La viande n’en est pas mais l’argent, lui, est bien réel. La start-up suisse Planted, spécialisée dans les protéines végétales, vient de boucler une levée de fonds de 70 millions d’euros souscrits principalement par L Catterton, le fonds d’investissement cofondé par le géant français du luxe LVMH. « Nous avions déjà levé 48 millions d’euros depuis notre création en 2019 dont 36 millions l’an dernier mais il nous fallait cette somme supplémentaire pour poursuivre le développement de nouveaux produits, accroître notre réseau de distribution et ouvrir une nouvelle usine en Europe mais en dehors de la Suisse », nous explique, avec son accent alémanique, Pascal Bieri, le co-fondateur de cette jeune pousse.
aujourd’hui à peine 2% à 3% des protéines que l’on consomme sont d’origine végétale. Mais nous n’avons pas d’autres choix si nous souhaitons lutter contre le changement climatique.
Le goût, rien que le goût
Avec ses 210 salariés dont 65 spécialisés en recherche et développement, Planted produit dans le canton de Zurich entre 12 et 14 tonnes de protéines végétales par jour. Sa gamme de simili-viandes végétales fabriquées à partir de pois, d’avoine ou de tournesol comprend notamment des alternatives au porc effiloché, aux escalopes panées et aux kébabs. Contrairement à d’autres produits similaires, cette start-up n’utilise aucun additif. Son « quasi » émincé de poulet comprend ainsi uniquement des protéines de pois, des fibres de pois, de l’eau et du colza. Sa technique de « biostructuration » combine l’extrusion de protéines et la fermentation. « Nous travaillons avant tout sur le goût de nos produits pour qu’ils soient le meilleur possible », assure Pascal Bieri. Ses produits sont déjà proposés dans 2000 restaurants et 4300 points de vente dans six pays européens. En France, Franprix et Monoprix proposent ses références. En Allemagne et en Autriche, ses partenaires sont Edeka et Spar.
Beaucoup reste à faire
L’objectif de Planted est clair et ambitieux : « Nous voulons être l’entreprise qui proposera toutes les solutions liées à la consommation de protéines en Europe, s’engage Pascal Bieri. Dans 5 ans, j’espère qu’on ne fera plus la distinction entre les protéines végétales et les protéines animales. Il nous reste encore beaucoup de chemin à parcourir car aujourd’hui à peine 2% à 3% des protéines que l’on consomme sont d’origine végétale. Mais nous n’avons pas d’autres choix si nous souhaitons lutter contre le changement climatique. » Les chiffres donnent raison à cet entrepreneur.
L’élevage émet plus de gaz que la voiture
Les émissions globales de gaz à effet de serre de la chaîne de valeur des animaux d’élevage représentent actuellement 14,5% des émissions mondiales, soit presque autant que les rejets nocifs pour l’environnement de tous les moyens de transport du monde, tels que les avions, les bateaux de croisière et les voitures. En outre, les animaux destinés à l’abattoir consomment 29% de l’eau utilisée dans l’agriculture et utilisent 77% de l’ensemble des terres agricoles. Les produits d’origine animale provoquent 57% des émissions des produits alimentaires mais ils ne fournissent que 37% des protéines et 18% des calories consommées, selon une étude publiée par Poore & Nemecek. Les « viandes sans viande » ont pourtant du mal à séduire les carnivores.
Les obstacles à franchir sont nombreux
Les raisons qui expliquent ce phénomène sont nombreuses. « Certains produits proposés, et je ne nous inclus évidemment pas dans cette catégorie, n’ont pas un goût satisfaisant, avoue Pascal Bieri. Les prix de vente sont un autre handicap et les distributeurs doivent davantage devenir des partenaires de notre filière. » Certains concurrents de la start-up helvétique connaissent déjà de sérieuses difficultés. L’entreprise américaine Beyond Meat a enregistré au second semestre une perte nette de 97 millions de dollars qui l’a contraint de réduire de 4% ses effectifs. Son cours en Bourse à New York a plongé de 50% depuis janvier, soit une baisse similaire à celle affichée en 2021.
Une « vraie-fausse » bonne idée
Des études affirment, par ailleurs, que les steaks végétaux ne sont pas forcément très bons pour notre santé. Dans son numéro de septembre, 60 millions de consommateurs, qui a testé une vingtaine de références de steaks et de galettes végétaux, montre du doigt ces aliments souvent gras et très salés. Leur « ultra-transformation » peut aussi « réduire leur digestibilité ». Fermez le banc… Ces produits industriels augmenteraient les risques de maladies cardiovasculaires, de maladies coronariennes et de maladies cérébrovasculaires selon une étude du Centre de recherche en épidémiologie et statistiques de l’Université de Paris publiée en 2018. Les investisseurs qui viennent de donner 70 millions d’euros supplémentaires à Planted ne semblent pas partager cet avis…