Qu’est ce qu’un musée ? Un lieu, ouvert à tous, regroupant des oeuvres d’art. Un symbole de richesse culturelle pour une territoire, une ville, un pays. Florilège des ouvertures récentes à l’architecture toujours plus audacieuse.
Inauguré le 28 mars 2019, inspiré de la rose des sables, le nouveau musée national du Qatar à Doha – nouvelle perle architecturale signée Jean Nouvel – fait partie de cette volonté d’une ville, d’un territoire, de rayonner nationalement et internationalement par l’architecture et la culture. L’île de Saadiyat (ou « l’île du bonheur ») dans les Émirats arabes unis, conçue comme un véritable district culturel, située à proximité de sa capitale Abu Dhabi, se glorifie depuis fin 2017 de posséder le Louvre Abu Dhabi, un musée à l’étonnante architecture œuvre là encore de Jean Nouvel, et se prépare à l’ouverture en 2022 du Guggenheim Abu Dhabi, pensé par Frank Gehry – celui-là même qui a conçu l’impressionnant bâtiment accueillant la Fondation Louis Vuitton à Paris. En décembre 2014, à Lyon, était dévoilée la structure complexe du musée des Confluences livrée par l’agence d’architectes autrichiens Coop Himmelb(l)au. Et c’est au Hollandais Rem Koolhaas que la Fondation Prada a confié la construction de son nouvel écrin à Milan.
Qu’ont en commun ces nouveaux musées et ceux qui ont fait parler d’eux récemment comme le Centre Pompidou de Metz, le MuCEM à Marseille, le MVRDV – Museum Schiedam aux Pays-Bas, le MAS à Anvers, l’Aga Khan Museum à Toronto, le Danish National Maritime Museum au Danemark, le Chang Ucchin Museum of Art en Corée, le Sifang Art Museum à Nanjing, le Biomuseo à Panama City ou encore le Porsgrunn Maritime Museum en Norvège ? Ce sont avant tout des bâtiments à l’architecture ambitieuse, parfois dérangeante, mais qui ne laisse personne indifférent.
On se souvient du tollé provoqué en son temps par le Centre Georges Pompidou à Paris, œuvre de Renzo Piano et Richard Rogers. Depuis, il est l’un des bâtiments de Paris le plus attractif pour lui-même. Quant au MuCEM, signé Rudy Ricciotti, il a attiré plus d’un million de visiteurs depuis son inauguration en juin 2013.
Vers un tourisme architectural
Tout a commencé avec le musée Guggenheim. Celui de New York d’abord, puis celui de Bilbao, tous deux conçus par Frank Gehry. « Rêvant de rééditer la réussite de Bilbao, des édiles ne cachent pas en effet leur souci d’utiliser l’architecture au profit d’objectifs économiques et touristiques, symbole du renouveau urbain et manifestation d’un vedettariat représenté par des architectes “stars” » écrit Jean-Michel Tobelem dans son ouvrage Le Nouvel Âge des musées.
À Lyon, l’audace incarnée par le musée des Confluences fait partie de la réflexion de fond qui voit la transformation du quartier dans son entier. « Choisie il y a plus de dix ans par le Conseil général, l’architecture du musée se trouve aussi ambitieuse et originale que les autres projets lancés dans ce quartier appelé à devenir un lieu emblématique par son architecture contemporaine et innovante », expliquait Georges Képénékian, adjoint au maire de Lyon longtemps en charge de la culture.
Le fait du Prince
« Le monde a besoin de signes. Faire appel à un architecte célèbre pour une fondation privée comme pour une municipalité souligne à la fois son assise financière et sa responsabilité vis-à-vis de la ville. Les princes de Florence avaient la même logique », constate Alain d’Iribarne, directeur de recherche au CNRS. « C’est le fait du prince et le bonheur du prince », ajoute l’architecte Jean Hanemian, fondateur de l’agence AIM Hanemian Architectes, qui insiste sur l’attrait que représentent de tels projets pour un architecte : « C’est une véritable vitrine, le niveau le plus haut de la création, offrant beaucoup de liberté. » La ville d’Oslo a retenu 270 projets suite à l’appel d’offres pour son nouveau lieu d’art, celle d’Helsinki près de 1 000. Pour Bernard Arnault, le bâtiment de la Fondation Louis Vuitton (qui se veut « partie prenante d’un territoire, d’une ville, d’un pays ») constitue le premier geste artistique de la fondation. « Parce qu’il est l’un des plus grands architectes de notre époque, je savais que Frank Gehry créerait un monument de l’architecture du xxie siècle », expliquait Bernard Arnault lors de l’inauguration. Par leur design radical, les nouveaux musées ne deviennent-ils pas un écrin en soi plutôt qu’un écrin pour les œuvres ? N’y a-t-il pas un risque de cannibalisation ? On peut se poser la question. « L’architecture est une porte magique vers les collections », se plaît-on à dire au musée des Confluences. Et si l’essentiel était que l’on parle d’eux ? Et de la ville qui les accueille ?
Cet article est tiré de la Revue INfluencia n°31 : « Art de Ville ». Cliquez ici pour découvrir sa version digitale. Et par là pour vous abonner.