INfluencia : Comment est né votre projet ?
Kambiz Moghaddam : Tout a commencé avec le lancement d’Open Minded en 2012. Rapidement, nous sommes devenus le deuxième média le plus lu par les 18-35 ans en France avec 2,5 millions de lecteurs par mois mais au fil des ans, je me suis lassé d’être constamment en concurrence avec Kombini et Vice lors d’appels d’offre qui ne cherchaient pas de bonnes idées par des KPIs élevés. En septembre 2019, j’ai donc décidé de tout arrêter et de me lancer dans une nouvelle aventure en ouvrant à Saint-Denis un club queer, le Sierra Neon. La pandémie a stoppé net ce projet. Confiné chez moi, j’ai commencé à me demander ce que je voulais faire et c’est là que j’ai découvert Twitch. J’ai trouvé ce concept super mais pour faire ces Live, les créateurs doivent obligatoirement passer par une plateforme existante et je me suis dit qu’il serait bien mieux d’être propriétaire de son propre flux plutôt que d’utiliser celui de multinationales. On est toujours mieux chez soi que chez les autres…
IN : Comment avez-vous fait ?
K.M. : Nous avons commencé par créer un prototype et quand nous avons constaté qu’il fonctionnait, nous avons compris que nous devions changer d’échelle afin d’avoir les capacités de supporter la diffusion de nombres chaînes en parallèle. Nous avons dans le même commencé à créer des contenus. Notre premier OPN Originals était un live streaming de 30 jours durant lequel 30 artistes ont été invités à diffuser des vidéos de leur choix. En septembre 2021, nous avons organisé dans Les Chambres, un tout nouveau lieu à Aubervilliers dédié aux artistes, les Residency où des créateurs de tous genres pouvaient présenter leurs travaux. 250 personnes se sont déplacées pour voir ces artistes et nous avons attiré 500.000 vues sur le web.
IN : Vous cherchez aussi à encourager les créateurs à faire des Live de chez eux en leur louant du matériel.
K.M. : Tout à fait. Pour 5000 euros par mois, une personne peut avoir chez lui un matériel Panasonic dernier cri et notre régie se charge de gérer la diffusion de ses contenus. Chaque créateur pourra également définit ces propres conditions générales d’utilisation tant qu’elles respectent la loi du pays dans lequel il est basé. Sur Twitch ou YouTube, vous pouvez être interdit de diffusion du jour au lendemain car leurs CGU sont très restrictives. Une autre particularité de notre modèle est que les créateurs disposeront de tous leurs analytics pour faire leurs campagnes et ils toucheront la totalité des revenus publicitaires qu’ils généreront. Ils pourront aussi programmer leurs contenus et diffuser leurs publicités sur leur flux au moment qu’ils le souhaitent.
IN : Si les créateurs font toucher l’intégralité de leurs recettes publicitaires, comment allez-vous vous financer ?
K.M. : Dans l’immédiat, nous allons proposer des abonnements assez classiques. A terme, nous allons aux régies de Smart TV notre bouquets de chaînes et nous nous financerons sur les publicités que nous diffuserons via ce canal. Notre véritable solution de financement est là.
IN : Vous allez toutefois mettre du temps à atteindre cette « masse critique »…
K.M. : Il est clair que cela ne se fera pas du jour au lendemain. Nous ne serons pas rentables à moyen terme. Rien que pour créer une infrastructure de serveurs capable de gérer les datas générés par 600 chaînes de contenus, nous allons devoir investir au moins 50 millions d’euros mais l’indépendance est à ce prix.
IN : Vous venez de lever 3 millions d’euros auprès de Bertrand Meunier. Connaissiez vous le président du conseil d’administration d’Atos avant ce projet ?
K.M. : Pas du tout. Nous avons lancé OPN TV au Royaume-Uni et Bertrand Meunier se trouvait dans l’entourage des personnes avec lesquelles nous avons travaillé sur ce projet. Nous sommes partis la fleur au fusil pour lui faire un pitch en décembre 2021 et il nous a confié des fonds en mars. L’argent qu’il nous a confié va nous permettre de renforcer notre équipe technique. Nous sommes actuellement 35 salariés mais nous allons embaucher à la rentrée. Nous allons aussi lancer un financement de série B. Je suis également en train de monter un dossier pour la BPI car notre chiffre d’affaires qui devrait atteindre 1 million d’euros en 2020 commencer à peser.