Baptisé Kyutai (sphère en japonais), ce laboratoire « à but non lucratif » est dédié à la recherche en source ouverte, avec l’ambition, par exemple, de créer son propre modèle de langage. Il compte également Eric Schmidt, ancien patron de Google, dans son trio de cofondateurs.
Iliad, maison mère de l’opérateur Free, et le transporteur maritime CMA CGM ont chacun contribué « à hauteur de 100 millions d’euros » au financement de Kyutai, ont indiqué MM. Niel et Saadé, en marge de cette conférence européenne sur l’IA organisée à Paris à Station F, plus grand incubateur de start-up au monde, créé par M. Niel.
« Avec Rodolphe (Saadé), on a envie que nos enfants utilisent des algorithmes, des choses créées, inventées ici, avec nos spécificités. Pour nous, c’est la chose la plus importante car on ne veut pas dépendre de choses qui ont été inventées différemment avec d’autres règles » extra-européennes, a déclaré M. Niel.
Alors que Kyutai est déjà doté de « près de 300 millions d’euros », ses cofondateurs ont invité « d’autres entités à les rejoindre pour financer sur le long terme les travaux de cette organisation à but non lucratif ».
L’équipe est constituée d’un groupe de chercheurs qui ont déjà travaillé pour les grands acteurs de la tech, comme Facebook, Google ou Apple.
Le Français Yann LeCun, directeur du laboratoire d’intelligence artificielle de Facebook, fait partie de son conseil scientifique, avec d’autres chercheurs internationaux.
Grands groupes mondiaux
Organisée par le groupe de M. Niel, cette conférence qui réunissait plusieurs dizaines d’entreprises du secteur a reçu le soutien du président français Emmanuel Macron, qui est intervenu par vidéo.
« En quelques années, nous sommes parvenus à créer plusieurs instituts de recherche interdisciplinaire, des chaires de recherche, à doubler le nombre de diplômés en IA et à augmenter de 500 le nombre de doctorants », s’est félicité le chef de l’Etat.
Le laboratoire annoncé s’ajoutera, en effet, aux centres de recherche en intelligence artificielle installés à Paris par de grands groupes mondiaux. En 2015, Facebook y a ouvert un grand centre sous l’impulsion de M. LeCun, expert IA de Meta et pionnier du « machine learning » qui a fondé l’IA moderne.
DeepMind, filiale de Google, et sa maison mère Alphabet ont eux aussi ouvert des centres de recherche dans la capitale française, de même que le japonais Fujitsu, le coréen Samsung et l’américain IBM.
Autres atouts, la France dispose d’une recherche mathématique de haut niveau et d’une grosse puissance de calcul. Son supercalculateur Jean Zay, qui a permis de créer le grand modèle de langage Bloom, doit recevoir de l’Etat 50 millions d’euros supplémentaires.
« L’Europe a toujours été riche en expertise en matière d’IA. Nous avons près de 4.000 start-up d’IA avec lesquelles nous travaillons en Europe et 400 d’entre elles sont en France. C’est un domaine qui se développe vraiment très rapidement », a salué par vidéo Jensen Huang, patron de Nvidia, géant américain des puces et cartes graphiques.
En revanche, les financements des start-up françaises sont encore très loin des moyens des « big tech » américaines, dont OpenAI, financée par Microsoft.
Hors le laboratoire Kyutai, qui n’est pas présenté comme une entreprise, Mistral, la start-up française la plus richement dotée, n’a levé que 105 millions d’euros, quand la championne allemande Aleph Alpha vient d’en lever 500 millions. Selon la presse anglo-saxonne, Mistral serait cependant en train de lever 400 millions d’euros, information que son patron Arthur Mensch s’est refusé à commenter vendredi.
Sujet en pointillé, le futur règlement européen sur l’IA qui pourrait imposer aux IA génératives un régime strict d’autorisation, ce qui inquiète les entreprises américaines et européennes. Le président Macron a de nouveau plaidé vendredi pour une approche libérale et favorable à l’innovation, « non punitive » pour les entreprises.