Comme l’indique le sous-titre de l’ouvrage**, le livre regorge d’insights terrain qui viennent illustrer, selon Serge Dumont, Vice Chairman Omnicom Group APAC, «la plus fascinante et importante transformation sociétale de notre époque».
Des relations inter-générationnelles conflictuelles
Si la génération 70 a osé penser différemment, les post 80 lèvent le ton, et les Post 90 osent vivre et agir en rupture avec la norme. Les post 70 sont plutôt traditionnels, discrets, méthodiques, économes, prévoyants, élevés dans le culte du travail et d’un l’Etat omniprésent, ils sont centrés sur la famille.
Les post 80, ces «status seekers», pour qui consommation égale capital social, sont dans l’expérimentation et existent au sein du groupe. Ils revendiquent un individualisme hybride, bousculent la hiérarchie, ont rêvé d’être «office worker» dans les entreprises privées étrangères, et ont introduit la notion de luxe personnel.
Les post 90, sont très en confiance et audacieux – la Chine est quand même un acteur global et un leader mondial – ils promeuvent leur propre mainstream, sont des agents du changement «on a mission to push the limits». Fiers de se faire entendre, ils propagent un véritable activisme social, enterrant le monologue pour la conversation.
Si internet a été un moyen d’information pour les post 70 et le confident des post 80, il est la caisse de résonnance des post 90.
Strawberry Generation VS Jelly Generation
Si les post 80 et 90 considèrent les post 70 comme de l’«histoire ancienne», tout préoccupés qu’ils sont par la reconnaissance et le plaisir immédiats (une chaine TV leur consacre un programme: «8090»), ils n’en demeurent pas moins d’éternels rivaux…
Surnommés «Petits empereurs» ou encore «Strawberry Generation» (« good looking but easily bruised »: « beaux mais fragiles »), les post 80 sont gâtés mais tiraillés car épiés, supervisés, comparés… au point de proclamer : «we’re always running, but we can’t escape» («nous courons sans cesse sans pouvoir nous échapper»).
Ils s’opposent aux post 90, affranchis et libres, la «Jelly Generation» (« colorful but lacking substance »: « pleine de vie mais superficielle ») réputée rebelle, qui re-définit les codes de la moralité, crée de nouvelles subcultures. Pour elle, la création vaut mieux que la consommation, le personnel et le politique ne font qu’un, et l’identité chinoise (« Chineseness ») est en constante évolution.
La liste est riche de ruptures et évolutions qui distinguent ces 3 générations. Elles constituent un puzzle complexe et mouvant aux effets multiples. Li Ning par exemple (marque chinoise de chaussures de sport), a lancé sa campagne «Make the Change» qui a séduit les post 90’s mais s’est mise à dos les post 80’s qui ne se sont pas reconnus dans ce « dare to do » mantra: elle est revenue à un message trans-générationnel.
Le «white collar office worker» post 80’s de son côté, stressé et confronté au plafond de verre, donne de plus en plus de priorité à la stabilité, la qualité de vie et la mobilité. La conséquence: un retour vers les sociétés chinoises et le secteur public, révélant aussi un schéma migratoire inversé avec le départ des grandes villes. Autre phénomène: l’explosion des «City Jade Men» ou metrosexuels, qui se doivent d’être au top de leur séduction, poussés par la compétition féminine (P&G voit exploser ses ventes de cosmétiques pour hommes).
Mixer pour exister
A l’instar du Chinois en quête de la subtile harmonie entre désirs individuels et attentes externes (pressions sociales), l’étranger sera à son tour un «mixologgue». Il devra prendre des risques, innover, localiser, s’adapter constamment, être agile, alors même que les consommateurs chinois n’hésitent plus à préférer des alternatives domestiques de plus en plus compétitives (et le nationalisme est une valeur sociale). Tim Minges, Chairman PepsiCo China, a quant à lui un point de vue sans ambiguité: «If you’re going to be locally relevant, you really need to be in China, with China, for China» («Si vous êtes potentiellement pertinents à l’échelle locale, vous devez impérativement être présent en Chine, avec la Chine et pour la Chine»).
Le Langage Martien du cyberspace chinois adopté par les 15-20 ans: mélange de lettres anglaises, caractères chinois, argot et symboles internet
Pour les netizens chinois, BMW Serie 3 et Mini Coopers sont des «mistress cars»
De l’émergence des « Chuppies » (Chinese Yuppies) au « Girl Power », de la tendance «child pooling» (sharing childcare duties) au «couple dressing» comme signe d’appartenance, des«flash» mariages aux «mistress cars / villages», des Liu mang (hooligan) aux Fei Zhu Liu (marginaux) et Ma Dou (Cyber models), du mouvement Green LOHAS (Lifestyle of Health and Sustainability) au langage Martien comme outil et ligne de démarcation, etc… Mary Bergstrom nous plonge dans quatre décennies de (R)évolutions* sociales ininterrompues. Riche et indispensable pour comprendre et s’adresser à ses acteurs, dont les plus jeunes sont en mode «Fast Forward».
Laure de Carayon
Fondatrice /organisatrice de China Connect
*The Bergstrom Group
**«All Eyes East. Lessons from the front lines of marketing to China’s Youth»