Amnesty International tire à boulets rouges sur la Cour suprême Étasunienne
L’ONG a dévoilé le 24 juin dernier un spot qui raconte les déboires de quatre femmes et jeunes filles qui doivent faire face aux conséquences des lois strictes sur l'avortement à la suite de l'annulation de l'arrêtRoe v. Wadepar la Cour suprême américaine. Le pari est réussi, on en ressort secoué.
En réponse à la décision — très — controversée de la Cour suprême américaine d’annuler l’arrêt Roe v. Wade, qui garantissait, à l’échelle fédéral, le droit à l’avortement, Tarah Demant, directrice nationale par intérim des affaires gouvernementales à Amnesty International USA, ne mâchait pas ses mots : « Ce jour marque une étape sombre dans l’histoire des États-Unis. Des millions de personnes qui peuvent tomber enceintes aux États-Unis sont désormais confrontées à un avenir où on les privera de décider pour leurs corps, leur avenir et le bien-être de leur famille. Des choix profondément personnels. Cette décision affecte chaque personne aux États-Unis, quelle que soit son genre (…) Les gens seront forcés d’accoucher. Ils seront forcés de recourir à des avortements dangereux. C’est l’aboutissement d’une campagne de plusieurs décennies visant à contrôler le corps des femmes. Et cela ouvre la voie à une législation étatique sans précédent pour criminaliser l’avortement, ainsi qu’à d’autres projets qui viseront à priver les gens de leurs droits fondamentaux aux États-Unis, y compris l’accès au contrôle des naissances, l’égalité des sexes et du mariage ainsi que d’autres lois anti-discrimination ». Tout un programme… contre lequel il convient de lutter.
Amnesty International a commandé l’agence Anorak, membre du collectif d’agence NoA — The North Alliance — pour produire une campagne très critique sur l’état actuel des droits génésiques — se rapportant à la génération et à la reproduction des êtres vivants — des femmes aux États-Unis. Pour Amnesty International, cela ne fait plus l’ombre d’un doute, les États-Unis ne sont plus « le pays de la liberté », comme ils aimaient se définir tout au long du XXème siècle. À travers cette opération dévoilée mondialement le 24 juin dernier, l’association reprend les paroles de la Star Spangled Banner, l’hymne national américain, pour mieux souligner l’aberration de la récente décision de la plus haute juridiction d’outre-Atlantique. Un retour en arrière législatif sans précédent qui prive les femmes de leur droit de décider de leur propre corps et de leur propre avenir. Le film est produit par l’agence BR.F et réalisé par Nicolina Knapp.
« The land of the free »… my ass !
Cette campagne raconte l’histoire de quatre femmes, de tout âge et de toute condition sociale, qui se trouvent confrontées à l’instauration de lois coercitives sur l’avortement dans leurs États. En off, l’artiste norvégienne Emilie Nicolas accompagne ces récits en chantant, non sans une certaine ironie, l’hymne américain. Juste avant de prononcer le mot « liberté », la chanteuse multi-primées se tait et l’on voit apparaître à l’écran la phrase lourde de sens : « vous n’êtes plus libres quand vous ne pouvez pas décider de votre avenir ». Le tout dans un silence plus évocateur que mille discours. Peter Power, qui faisait partie de l’équipe de création pour Anorak explique, dans des propos relayés par LBB : « L’idée du film est née de notre prise de conscience d’une grande contradiction : les États-Unis, une nation qui se réclame plus que toutes les autres comme celle de la liberté, supprime aujourd’hui la liberté des femmes de décider de leur propre vie. Nous espérons que la campagne aidera Amnesty à faire pression sur les décideurs et sur tous les Américains en général, et qu’elle leur donnera l’occasion de se demander s’ils peuvent encore prétendre vivre dans « le pays de la liberté »».
Le jour ou la Cour suprême a rendu son verdict, Amnesty a publié la vidéo sur TikTok, où elle rencontre actuellement un engagement massif, comme en témoignent les 12 000 commentaires et les quelques 1000 vidéos de réactions venant du monde entier. Alors que certains internautes n’hésitent plus à affirmer : « Nous ne sommes plus libres » ou « On dirait un film, ça ne peut pas être vrai », d’autres proposent aux Américaines de les héberger si elles doivent quitter le pays pour subir un avortement sans risque. La campagne est diffusée sur les réseaux sociaux et a été traduite en six langues, dont le chinois. Camilla Kolverud, responsable de la collecte de fonds et du marketing à Amnesty conclut en expliquant que « l’impensable s’est produit, et il est urgent d’exercer une pression internationale, en particulier sur les 22 États qui ont déjà adopté des lois interdisant totalement ou partiellement l’avortement. J’espère que les gens s’impliqueront et signeront notre pétition sur amnesty.no». La dite pétition cible donc, et à juste titre, les gouvernements des États qui cherchent déjà à restreindre ce droit. En interpellant directement les gouverneurs, Amnesty vise à influencer ceux qui détiennent la clé pour garantir le droit à un avortement sûr et légal. Le combat est loin d’être gagné…
Des données qui font froid dans le dos
Comme un ultime avertissement, des chercheurs en santé publique et des économistes avaient soumis à la Cour suprême des éléments de preuve montrant que la restriction de l’accès à l’avortement aurait de graves conséquences pour les femmes enceintes, qui courent un risque accru de problèmes de santé physique et mentale lorsqu’elles se voient refuser un avortement. Une proportion substantielle des personnes qui souhaitent bénéficier d’un avortement, sans y avoir accès, finissent par mener leur grossesse à terme. Et les conséquences sont souvent gravissimes. L’une des études les plus complètes sur le sujet , la Turnaway study, publiée au début du mois de mai dernier, avait suivi environ 1 000 américaines pendant cinq ans après qu’elles se soient vu refuser un avortement. Dirigée par Diana Greene Foster, chercheuse en santé génésique à l’université de Californie à San Francisco, elle a montrée, par exemple, que ces femmes étaient plus susceptibles de vivre par la suite dans la pauvreté que celles qui avaient bénéficié d’un avortement. Elles s’en sortent également moins bien dans plusieurs domaines tels que l’éducation et bien être physique et mental. Et malgré toutes ces révélations, la Cour suprême est allé au bout de sa néfaste résolution.
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