À Reykjavík, les pubs sur les panneaux d’affichage ont été remplacées par des portraits d’Isabelle Huppert
Depuis trois ans, la société d’affichage islandaise Billboard met à la disposition du musée d’art de Reykjavík et de la Y Gallery ses 50 panneaux d’affichage LED et ses 500 abribus pour présenter les œuvres d’un artiste pendant trois jours. Cette année, l’américaine Roni Horn a choisi de mettre à l’honneur des clichés d’Isabelle Huppert. Etonnant...
Imaginez un monde où la culture remplacerait la publicité pendant trois petites journées. Imaginez les rues d’une grande ville remplie de photos d’une artiste reconnue et célébrée dans le monde entier. Imaginez un début d’année sans réclame, un Dry January sans alcool et sans appel à la surconsommation. Pour la quatrième année successive, les habitants de Reykjavík ont vécu cette parenthèse unique au monde.
Le 1er janvier, les publicités sur les panneaux d’affichages, les arrêts de bus et les dos de kiosques de la capitale islandaise ont toutes été remplacées par le visage de l’actrice Isabelle Huppert. Depuis trois ans, la société d’affichage locale Billboard met à la disposition du musée d’art de la capitale et de la galerie Y Gallery tous ses supports afin de les transformer en espaces d’exposition temporaires. Cette pause publicitaire, qui se dit en islandais « Auglýsingahlé » (ne nous demandez pas comment le prononcer…), est originale et dans l’air du temps.
Une idée de l’américaine Roni Horn
Pour la quatrième édition de cette exposition à ciel ouvert, la galerie a fait appel à l’artiste Roni Horn qui décrit son travail comme « l’incarnation de l’appropriation de la nature par l’être humain et qui cherche à donner forme au processus du devenir ». Cette américaine née en 1955, qui explore la transformation et la mutabilité de l’art, du temps, de la subjectivité et de l’identité en soulignant le caractère évolutif de la matière des objets qu’elle produit, a choisi l’égérie de Claude Chabrol, Benoît Jacquot et Michael Haneke, pour ce « pop-up » installé aux quatre coins de la capitale islandaise qui compte à peine 140.000 habitants. Cette « série de portraits invite les spectateurs à une exploration dynamique de la mémoire, de l’identité et de la reconstitution, souligne Stefania Ritz, écrivain et critique. Les performances de Huppert, à la fois subtiles et intenses, incarnent sa capacité unique à revisiter et à réinterpréter des rôles passés – une idée qui résonne profondément dans cette présentation visuelle saisissante. La toile de fond islandaise, avec ses paysages austères et étendus, renforce le dialogue permanent entre le passé et le présent, la performance et l’identité, la ville et le pays, le film, la mémoire et l’auto-interprétation. »
L’actrice, qui a été nommée aux Oscar et a reçu d’innombrables prix dont deux César, deux prix d’interprétation féminine à Cannes, un Ours d’or d’honneur à Berlin, deux Coupes Volpi à la Mostra et un BAFTA au Royaume-Uni, semble avoir été touchée par cet hommage. Sur son compte Instagram, elle a publié huit clichés de panneaux d’affichage et d’abribus affichant son visage. En 2023, la septuagénaire était venue en Islande comme invitée d’honneur du Reykjavík International Film Festival. Entre deux projections et un dîner privé durant lequel Björk a joué les DJs, elle avait accepté de donner une master class devant 200 personnes triées sur le volet.
Un exemple à suivre en France ?
En France, l’Auglýsingahlé n’existe pas. Certaines associations ont tenté d’instaurer le 25 mars comme Journée mondiale contre la publicité mais leur initiative a reçu peu d’écho. Leurs « barbouillages » de panneaux publicitaires ne servaient, il est vrai, pas réellement leur cause. Et si la culture plutôt que la violence pouvait représenter une meilleure solution pour remettre un peu de calme sur notre planète ? Les Islandais semblent en être convaincus. Et ils savent de quoi ils parlent… Leur capitale a récemment été nommée la ville la moins stressante au monde. Le visage d’Isabelle Huppert ne devrait pas élever sensiblement leur niveau d’anxiété.