16 juin 2022

Temps de lecture : 7 min

Observatoire de la Good Économie : comment SNCF Voyageurs s’engage vers plus de sobriété énergétique ?

SNCF Voyageurs a remporté l’or dans la catégorie “Lutter contre le réchauffement climatique” de notre Grand Prix de la Good Économie 2021 pour ses programmes environnementaux, PlaneTER côté TER et PLANÈTE Voyages côté TGV. Nous revenons aujourd’hui sur ces programmes et sur la transformation en cours de l’entreprise avec Valérie Darmaillacq, Directrice du Développement Durable chez SNCF TGV Intercités, Loïc Brabant, Directeur Adjoint à la Direction Générale TER et Aurélie Ravailhe, Chargée de mission à la transition énergétique et écologique de TER.
The Good : Pouvez-vous nous présenter les programmes PlaneTER et PLANÈTE Voyages qui ont été primés ?

Loïc Brabant : Le slogan du programme PlaneTER est : + de TER – de CO2. La volonté de ce dernier est d’utiliser l’avantage environnemental du ferroviaire pour essayer de remplir plus nos trains. Aujourd’hui le taux de remplissage des TER est de 25%, nous pouvons faire mieux et souhaitons opérer un report modal de la voiture individuelle vers le train. Nous voulons aussi inscrire nos actions pour aller vers plus de sobriété. Que ce soit pour nos trains diesel ou électrique, nous allons réduire fortement nos consommations d’ici 2025 en activant des leviers d’actions internes dans lesquels tous les salariés de TER peuvent être engagés (opticonduite, écostationnement, meilleure régularité …) Nous avons 3 grands volets qui complètent ces deux piliers du slogan. Le premier est de mesurer notre impact grâce à des outils que nous avons pour la plupart conçus avec le cabinet Carbone 4. Le deuxième volet du programme est d’agir pour mettre plus de monde dans les trains et pour réduire nos émissions. Le troisième volet est d’embarquer l’ensemble de nos collaborateurs en les formant à ces enjeux énergie/climat pour donner du sens à notre action et pour que chacun puisse contribuer à travers son métier quotidien à la réussite du programme et à ces bons résultats.

Valérie Darmaillacq : Le programme PLANÈTE Voyages s’appuie sur 2 piliers : faire savoir et faire plus. Faire savoir c’est faire la prescription de la mobilité bas carbone. 100% de nos TGV sont électriques. Nous voulons éveiller les consciences par rapport à la réalité de l’impact du choix de son mode de transport. Cela vaut pour les voyageurs mais aussi pour l’interne. Nous avions sous-estimé l’importance de rappeler les grands enjeux liés à la réduction des consommations d’électricité, des émissions carbone auprès de nos agents. Ces données nécessitent d’être traduites, décodées et bien assimilées pour que nos agents utilisent la mobilité bas carbone comme un outil de fierté et pour que les voyageurs choisissent aussi le train pour son impact positif sur notre environnement. C’est de la pédagogie. Faire plus c’est amplifier nos actions pour consommer moins d’énergie et réduire nos émissions. C’est aussi inscrire nos offres et services dans les grands principes de l’économie circulaire et cela implique des adaptations de conception et de process.

Nous avions sous-estimé l’importance de rappeler les grands enjeux liés à la réduction des consommations d’électricité, des émissions carbone auprès de nos agents.
TG : Quel est votre chemin de transformation ?

L.B : L’objectif pour TER est de sortir des énergies fossiles. Comme évoqué, nos actions d’ici 2025 sont principalement des actions d’efficacité et de sobriété pour réduire nos consommations d’énergie. En complément, nous utilisons déjà des biocarburants sur quelques lignes, notamment Paris-Granville sur laquelle nous avons économisé plus de 2,5 millions de litres de gazole ce qui nous a permis de réduire d’environ 5 500 tonnes nos émissions de CO2. Ensuite, à partir de 2023-2024 nous disposerons d’autres technologies pour sortir des énergies fossiles en développant des projets avec les Régions et les constructeurs. Le train hybride, pour lequel nous remplaçons deux de ses 4 moteurs diesel par des batteries, fonctionne comme une voiture hybride qui emmagasine de l’énergie lors des phases de freinage et qui la restitue dans les phases d’accélération. Au-delà des gains en CO2 d’environ 20%, l’objectif avec cette technologie est également de réduire la pollution de l’air dans les zones urbaines. Une fois la phase d’homologation achevée, les premiers trains hybrides circuleront en 2023. La seconde technologie est le train à batterie. On remplace tous les moteurs diesel par des batteries avec des gains très significatifs de près de 80% en termes d’émissions. La troisième technologie est le train à hydrogène. Là, on change nos moteurs par des piles à combustibles. Les trains à hydrogène devraient arriver sur nos rails entre fin 2025 et début 2026.

V.D : Côte TGV, nous sommes sur du 100% électrique. Quand on tracte nos trains, nos émissions de carbone sont nulles. En revanche, produire de l’électricité a un impact carbone. Notre principal enjeu est de réduire nos consommations d’énergie électrique par voyageur transporté pour des raisons économiques et environnementales. Aujourd’hui avec la volonté de sortir des énergies fossiles, la tension sur l’énergie électrique est forte, ce n’est pas une ressource infinie. Nous sommes un très gros consommateur d’électricité en France et nous faisons en sorte de réduire notre consommation en travaillant sur la performance de notre production : cela passe évidemment par le remplissage de nos trains mais aussi par la manière dont on les pilote.

TG : Avez-vous rencontré des difficultés en interne ?

