28 mai 2020

Temps de lecture : 3 min

S’adapter au « monde d’après » au nom de l’évolution et non pas de la Morale

Yannick Augrandenis, Associate Partner de l’agence PLEAD plaide pour la théorie de Darwin en ces temps de crise. il rejette la notion de morale au profit de celle de l'évolution prônée par le paléontologue anglais établie dans ses travaux sur l'évolution des espèces vivantes.

Yannick Augrandenis, Associate Partner de l’agence PLEAD plaide pour la théorie de Darwin en ces temps de crise. il rejette la notion de morale au profit de celle de l’évolution prônée par le paléontologue anglais et établie dans ses travaux sur l’évolution des espèces vivantes.

« Non à un retour à la normale ». La tribune signée par plus de 200 artistes et scientifique est une semonce pour changer. Les 100 propositions de Nicolas Hulot tracent la voie d’un monde nouveau. Chaque jour, les injonctions aux changements se multiplient, parfois en s’arrêtant simplement au constat, au recyclage d’idées anciennes ou aux bons sentiments. Que ce soit sur la question de la reprise, des dividendes ou de la rémunération des dirigeants, les débats sur le rôle de l’entreprise durant la crise sont totalement confisqués par les questions morales. Est-ce le bon niveau d’analyse pour faire face ou surmonter une crise telle que nous la visons ?

« la loi du mieux adapté »

Les crises sanitaires et économiques que nous traversons montrent bien que les entreprises ne peuvent s’extraire des principes darwiniens qui régissent l’ensemble des écosystèmes. Que nous apprend l’auteur britannique qui peut inspirer les chefs d’entreprise dans leur conduite de la crise ? Tout d’abord, l’entreprise, dont la vocation est d’évoluer, le fait en interaction permanente avec son environnement. L’entreprise évolue au contact de son milieu qui co- évolue lui-même en permanence. L’évolution ne se fait pas sur le principe « la loi du plus fort », qui est une vision dévoyée, mais sur le principe « la loi du mieux adapté ». En synthèse donc : pour évoluer, l’entreprise doit prendre en compte son écosystème, penser ses interactions avec son milieu et mettre en œuvre des stratégies diversifiées pour maximiser ses chances d’adaptation.

« au milieu du jour d’après »

Les crises, par essence, remettent en question les écosystèmes et les milieux. Ainsi, pour les traverser et se préparer au monde d’après crise, -c’est à dire au « milieu du jour d’après »-, le dirigeant de l’entreprise peut identifier une double voie à emprunter : s’adapter en répondant aux exigences du milieu ou entrer dans un processus co-évolutif avec son environnement pour favoriser sa stratégie.

«The  licence to operate »

En termes de communication, la « communication d’engagement » qui a pour objectif de permettre aux entreprises de conserver et renforcer leur « licence to operate », une sorte de permis sociétal d’agir, pour se développer et prospérer est bien sûr importante. Bien loin des principes moraux qui laisseraient entendre que l’entreprise doit faire de la politique ou se substituer aux États, l’entreprise, selon les enseignements de la théorie de l’évolution, doit contribuer au co-développement de son écosystème. À noter qu’elle le fait naturellement en produisant des produits et des services de qualité, en distribuant des salaires, en innovant, en formant ses équipes, en rémunérant le risque des investisseurs ou en payant des taxes. L’évolution des attentes sociétales sont, dans ce contexte, des marqueurs des mutations du milieu que l’entreprise doit considérer ou traiter pour s’adapter avec de nouvelles contributions : innover pour favoriser la transition écologique, développer l’employabilité, etc.

Faire adhérer l’ensemble de leurs parties prenantes

Enfin, l’entreprise a le devoir de s’assurer que son environnement co-évolue favorablement pour la mise en œuvre de sa stratégie. Le paléoanthropologue Pascal Picq, spécialiste de l’évolution qui a élargi le champ d’application des principaux enseignements, estime dans une interview parue le 4 avril que les grandes entreprises doivent « faire adhérer l’ensemble de leurs parties prenantes à un système de valeurs partagées ». Pour y parvenir, l’entreprise a plusieurs leviers stratégiques pour assurer son évolution : pérennisation des relations avec les fournisseurs, interactions constantes avec le législateur pour préserver l’environnement réglementaire, mobilisation pour mener des rapports de force ou construction d’alliances pour peser plus fortement sur l’environnement.

Les entreprises, comme l’ensemble des êtres et des organisations, doivent s’adapter pour le « monde d’après ». Pas au nom de la morale mais au nom de l’évolution.

Yannick Augrandenis, Associate Partner de l’agence PLEAD

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