21 avril 2017

Temps de lecture : 4 min

Allons-nous devoir punir les robots ?

Un artiste et un architecte viennent de sortir une oeuvre qui met en scène la punition d'un robot. Baptisée " The Punishment ", ce type de projet devrait soulever des questions sur la mutation de cette machine bientôt intelligente...

Un artiste et un architecte viennent de sortir une oeuvre qui met en scène la punition d’un robot. Baptisée  » The Punishment « , ce type de projet devrait soulever des questions sur la mutation de cette machine bientôt intelligente…

Voilà le genre d’œuvre artistique qui peut faire couler de l’encre. Car au-delà d’une question, qui peut paraître incongrue, sur la relation homme-machine à l’orée d’un croisement entre la robotique et l’intelligence artificielle, certains dirons qu’il s’agit là d’agitations stupides. Pourtant même si le robot n’est que robot, c’est-à-dire une machine sans intelligence et paramétrée par l’homme. Son évolution voire son hybridation avec l’intelligence artificielle va lui donner une nouvelle place dans notre société. Un nouveau statut juridique qui doit être légiféré dans l’intérêt de l’être humain. C’est la base de la réflexion de l’œuvre « The Punishment » pensée et installée par l’artiste Filipe Vilas-Boas et l’architecte Paul Coudamy.

Anticiper les craintes

L’installation soulève les peurs, légitimes, que la robotique engendre pour questionner la place de l’automatisation dans nos sociétés. Quel cadre physique, moral et juridique lui donner ? Quelle société post-travail construire ? Quelle école réinventer ? Et surtout quelle intelligence ? Car si on punit un robot, cela veut dire que le dit robot est une personne morale qui ne peut être que responsable de ses actes.

Cela peut relever aujourd’hui du fantasme mais il n’y a aucune opposition théorique de pouvoir interagir avec un robot doté d’une personnalité dans la décennie à venir. Le MIT s’est même penché sur le sujet en 2012 dans un ouvrage intitulé : « l’Ethique du robot-des implications sociales et éthiques de la robotique ». Car parler de punition pour un robot c’est admettre qu’il devient l’égal voire supérieur à l’homme. Ce qui est déjà le cas dans différents domaines comme la chirurgie, ou le robot devient autonome et meilleur que la main de l’homme. Dans l’art aussi où une intelligence artificielle, aidée d’un bras robotisé, a reproduit un  » Rembrandt  » fidèle à la toile du maître. Quant au jeu de go, qui peut se dérouler avec des milliers de combinaisons différentes, il est même devenu le territoire de prédilection de l’intelligence artificielle AlphaGo développée par Google.

Avec ces signaux faibles d’une intelligence artificielle qui évolue très vite et qui bientôt sera intégrée dans un robot, l’ensemble cornaquée par cette machine imparfaite qui s’appelle l’homme, l’évolution est en marche. Mais la question d’une future désobéissance d’un robot intelligent, qui fait référence aux lois de la robotique d’Isaac Asimov, est à la croisée des chemins entre performance artistique et future réflexion sociétale. Précisions du pourquoi du comment par l’un des protagonistes de cette œuvre : Filipe Vilas-Boas.

INfluencia : l’action de punir un robot n’a-t-elle pas valeur d’échec pour son créateur ?

Filipe Vilas-Boas : en partie oui, c’est vrai. D’autant que la mise en scène, telle une humiliante punition scolaire n’est pas ce que l’on fait de mieux en matière de pédagogie. Et si on y ajoute de l’empathie, on pourrait d’ailleurs s’attendre à ce que la répétition de la phrase « I must not hurt humans » produise -in fine- l’effet inverse.

Ceci dit, d’un point de vue purement programmatique, le créateur, roboticien ou ingénieur au sens large cherche par essence à parfaire sa création, son algorithme. Et c’est justement par répétitions, itérations que la machine acquiert son intelligence dite artificielle.

IN : si un robot est accusé de désobéissance, c’est qu’il a une conscience. Un robot doit-il avoir une conscience ?

F. V-B. : on touche ici à la science-fiction, enfin pour l’instant. Les robots combinés à l’intelligence artificielle ont encore une bonne marge de progression pour que l’on puisse commencer à ouvrir des cabinets de psymechanalystes. Mais il faut y penser, c’est vrai, d’autant que leur vitesse de progression, nous le savons, est exponentielle : il faut se méfier. A ce sujet, j’observe d’un oeil tout aussi émerveillé que méfiant les dernières avancées en neurosciences. Nous sommes en train de cartographier notre matière grise comme les grands explorateurs ont cartographié la planète bleue, il y a de cela quelques siècles. Cet âge d’or est absolument passionnant, en plus d’être fort éclairant sur le fonctionnement de notre cerveau.

Mais les recherches transhumanistes les plus avancées nous incitent aussi à répondre différemment à la question de la conscience robotique. Ces dernières nous promettent de pouvoir télécharger notre cerveau sur un serveur et d’émuler notre esprit d’ici quelques années. Libérés de notre enveloppe corporelle, nous pourrions ainsi choisir à notre guise la forme de vie que l’on souhaite vivre : microscopique, volante, humanoïde pour les moins originaux, etc. Or, il s’agit là uniquement de préserver notre humanité et notre conscience. A ce stade, homme et robot ne font qu’un, et je présume que si on ne nous laisse pas le choix, on préfèrera toujours tenter de préserver un minimum d’humain.

Cela pose encore d’autres questions sur la durée, le nombre et les formes de vies (trans)humaines. Moins humaines ? C’est une des questions fondamentales soulevées par l’installation selon moi.

IN : les lois d’Asimov sont au nombre de trois. Pourrait-il en exister une quatrième ?

F.V-B. : c’est justement le titre d’une nouvelle écrite par Harry Harrisson en 1989. Sans raconter toute l’histoire, cette quatrième loi donne le droit aux robots de ne plus être de simples esclaves et donc de se reproduire comme les humains.

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