L.B : Le plus difficile est d’embarquer toute l’entreprise. Le point de départ de cette nécessaire prise de conscience a été l’organisation de 2 webinaires internes avec Jean-Marc Jancovici durant le premier confinement en 2020. Le terrain était alors assez propice à la mise en mouvement. Il nous est apparu évident qu’il fallait former nos agents sur ces sujets complexes pour qu’ils en comprennent les enjeux et soient convaincus de passer à l’action. Nous avons élaboré un programme de formation comportant 8 modules qui s’adresse aux 26 000 collaborateurs. Aux dernières nouvelles, 9 500 l’avaient déjà suivi. Depuis la semaine dernière nous avons également un deuxième niveau de formation qui concerne les managers et les volontaires hors encadrement, soit 2 500 personnes. On souhaite en complément faire une formation de niveau 3 qui s’adresse au top management, soit à peu près 150 personnes. Nous avons également mis en place des indicateurs précis avec des objectifs pour les dirigeants d’activité. On a élaboré un programme hyper complet au travers d’une quinzaine de leviers d’actions qui permettent à chacun dans son métier de comprendre sa valeur ajoutée et sa potentielle contribution. Les sujets les plus compliqués sont sans doute liés à la question de la mesure : comment mettre au point des outils pour mesurer et suivre nos émissions ? Avec 10 types de trains différents, des électriques, des diesel, des bimodes, des biocarburants, avec des facteurs d’émission qui changent … il est très compliqué de mettre en place un système de mesure stable et fiable.

V.D : On est un acteur important de la stratégie nationale bas carbone avec un actionnaire qui est l’État nous donnant des objectifs de décarbonation. Concernant la trajectoire carbone, l’engagement est de réduire de 30% nos émissions d’ici 2030, nos actions en cours nous positionnent bien au-delà de cet engagement et c’est tant mieux ! Sur la mesure, en réalité l’impact carbone c’est la chose que l’on sait mesurer le mieux aujourd’hui, c’est encadré et la mesure s’affine avec la revue des facteurs d’émission par l’ADEME. Rien n’est simple pour autant et cela nous permet de voir les difficultés auxquelles nous allons être confrontés quand on va réellement se positionner sur d’autres grandes priorités comme la biodiversité par exemple.

Aurélie Ravailhe : C’est un sujet complètement nouveau et relativement abstrait. Aujourd’hui 1 kilo de CO2 dans la tête du grand public comme dans celles de nos collaborateurs ça ne parle pas beaucoup. Il y a toute cette appropriation, cette acculturation à avoir. Pour la ligne managériale, ce point n’est pas forcément simple non plus.

TG : Pouvez-vous nous partager des résultats ?

L.B : Nous sommes convaincus que la sensibilité autour des sujets RSE va aller en s’accentuant, nous souhaitons en faire un élément différenciant à l’avenir en particulier dans un secteur qui s’ouvre à la concurrence. En 2021 nous étions alignés avec les ambitions des Accords de Paris. On a réduit nos émissions de CO2 de 25 000 tonnes sur les scopes 1 et 2. Sur le début de cette année, on constate que la tendance est toujours à la réduction  et nos consommations de gazole sont en baisse d’environ 5% par rapport à la même période en 2021. Cela fait 1 million et demi de litres de gazolel non consommés. En termes d’émissions évitées, le trafic voyageurs repart à la hausse et l’usage du TER en France permet d’éviter environ 2,8 millions de tonnes de CO2 chaque année.

V.D : Fin avril, nous avons modélisé les émissions de CO2 évitées par les voyageurs qui ont choisi de prendre le TGV. Nous sommes à 2,2 millions de tonnes de CO2 évitées sur les trajets longues distances (TGV, Ouigo, Intercités), ce qui équivaut à l’impact du chauffage de la ville de Lyon pour une année. On devrait finir à 6-7 millions de tonnes évitées, ce serait le chauffage de la ville de Paris. En ajoutant les transports franciliens (TER, Transilien), on monte à une dizaine de millions de tonnes évitées chaque année. Si les personnes avaient pris la voiture plutôt que le train, on aurait émis donc 10 millions de tonnes en plus. C’est important de comptabiliser ce que l’on émet et ce que l’on évite. Un trajet en TGV c’est 50 fois moins émetteur de CO2 qu’un trajet en voiture et 80 fois moins qu’un vol en avion. On a mis en place aussi un compteur de CO2 évité. Via notre marketing relationnel, nous remercions les passagers en leur disant combien de tonnes de CO2 ont été évitées grâce à leur choix. On réfléchit à comment le valoriser plus.

TG : Pourquoi avoir candidaté au Grand Prix de la Good Économie ?

L.B : Nous avons trouvé que c’était une bonne occasion pour avoir un regard critique sur un projet que nous menions depuis un an et demi et tenter d’obtenir une reconnaissance externe qui a beaucoup de valeurs dans une entreprise comme la nôtre. Nous ne communiquons pas tellement sur ce que nous savons faire. Cela nous semblait donc intéressant de valoriser auprès de l’extérieur ce que nous sommes capables d’entreprendre en interne.

V.D : Par rapport à ce que j’avais déjà lu de The Good, j’avais envie de miser sur ce prix là plutôt que sur un autre. Au regard de ce qui était proposé dans les catégories et de notre cheminement, nous nous sommes dit que c’était intéressant de donner de la visibilité externe et de la force interne à ces deux programmes. C’était aussi l’occasion de rapprocher deux transporteurs complémentaires de la grande maison SNCF pour une seule et même candidature.

A.R : Le fait d’obtenir un prix est une façon de légitimer tout le travail fait. Cela donne encore plus de force à nos actions.

 

Cette interview est d’abord parue sur The Good.

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