZ SUR « PLAY » POUR ECOUTER CET ARTICLE :
Fin 2019, les designers de Fjord s’étaient montrés plutôt visionnaires dans leurs prédictions : leur cahier de tendance était en effet sous-titré “2020 : on efface tout et on recommence« . L’agence voyait en 2020 “une chance qu’on ne voit qu’une fois dans une vie pour ’innover dans les modèles économiques, les services et les produits, autour d’une nouvelle définition de la valeur”. Pour 2021, Mark Curtis et Martha Cotton, les deux auteurs du cahier de tendances, sont tout aussi ambitieux : “2021 va redéfinir le XXIe siècle” estiment-ils. Rien de moins.
“Les gens qui nous entourent, nos clients, leurs clients, nos employés, dans le monde entier nous disent tous que nous sommes aujourd’hui face à une occasion extraordinaire de réinventer comment nous vivons et ce que nous faisons” expliquait Mark Curtis lors de sa présentation au CES. “Que voulons-nous pour le XXIe siècle ? C’est une question d’exploration, de prototypage, d’expérimentation et d’apprentissage. Une nouvelle époque de pensée s’ouvre, et nous avons la possibilité de choisir maintenant ce à quoi nous voulons que le 21e siècle ressemble.” D’où le concept de “Mapping out new territory”, la “méta-trend” choisie pour incarner 2021 qui se décline ensuite dans sept tendances.
“Collective displacement”
L’année 2020 a été marquée par un “déplacement collectif” : géographique, avec un exode des villes vers les campagnes et une baisse des prix de l’immobilier dans les grandes capitales, mais également en termes d’activités, qui ont, pour beaucoup, basculé du monde physique vers le digital. Et ce, même pour les activités les plus inattendues, comme le marathon de Londres, qui a organisé une version virtuelle réunissant plus de 43 000 coureurs en octobre 2020.
Dans ce contexte, le défi pour les marques et les entreprises est de parvenir à s’adapter aux nouveaux comportements de leurs clients et prospects, tout en identifiant ce qui relève de simples ajustements ponctuels ou, à l’inverse, de transformations en profondeur des usages.
“Do it yourself innovation”
La pandémie et les multiples contraintes qu’elle a engendrées ont conduit les individus à faire preuve de créativité, chez eux et dans leur vie professionnelle. “Cela se traduit par une pression forte sur les organisations, pour qu’elles repensent leurs approches d’innovation, en offrant des outils plutôt que des solutions et en donnant aux gens les moyens de faire preuve de créativité dans leurs façons de vivre, travailler, jouer, apprendre ou acheter” explique Martha Cotton. Celle-ci ajoute que les stratégies d’innovations vont devoir évoluer, pour passer d’une vision centrée sur la technologie à une approche centrée sur les gens.
Concrètement, cela signifie que les entreprises devraient se tourner davantage vers la co-création, la participation et l’implication des utilisateurs, spectateurs ou clients, ainsi que vers la mise à disposition de contenus, plateformes et outils pour permettre à tout un chacun de faire preuve de créativité. Le rapport souligne par exemple que depuis mars 2020, le temps passé à visionner des tutoriels et autres vidéos “how-to” a augmenté de 65%, selon Google.
“Sweet teams are made of this”
“Travailler à la maison, c’est en fait vivre dans votre bureau. C’est un énorme changement” souligne Mark Curtis, expliquant que cette situation pose de nombreuses questions, que ce soit en termes d’implication des collaborateurs, d’éthique (quel niveau de contrôle les entreprises peuvent-elles avoir sur ce qu’il se passe chez leurs collaborateurs ?) ou de culture d’entreprise. Ces changements vont obliger les organisations à repenser l’expérience de leurs collaborateurs, mais aussi les liens qui les relient à leurs employés.
“Nous ne pensons pas que le bureau est mort, mais il devient de plus en plus un état d’esprit, porté par des technologies. Dans le futur, le “one-size-fits-all” ne fonctionnera plus.” Autrement dit, chaque entreprise devra définir sa propre expérience collaborateur, avec différents degrés de télétravail et de présence au bureau. Ces bouleversements dépassent le cadre des seuls employés de bureau, puisqu’ils ont également des répercussions sur les commerces et services qui sont liés aux zones d’affaires.
