23 mai 2023

Temps de lecture : 3 min

Adidas retourne sa veste tant bien que mal

Six mois après avoir rompu son partenariat avec Kanye West en raison de ses propos antisémites, l'équipementier allemand a annoncé qu'il allait mettre en vente une partie des stocks de baskets invendus qu'il avait sur les bras. L'appât du gain a été le plus fort.

N’a t-on pas ici à faire au cas le plus éclatant de greenwashing? À force de prendre les consommateurs pour des gogos, les marques risquent de perdre le peu de crédibilité qui peut encore leur rester à moins que l’amour aveugle pour la mode des fashionistas ne soit le plus fort…

Que faire lorsque l’une de vos principales « têtes de gondole », qui vous rapporte des milliards de dollars de chiffre d’affaires, commence à faire l’apologie d’Adolph Hitler et de l’antisémitisme et que vous conservez dans vos hangars des montagnes d’articles qui pourraient vous faire gagner plein d’argent? Rien de plus simple: vous attendez que la tempête se calme un peu, vous jurez la main sur le coeur que vous avez analysé tous les scénarios possibles et que finalement la meilleure solution consiste à écouler vos produits comme si de rien n’était… Pour faire passer cette pilule amère, vous vous engagez à reverser une partie importante de vos bénéfices à des bonnes oeuvres mais vous ne précisez, bien évidemment pas, le montant que vous allez redistribuer. Il ne faut pas non plus exagérer…

Un mauvais tour de magie

Ce tour de passe-passe aussi mal fait qu’un « ça marche pas » de Garcimore (les plus âgés comprendront…) vient d’être réalisé par Adidas.  Pendant neuf ans, la griffe aux trois bandes a noué un partenariat très rentable avec Kanye West qui souhaite désormais se faire appeler Ye. La marque née de cette alliance, Yeezy, générait un chiffre d’affaires annuel de plus de 1 milliard d’euros. L’an dernier, cette belle pyramide s’est effondrée lorsque l’ancien époux de Kim Kardashian a commencé à porter, lors de la Fashion Week, un t-shirt sur lequel était écrit « White Lives Matter ». En octobre, ses propos antisémites, qui ont été suivis moins de deux mois plus tard, par une déclaration d’amour pour Adolf Hitler, ont contraint Adidas à rompre son partenariat avec le chanteur.

Quid des commissions versées à Ye?

La fin imprévue de cet accord a posé un gros problème à l’équipementier allemand. Après plusieurs réunions, le groupe a choisi d’honorer les commandes lancées à ses sous-traitants. Du coup, l’équipementier s’est retrouvé avec des stocks de baskets invendues susceptibles de générer des revenus de 1,2 milliard d’euros. « Ces quatre derniers mois, nous avons essayé de trouver des solutions pour savoir quoi en faire, a expliqué Bjorn Gulden, le patron de la marque aux trois bandes durant l’assemblée générale du groupe. Après avoir parlé à toutes les ONG et à de nombreuses organisations qui ont été blessées par Kanye, toutes disent que leur destruction n’est pas la solution ». Que faire alors? Les offrir aux enfants les plus démunis qui marchent pieds nus dans les rues d’Harare ou de Rio ? Que nenni. Les donner à des ONG qui empocheront la totalité des fruits de leurs ventes? Pas plus. Non, Adidas a préféré les écouler sur son site adidas.com/yeezy et sur son app CONFIRMED. On n’est jamais mieux servi que par soi-même. « Après mûre réflexion, nous avons décidé de commencer à distribuer certains des produits adidas YEEZY restants, explique le patron norvégien qui a joué milieu de terrain au FC Nürnberg. La vente et le don étaient l’option préférée de toutes les organisations et parties prenantes avec lesquelles nous nous sommes entretenus. Nous pensons qu’il s’agit de la meilleure solution car elle respecte les designs créés et les chaussures produites, elle fonctionne pour notre personnel, résout un problème de stock et aura un impact positif sur nos communautés. Il n’y a pas de place dans le sport ou dans la société pour la haine, quelle qu’elle soit, et nous sommes déterminés à la combattre. » Cela ne coûte rien de le dire… L’entreprise n’a toutefois pas indiqué si Ye allait toucher les commissions qu’il avait l’habitude d’empocher lors de la vente de chaque paire de Yeezy.

Une lourde perte

Certains amateurs ont déjà trouvé sur le site britannique du géant allemand des modèles Zebra et Yeezy 500 « Utility Black »  en vente. Pour Adidas, l’enjeu est de taille. Certains de ses actionnaires ont assigné la marque en justice aux Etats-Unis car ils s’estiment floués par la fin prématurée du partenariat avec Kanye West. Et pour cause. L’an dernier, le géant bavarois a affiché, sa première perte depuis 31 ans en raison de cette affaire. Cette mauvaise nouvelle l’a visiblement convaincu de céder aux sirènes du capitalisme…

Allez plus loin avec Influencia

the good newsletter

LES FORMATIONS INFLUENCIA

les abonnements Influencia