Pourquoi l’arrivée de la pub sur Netflix devrait coûter gros à la plateforme… pour pas grand chose ?
En plein Cannes Lions, le PDG du géant américain a profité de la douceur azuréenne pour annoncer l’arrivée d’une offre payante incluant de la publicité dans ses contenus d'ici à la fin de l’année. Un choix de raison, en vue des difficultés récentes du groupe, mais qui pourrait finir par écorner son image, tant vis à vis des usagers que des réalisateurs et des producteurs de cinéma. Le feuilleton annoncé de cet automne.
La publicité débarquera sur Netflix d’ici la fin de l’année. Ted Sarandos, co-PDG du service de streaming, a lâché la bombe la semaine dernière en plein Cannes Lions : « Depuis le début, nous délaissons un segment important de clientèle, à savoir les personnes qui se disent : « Netflix est trop cher pour moi alors que la publicité ne me dérangerait pas ». Après, nous ajoutons un niveau de publicité mais nous n’ajoutons pas de publicité au service tel que vous le connaissez aujourd’hui. Uniquement pour satisfaire ces personnes là ». La nouvelle avait initialement fuité à travers une lettre interne adressée aux employés et rapportée par le New York Times en mai dernier. Ce nouveau service plus abordable, que le géant du streaming espère lancer au cours du dernier trimestre 2022, pourrait finalement séduire les spectateurs rebutés par ses récentes hausses de prix — chez nous, les tarifs mensuels de l’abonnement Premium sont passés de 15,99 € à 17,99 € en octobre dernier —. Netflix est actuellement en pourparlers avec la société Comcast ( Google ) afin de mettre sa promesse à exécution.
Il existe à ce jour trois niveaux d’abonnement
Netflix Essentiel, au tarif de 8,99€ par mois, qui permet de regarder du contenu sur un seul écran à la fois, Netflix Standard facturé à 13,49€ qui donne le droit à un usage sur deux écrans distincts, et enfin Netflix Premium à 17,99 $, qui vous autorise à binge watcherStranger Things sur quatre écrans simultanés. On ne sait pas exactement où s’insérera cette nouvelle offre avec publicité, mais nous ne serions pas surpris qu’elle soit moins chère que la première, voire même qu’elle la remplace entièrement. Un déploiement qui fait suite aux essais effectués par Netlifx au Chili, au Costa Rica et au Pérou, où les clients devaient régler un supplément pour partager leur compte avec deux personnes extérieures à leur foyer — l’enfer, à venir, de beaucoup d’entre nous —. Pour l’instant, rien ne permet de savoir si ce supplément sera permanent ou généralisé.
Un choix de raison
Cette nouvelle tarification, est ni plus ni moins liée à la perte de 200 000 abonnés pour la plateforme cette année. La première baisse enregistrée depuis 10 ans. Entre les studios qui ont retiré leur contenu de la plateforme au fil des ans pour créer leurs propres services de streaming, les critiques sur les séries annulées et les récentes hausses de prix, la période n’est pas facile pour le grand manitou du streaming. D’autant que ce sont deux millions d’abonnés qui seraient prêts à lâcher leur plateforme préférée au cours du trimestre prochain.
Reed Hastings, l’autre tête pensante de la boite, martelait encore en 2020 que l’absence de modèle publicitaire n’était pas une règle mais tenait plutôt de la logique : « Nous croyons que nous pouvons bâtir une meilleure entreprise, plus profitable sans publicité». Soit, mais, le système Netflix s’essouffle…
Quitte ou double
Michael Nathanson, analyste chez MoffettNathanson, cité dans le New York Times et dans le Hollywood Reporter, estimait la semaine dernière que Netflix pourrait engendrer 1,2 milliard de dollars d’ici 2025. Il souligne cependant, dans son rapport intitulé Mad Men to the Rescue, que « l’on sait très peu de choses sur la tarification et les possibilités commerciales de l’usage de la publicité par les services de streaming ». Une rentrée d’argent absolument cruciale dans un contexte où Wall Street exerce une pression supplémentaire sur les services de vidéo en continu pour qu’elles augmentent leur rentabilité après avoir toléré des années de dépenses inconsidérées.
Pour autant, les producteurs de contenu peuvent-ils espérer toucher une part des revenus que Netflix génèrera en vendant des publicités pour leurs films et émissions de télévision ? Les réalisateurs ayant le privilège du final cut auront-ils la possibilité de négocier avec Netflix le choix des publicités à insérer et le moment où elles le seront ? À ce rythme on pourrait même imaginer que les futures productions originales seront filmés différemment en tenant compte de ces interruptions. Il est difficile d’imaginer un Martin Scorsese se réjouir d’une telle nouvelle, et accepter de vendre des menus BigMac au milieu de ses images. Quant aux annonceurs, comment obtiendront-ils un relevé détaillé du comportement des spectateurs, à l’initiative de Netflix, qui a déjà été accusée d’être avare en matière de données sur ses utilisateurs ? Les accords de licence que Netflix a conclus avec les producteurs permettent-ils même au diffuseur de montrer des publicités à côté de leur contenu ?
Edmund Lee, journaliste du New York Times estime même que Netflix pourrait finir par cannibaliser une grande partie de sa clientèle actuelle. Comme le révèlent les colonnes de la newsletter DealBook produite par le média américain : « Au début du mois, les analystes de Wells Fargo ont prédit qu’une offre Netflix moins chère et soutenue par la publicité attirerait un peu plus de 100 millions d’abonnés d’ici la fin de 2025. Mais seuls 16 millions de ces clients seraient de nouveaux utilisateurs. Les analystes pensent que près de 85 % des utilisateurs du service moins cher de Netflix seront des abonnés existants qui chercheront à payer moins pour le streaming ». Tout ça pour prêcher des convaincus… ça serait bête.
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