INfluencia : quelle est la genèse de cette série audio qui aborde les problématiques environnementales par le biais de la science-fiction ?
Ainara Ipas : nous avions l’ambition de créer une série de fiction capable d’intéresser une audience internationale. Très vite, nous avons choisi de nous focaliser sur la science-fiction car la France a une certaine renommée dans ce domaine. Nous avons donc travaillé sur une grille de critères, nous avons élaboré plusieurs pitchs et nous les avons testé sur des échantillons représentatifs de la population française, italienne et allemande. Le projet le plus plébiscité était Wild Whispers. Cette série d’anthologie était la première qui avait la nature comme personnage principal. L’enjeu a été de trouver des scénaristes audios car ils sont très rares sur le marché. Nous avons finalement identifié quatre autrices et un auteur et nous avons choisi de les accompagner en mettant en place une résidence d’écriture en collaboration avec le Conservatoire Européen d’Écriture Audiovisuelle (CEEA). Nous avons ensuite effectué un gros travail sur la production afin de pousser les curseurs sur l’immersion car nous voulions nous assurer de créer une unité de tons et une patte sonore d’un épisode à l’autre. L’idée était de suivre un modèle semblable à celui de la série télévisée Black Mirror.
IN : comment avez-vous sélectionné les acteurs qui lisent les textes ?
A. I. : le process est comparable à celui des fictions télévisées. Les auteur.rices.s ont souvent en tête une personne en particulier lorsqu’ils écrivent leurs textes. Nous avons aussi travaillé avec Paradiso et un directeur de casting nous a aidé à trouver les meilleurs acteurs et actrices pour cette série.
IN : combien de temps a duré cette période créative et quel est le coût de ce projet ?
A. I. : Le projet a été lancé il y a deux ans et demi. Ce process prend du temps. Quant à son coût, nous préférons ne pas le dévoiler comme nous ne précisions pas non plus le nombre d’abonnés que compte Audible en France ou dans les autres pays où nous sommes présents.
IN : ces séries audios exclusives sont-elles appelées à se multiplier sur votre plateforme ?
A. I. : nous avons lancé notre première série il y a un an et demi et nous prévoyons d’en proposer une nouvelle tous les six mois. Même si nous ne divulguons pas nos chiffres d’audience, ces séries figurent toujours en tête de notre classement des palmarès des contenus les plus écoutés pendant plusieurs semaines voire même plusieurs mois. Ce fut le cas avec notre thriller Killer Social Club dont les épisodes étaient lus notamment par Mathieu Kassovitz, Vincent Elbaz et Fred Testot. Les méditations guidées de Bernard Werber sont, elles aussi, numéro 1 depuis un mois.
IN : les contenus audios sont de plus en plus populaires en France. Quel est le potentiel de croissance de ce marché ?
A. I. : il est très important et il suffit pour cela de comparer la situation en France à celle d’autre pays qui sont nettement en avance sur nous. Dans notre pays, les livres audio représentent moins de 2% du marché du livre. En Allemagne, ce chiffre se situe entre 6% et 7% et il dépasse les 10% aux Etats-Unis soit plus que la valeur des ventes de livres numériques. Nous sommes donc encore très loin d’avoir atteint un plateau en France. Il nous faut toutefois relever trois enjeux principaux pour que ce marché continuer de se développer rapidement.
IN : quels sont-ils ?
A. I. : le premier enjeu est structurant. L’offre doit se développer et être plus riche. Ce marché doit aussi se professionnaliser. Nous avons besoin notamment d’auteurs et de scénaristes spécialisés dans l’audio. Le troisième enjeu porte sur la monétarisation. Aujourd’hui encore, la plupart des podcasts sont gratuits mais le temps est venu de proposer des offres catégorisées et payantes. Nous sommes sur ce modèle premium mais il y a encore peu d’acteurs sur ce marché. La monétarisation permettra de développer de manière pérenne notre secteur. Ce tournant commence à être pris grâce aux jeunes notamment grâce au boom des enceintes connectées. Les parents sont aujourd’hui prêts à payer un abonnement pour que leurs enfants écoutent des contenus de qualité et éditorialisés. L’audio suit la même tendance que celle qui a touché la télé et le cinéma il y a quelques années.
IN : votre marché a-t-il évolué durant la crise sanitaire ?
A. I. : sans aucun doute. Avant le premier confinement, les gens avaient l’habitude d’écouter des contenus audios tout en faisant autre chose. Mais depuis, « l’écoute exclusive » s’est nettement développée car les auditeurs ont réalisé qu’une expérience sonore était une manière de se déconnecter et de faire appel à leur imagination. Cela explique pourquoi les deux-tiers de nos contenus sont écoutés entre 18 et 22 heures et qu’un tiers de nos auditeurs les apprécie en couple. L’audio premium est donc encore appelé à se développer en France.