“Interaction Wanderlust”
“C’est un mouvement qui a débuté avant la pandémie, on le sait : nos écrans sont devenus des extensions de nous-mêmes. Mais au cours des dix derniers mois, nos écrans sont devenus à la fois des fenêtres sur le monde et des estrades” explique Martha Cotton, qui est la première étonnée de voir que ses enfants font désormais leurs lits chaque matin, maintenant qu’ils sont visibles de toute leur classe.
Le problème est qu’en ligne, tout finit par se ressembler. Les entreprises vont donc devoir imaginer des contenus et des modes d’interaction véritablement différents et différenciants, en (ré)injectant de l’enthousiasme, de la joie et du hasard dans les interactions virtuelles. Sur ce sujet, Martha Cotton cite notamment l’usage du jeu Animal Crossing par Joe Biden et Alexandria Ocasio-Cortez pour se connecter avec les électeurs.
“Liquid Infrastructure”
Le covid et les confinements ont mis à rude épreuve les chaînes logistiques des entreprises. Les habitudes d’achat des consommateurs ont évolué, leurs attentes aussi. Dans ce contexte, les distributeurs et les marques vont devoir repenser leur logistique, réorganiser leurs réseaux physiques, trouver de nouveaux partenaires et, surtout, se concentrer sur la satisfaction des clients dans les “derniers mètres”. Les supply chains ne devront plus seulement être efficaces, mais aussi être résilientes, flexibles et agiles…
Cette grande remise à plat est aussi l’occasion d’intégrer les logiques de durabilité au coeur des modèles économiques des entreprises, à l’image d’Ikea, qui ouvre des magasins dédiés à l’occasion ou de la chaîne américaine de meubles Pottery Barn, qui s’est associé avec The Renewal Workshop pour donner une seconde vie aux produits qui lui sont retournés. “D’ici à cinq ans, la durabilité sera le critère le plus important dans les décisions d’infrastructures,” prédit Mark Curtis.
“Empathie Challenge”
La pandémie a renforcé les inégalités existantes au sein de la société et en a créé de nouvelles, tandis que les mouvements comme Black Lives Matters ont remis sur le devant de la scène les sujets des inégalités raciales aux Etats-Unis. Dans ce contexte, les organisations sont naturellement tentées de montrer leur empathie. “Rester silencieux aujourd’hui est aussi un choix et une prise de position”, estime ainsi Martha Cotton.
Pourtant, dans un monde où les débats sont de plus en plus polarisés, les entreprises se doivent aussi d’agir avec prudence et d’accepter le fait qu’il est impossible d’être en empathie avec tout le monde. Au-delà des discours, elles doivent aussi apporter des preuves concrètes de cette empathie, par des actes. C’est là tout le “défi de l’empathie” qu’elles vont devoir relever.
“Rituals lost and found”
Enfin, la dernière tendance sur laquelle se sont penchés les designers de Fjord est celle des rituels. La crise sanitaire a perturbé nos routines et nos rituels, des plus importants (les mariages, les enterrements) aux plus quotidiens (prendre un café avec ses collègues, serrer ses amis et sa famille dans ses bras), non sans impact sur le moral et la santé mentale de chacun. Au même moment, de nouveaux rituels sont apparus et de nouvelles habitudes se sont installées : méditations, cours en ligne, visio-conférences avec ses amis et sa famille… Les applications de méditation ont par exemple connu un boom en 2020 : American Express a même intégré l’accès à l’une d’entre elles dans les avantages de ses cartes premium.
Pour les marques, cette période ouvre de nombreuses opportunités pour créer de nouvelles expériences et de nouvelles connexions émotionnelles, destinées à remplacer les rituels disparus. “C’est une manière d’apporter aux gens de l’espoir” conclut Mark Curtis.
Afin de découvrir le document complet cliquez ici